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Commentaire d'arrêt : Cour de Cassation, première Chambre civile, 23 septembre 2003 01-13.063

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Par   •  22 Avril 2025  •  Commentaire d'arrêt  •  2 735 Mots (11 Pages)  •  2 Vues

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Cour de Cassation, première Chambre civile, 23 septembre 2003 01-13.063

Dans un arrêt de censure rendu le 23 septembre 2003, la première Chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur la question des conditions de la responsabilité du fait des produits défectueux, plus particulièrement du lien de causalité entre le vaccin contre l'hépatite B et l'apparition ultérieure d’une pathologie.

En l’espèce, une personne, qui par sa profession y était obligée, a reçu trois injections du vaccin contre l’hépatite B. Un mois après la dernière injection, elle apprit qu’elle souffrait d’une sclérose en plaques. Estimant que sa maladie était liée à la vaccination, elle engagea une action en justice contre le fabricant du vaccin, pour obtenir indemnisation de son préjudice.

Les juridictions du fond ont retenu la responsabilité du laboratoire, lequel a été condamné par jugement (Tribunal de Grande Instance de Nanterre, 5 juin 1998), décision confirmée ensuite en appel.

Dans un arrêt du 2 mai 2001, la Cour d'appel de Versailles a jugé, d'une part, que le dommage subi par la personne vaccinée révélait une absence de sécurité à laquelle l’utilisateur du produit pouvait légitimement s’attendre, caractérisant ainsi le défaut du vaccin. D’autre part, elle a estimé que des présomptions graves, précises et concordantes permettaient de conclure que la vaccination avait joué, pour la victime, un rôle déclencheur ou accélérateur de la maladie, établissant ainsi le lien de causalité entre l’injection et la survenance de la sclérose en plaques. Sur ce second point, bien que la décision reconnaisse que l’étiologie de la sclérose en plaques demeure inconnue et que ni les expertises médicales ni les études scientifiques ne démontrent l’existence d’un lien avéré entre la vaccination et cette pathologie, la cour d’appel a néanmoins écarté l’absence totale de lien. Elle a relevé que la possibilité d’une telle relation ne pouvait être entièrement exclue, un risque faible demeurant possible chez certains individus prédisposés. Enfin, elle a retenu l’existence d’un lien de causalité en s’appuyant sur plusieurs éléments : la coïncidence temporelle entre les injections et l’apparition des premiers symptômes, l’état de santé antérieurement irréprochable de la victime, ainsi que l’absence d’autre facteur explicatif. En conséquence, malgré l’incertitude scientifique, la cour a admis le défaut du produit litigieux.

Mécontent de cette décision rendue, par un pourvoi fondé sur la violation des articles 1147 et suivants du Code civil, interprétés à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 25 juillet 1985, notamment de ses dispositions aujourd'hui codifiées aux articles 1386-4 et 1386-9 du Code civil, le laboratoire a, dans un premier moyen, contesté la certitude du lien de causalité. Il a reproché aux juges du fond de s’être fondés sur de simples hypothèses, telles qu’un risque faible, une possibilité ou une simple concomitance temporelle, et d’avoir, ce faisant, inversé la charge de la preuve en exigeant du fabricant qu’il démontre l’impossibilité de tout lien causal.

Dans un second moyen, relatif cette fois au fait générateur de la responsabilité, le laboratoire a tout d’abord soutenu que le défaut du produit ne pouvait résulter automatiquement de la seule existence du dommage. Il a ensuite critiqué le fait que les juges n’aient pas pris en considération les avertissements figurant dans les précautions d’emploi du vaccin ainsi que dans le dictionnaire Vidal pour apprécier le niveau de sécurité légitime du produit. Enfin, il a nié que la réparation d’un aléa thérapeutique puisse relever de ses obligations.

La Cour de cassation avait alors à se prononcer sur la question de savoir si l’incertitude scientifique exclut d’office l’établissement du défaut du vaccin et du lien de causalité éventuel entre la vaccination et l’apparition ultérieure d’une maladie.

En se fondant sur les articles 1147 et 1382 du Code civil, la chambre civile rappelle que la responsabilité du producteur suppose que le demandeur établisse cumulativement l’existence d’un dommage, d’un défaut du produit, ainsi que le lien de causalité entre ce défaut et le dommage. Constatant que la cour d’appel n’avait pas tiré les conséquences juridiques des faits qu’elle avait elle-même retenus — à savoir l’impossibilité d’établir tant le défaut du vaccin que le lien de causalité avec la maladie — la Cour de cassation casse l’arrêt pour violation de la loi. Il ne s’agit donc pas d’une simple censure pour vice de motivation, mais d’une cassation portant sur le fond du droit.

À ce titre, après avoir fermement rappelé que « la responsabilité du producteur est soumise à la condition que le demandeur prouve, outre le dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre le défaut et le dommage », la première Chambre civile relève que « les constatations des juges du fond ne permettaient d'établir ni le défaut du produit (I), ni le lien de causalité entre la vaccination et la maladie » (II).

I) L’engagement de la responsabilité du fabricant soumis à la preuve nécessaire de la défectuosité du vaccin

Dans cette décision, la Cour de cassation opère une application cohérente de la responsabilité du fait des produits défectueux, estimant que la preuve de sécurité du produit à laquelle les personnes vaccinées peuvent légitimement s'attendre se heurte à une absence de certitude scientifique (A) rejetant alors une approche probabiliste (B).

L’impossible preuve de défectuosité du produit en l’absence de certitude scientifique

En soutenant que “la responsabilité du producteur est soumise à la condition que le demandeur prouve, outre le dommage, le défaut du produit”, la Cour de cassation procède au rappel des conditions pour que la responsabilité du fabricant du produit puisse être engagée.

La Cour de cassation reproche aux juges du fond de ne pas avoir tiré “les conséquences légales de {leurs} constatations desquelles il résultait que le défaut du vaccin ne pouvaient être établi”. En effet, en l’absence de certitude scientifique quant au potentiel du vaccin à provoquer certains effets indésirables et à l’intensité de ces risques, la preuve de la défectuosité du produit faisait défaut. Or, selon l’article 1245-3 du Code civil, issu de la

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