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Economie Industrielle - Promotion ou discrimination par le prix

Dissertation : Economie Industrielle - Promotion ou discrimination par le prix. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  16 Mars 2022  •  Dissertation  •  2 453 Mots (10 Pages)  •  494 Vues

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Sujet N°14 : Les supermarchés émettent fréquemment des coupons qui donnent droit à une réduction sur certains produits. S’agit-il d’une stratégie promotionnelle ou simplement d’une forme de prix discrimination ?

Des preuves empiriques suggèrent que les serviettes en papier sont nettement plus chères sur les marchés offrant des coupons que sur les marchés sans coupon. Cela correspond-il à votre interprétation ?

Selon une étude d’Axciom réalisée en 2008, 95% des foyers français utilisent des bons de réduction. Les supermarchés ont toujours fait partie des plus gros émetteurs de coupons, dont la diffusion a fait son apparition aux Etats-Unis au début des année 1980 à l’intérieur des journaux et prospectus, et s’est énormément développée au cours des années 1990.

En France en 2007, 6 milliards de coupons de réduction ont été édités, mais seulement 300 millions ont été traités, soit un taux d’utilisation effectif de 5%. Les coupons placés à l’intérieur et sur l’emballage des produits représentent à eux seuls 82% des utilisations. Un simple décryptage du mix marketing mis en œuvre par les distributeurs montre que le prix est toujours au cœur des stratégies des supermarchés. Les fabricants et les retailers cherchent comme toutes les entreprises à maximiser leur profit, et inondent le marché de ces coupons. Pourtant, les faibles taux d’utilisation de ces bons de réduction nous invitent à nous interroger sur cette pratique tarifaire qui prima facie laisse penser à une stratégie promotionnelle mais qui, en prenant un peu de recul, s’apparente plutôt à une politique de prix non uniforme. De nombreuses entreprises choisissent de pratiquer ce type de politique dont la discrimination par les prix en est une illustration.

La réflexion sur la discrimination par les prix remonte aux travaux de Pigou, qui en 1920 a distingué trois niveaux d’information correspondant à trois degrés possibles de discrimination par le prix, dont le principe commun est d’appliquer des prix différents pour des produits similaires ayant le même coût de production marginal.

Après un rapide passage en revue des trois degrés de discrimination tarifaire, nous nous attacherons à mettre en exergue les facteurs et conditions nécessaires validant l’hypothèse selon laquelle les supermarchés pratiquent la discrimination par le prix. Par la suite nous examinerons si la mise en œuvre de cette politique tarifaire ne s’accompagne pas d’augmentations des prix de base des produits concernés, et pour terminer nous évaluerons les effets de la discrimination par le prix sur les performances des supermarchés et sur le bien-être social.

Comme le précisent Dennis W. Carlton et Jeffrey M. Perloff, « la discrimination par le prix est une des variantes de politique de prix non uniforme où l’entreprise fait payer un prix variable pour un même bien suivant le consommateur. Pigou a été plus loin et s’est attaché à différencier trois types de discriminations possibles en termes de prix selon la capacité qu’a l’entreprise de distinguer les acheteurs susceptibles de payer un prix élevé, de ceux disposés à payer moins cher. La discrimination de 1er degré correspond à la situation dans laquelle chaque consommateur paye pour chaque unité le prix correspondant exactement à sa disposition à payer. Comme les clients sont hétérogènes dans leur disposition à payer, le prix d’un même bien serait différent d’un consommateur à l’autre. Cette discrimination parfaite, représentant la situation la plus favorable pour l’entreprise, est en pratique impossible à mettre en œuvre, la disposition à payer de chaque consommateur étant une information privée. Pigou le reconnaît et il précise par ailleurs que cette forme de discrimination ne doit être vue que comme une référence théorique sans grande pertinence pratique (The economics of welfare). La discrimination de 2ième degré est décrite comme une tarification non linéaire, le prix payé par unité de produit n’est pas constant et dépend de la quantité achetée. Cette forme de discrimination est utilisée par exemple dans la restauration rapide, Mc Donald propose, pour 50 centimes d’euros de plus, de passer du menu Best Of au menu Maxi Best Of qui différent simplement par les quantités de produits vendues. La discrimination de 3ième degré consiste à tarifer différemment en fonction de catégories de consommateurs sur la base de critères démographiques et des hypothèses qui en découlent. Elle repose donc sur l’application de prix différenciés en fonction de segments de clientèles dont la demande se caractérise par une certaine élasticité au prix.

