Arrêt Blanco: Mythe ou fondement?
Dissertation : Arrêt Blanco: Mythe ou fondement?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Sara Yaakoubi • 12 Février 2023 • Dissertation • 2 472 Mots (10 Pages) • 344 Vues
Plan détaillé: L'arrêt Blanco: mythe ou fondement?
“Une véritable révolution jurisprudentielle”, voici comment évoque Marcel Waline, docteur en droit, l'arrêt Blanco, dans son œuvre Traité élémentaire de droit administratif.
En effet, cette vision de l'arrêt traduit bien la position de la doctrine moderne, qui a vu en cet arrêt l'arrêt le plus révolutionnaire du contentieux administratif.
Cependant, l'arrêt Blanco constituant le terrain de controverses par excellence des commentateurs du droit administratif, de nombreux juristes tels que René Chapus dans son ouvrage Responsabilité publique et responsabilité privée. Les influences réciproques des jurisprudences administrative et judiciaire, apportent une vision des plus sceptiques à cette portée révolutionnaire de l'arrêt Blanco.
En effet, l'arrêt Blanco est un arrêt rendu par le Tribunal des Conflits le 8 février 1873. Dans les faits, une petite fille du nom d’Agnès Blanco a été renversée par un wagonnet d’une manufacture de tabac appartenant à l’Etat. Son père a alors intenté une action dirigée à la fois contre les quatres ouvriers conduisant le wagonnet, et contre l’Etat comme civilement responsable de l’imprudence de ses préposés.
Le préfet élève le conflit et le Tribunal des conflits va dans cet arrêt refuser la compétence du juge judiciaire en faveur du juge administratif pour l’action dirigée contre l’Etat, laissant au juge judiciaire la compétence pour l’action dirigée contre les ouvriers.
Ainsi, l’étude de cet arrêt est intéressante dans la mesure ou bien bien qu’il semble constituer une “véritable révolution jurisprudentielle” d’après les termes de Marcel Waline, dans la mesure où il va affirmer la responsabilité administrative de l’Etat en permettant de ce fait l'émergence d’un droit autonome et spécial à l’administration fondé sur le critère du service public, il ne va pas réellement constituer une rupture et un tournant dans la jurisprudence.
En effet, l'arrêt Blanco peut être considéré comme étant un mythe, dans le sens ou il fait l’objet d’une interprétation déformée par la doctrine.
En ce sens, il est donc intéressant de se demander dans quelle mesure la doctrine a orienté le sens de l'arrêt Blanco dans son caractère fondateur.
Il convient alors de révéler que si l'arrêt Blanco est un arrêt fondateur du droit administratif (I), sa portée révolutionnaire doit cependant être relativisée (II)
I→ La portée fondatrice de l'arrêt Blanco:
En premier lieu, l'arrêt Blanco est un arrêt fondamentale du droit administratif. En effet, non seulement ce dernier consacre le principe de responsabilité administrative de l’Etat (A), mais il permet en ce sens l'émergence d’un droit autonome et spécial à l'administration, fondé sur le critère du service public (B).
A→ L’affirmation de la responsabilité administrative de l’Etat:
→ Tout d'abord, l'arrêt Blanco met fin au principe de l’irresponsabilité de l’Etat:
- En effet, le Tribunal des Conflits retient la responsabilité de l’Etat à raison des dommages et intérêts causés par des employés de services publiques
- L’Etat est donc responsable des fautes commises par ses employés de SP
- La consécration de ce principe de responsabilité de l’Etat va alors effacer l’ancien statut d’irresponsabilité de cette dernière, qui ne trouvait d'exceptions qu’en cas de:
- Responsabilité contractuelle
- D’intervention législative, comme par exemple la loi du 28 Pluviôse de l’an VIII relative aux dommages de travaux publics et instituant à cet égard les conseils de préfecture,
- Ou encore dans le cas précis de l'arrêt du Conseil d’Etat Rothschild du 6 décembre 1855 qui avait déjà 50 ans avant l'arrêt Blanco posé les bases de la responsabilité administrative, sans pour autant l’admettre en espèce.
- Donc, en consacrant ce principe de responsabilité de l’Etat, l'arrêt Blanco a marqué un tournant dans la jurisprudence administrative
→ Cependant, le Tribunal des Conflits précise qu’il ne s’agit pas d’une responsabilité civile, mais d’une responsabilité administrative:
- La responsabilité de l’Etat doit donc être appréciée selon les règles du droit administratif
- L'arrêt Blanco écarte en ce sens de l’Etat et de ses services publiques les principes établis par le code civil:
- L’article 1384 du code civil qui déclare les maîtres et commettants responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés n’est donc pas applicable à l’Etat, car le code civil régit uniquement les rapports entre particuliers
- En effet, bien que l’on puisse reconnaître que l’Etat propriétaire, comme personne civile capable de s’obliger par des contrats avec des particuliers, peut être soumis aux règles du code civil, il ne s’agit pas dans ce cas la de cet État là, mais de l’Etat puissance publique
- Donc, l’Etat en tant que puissance publique ne peut être régi par les principes du code civil
Transition: Le Tribunal des Conflits va en ce sens reconnaître l’existence de règles spéciales pour engager la responsabilité de l’Etat: On assiste donc à l'émergence d’un droit autonome et spécial à l’administration
B→ L'émergence d’un droit autonome et spécial à l'administration, fondé sur le critère du service public:
→ En effet, cette reconnaissance de l’existence de règles spéciales pour engager la responsabilité de l’Etat va permettre la création de la compétence de la juridiction administrative:
- Le droit administratif dérogeant donc aux règles du droit civil, il est de ce fait considéré comme étant autonome
- Le Tribunal des Conflits va en ce sens faire le lien entre l’existence d’un droit spécial et autonome à l'administration et la compétence de la juridiction administrative
- En écartant l’application du droit privé, l'arrêt Blanco va favoriser la création par le juge administratif lui même des règles fondamentales du droit administratif
- La compétence des juridictions administratives se déduit donc de l’application dans un litige donné du droit administratif: On dit que “la compétence suit le fond”
→ Par ailleurs, le service public est considéré comme étant le critère de la compétence des juridictions administratives
- En effet, cette autonomie du droit administratif est justifiée par le besoin du service
- L'arrêt Blanco affirme en ce sens le caractère spécial des règles applicables aux services publiques
- Donc le service public est le critère de la compétence administrative et en même temps le fondement du droit administratif
- Comme vu précédemment, l'arrêt n'exclut pas toute idée de puissance, mais la considération du Service public prédomine
- Ces règles spéciales sont notamment justifiées par deux idées:
- En premier lieu, le rôle de l’Etat dans l’accomplissement des services publiques est obligatoire: il lui est imposé et non pas dans un intérêt personnel, mais dans un but d'intérêt général
- D’autre part, la responsabilité de l’Etat pour les fautes de ses agents n’est ni générale, ni absolue, elle doit se modifier selon les lois et les règlements spéciaux à chaque service, suivant leur nécessité et la nature de l’emploi.
Or, toutes ces considérations échappant à l’autorité judiciaire, l’autorité administrative est donc mieux placée pour cela
...