Notre interrogation se porte ici sur les coupons de réduction, qui semblent appartenir à la 3ième catégorie de discrimination par le prix. L’objectif des supermarchés est de moduler le prix des biens en fonction de la disposition à payer des consommateurs. Il s’avère a priori tout à fait possible de segmenter le marché selon deux catégories homogènes de consommateurs, en fonction de leurs dispositions à payer. Cette hypothèse est soutenue par le principe simple que tous les consommateurs ne disposent pas du même temps et des mêmes moyens. Les personnes sans emploi, à faible revenus avec des prix de réserve faibles, qui naturellement disposent de plus de temps, seront plus enclines à découper des bons de réduction dans les journaux ou sur les emballages que des personnes plus aisées, pour qui le temps est plus précieux et qui sont vraisemblablement prêtes à payer un prix plus élevé. La première catégorie, les utilisateurs de coupons, se distingue par ailleurs par une demande plus élastique aux prix que celle des non-utilisateurs. Cette hypothèse a été démontrée par Chakravarthi Narasimhan en 1984. Le principe a été de réaliser un test d’hypothèses, où Ho postulait que les utilisateurs de coupons avaient une élasticité prix-demande plus grande que les non-utilisateurs. Pour ce faire, il a été nécessaire d’estimer les équations de demande des « utilisateurs » et des « non-utilisateurs » de coupons séparément, et de comparer leurs élasticités. Un utilisateur a été défini comme ayant effectué au moins un achat avec un coupon. La modélisation était la suivante :

 = +  +   +  +    + [pic 1][pic 2][pic 3][pic 4][pic 5][pic 6][pic 7][pic 8][pic 9][pic 10][pic 11]

Où   est la quantité de bien achetée par un ménage,   le prix moyen payé,   le revenu annuel du ménage,   le nombre de membres du ménage,  le niveau d’éducation de la femme,  l’âge de la femme et  le terme de perturbation supposé indépendant.[pic 12][pic 13][pic 14][pic 15][pic 16][pic 17][pic 18]

Le modèle log-log a permis d’obtenir directement les élasticités de la variable dépendante par rapport à la variable indépendante. Ho n’a pas été rejetée au seuil de 5% dans toutes les catégories de produits à l’exception des serviettes en papier, des céréales prêtes à manger, des aliments pour chiens et de la nourriture pour chats. Les résultats ont permis de conclure que les utilisateurs de coupons ont une élasticité prix-demande plus importante que les non-utilisateurs, et ainsi de trier les consommateurs en fonction de sa catégorie. Notre perception selon laquelle une politique de discrimination par le prix est appliquée dans les magasins semble se confirmer, sachant par ailleurs que les supermarchés répondent aux 3 conditions nécessaires à la mise en œuvre de ce type de politique non uniforme. En effet, premièrement les supermarchés ne sont pas contraints par le marché de fixer des prix uniques pour chaque produit, ils peuvent donc proposer un prix différent à chaque segment de consommateurs. Deuxièmement, comme nous l’avons vu supra, même si les supermarchés ne disposent pas d’informations précises permettant d’identifier clairement chaque consommateur, ils ont les moyens de bénéficier d’une information imparfaite leur permettant de segmenter le marché en fonction des dispositions à payer de chaque groupe de consommateurs. Enfin la valeur faciale des coupons étant modulable et relativement faible, le risque de revente des produits après achat des clients ayant bénéficié de la réduction est limité.

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