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Commentaire d'arrêt Cass. civ. 3ème, 24 janv. 2019 n° 17-25793

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Par   •  30 Janvier 2020  •  Commentaire d'arrêt  •  2 269 Mots (10 Pages)  •  3 452 Vues

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Commentaire d’arrêt : Cass. civ. 3ème, 24 janv. 2019 n° 17-25793 :

    En droit civil, il existe présentement 3 droits applicables : le droit ancien, qui concerne les contrats conclus avant octobre 2016, le droit transitoire, allant du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2018, puis le droit nouveau, à compter du 1er octobre 2018.  Lors de certains litiges, certains justiciables intentent en justice en méconnaissant le droit applicable ou en invoquant un droit nouveau, qui n’était pas encore en vigueur lors de la date initiale du contrat ou du litige. La Cour de Cassation fait ainsi des rappels en restant fidèle au droit en vigueur lors de la conclusion d’un contrat. Ceci est notamment rappelé par l’arrêt de la 3ème Chambre civile du 24 janvier 2019, qui expose le point de départ du délai de prescription de l’action en nullité pour défaut d’objet.  

    En l’espèce, un couple a concédé un droit de passage, par le biais d’un acte sous seing privé en novembre 2004, à une femme, moyennant le versement d'une indemnité. Néanmoins, par un acte de mars 2013, cette dernière découvre, au moyen d’un jugement d’un tribunal administratif datant de 2011, que ce droit de passage était préexistant à l’acte qu’elle a conclu avec le couple. Elle les assigne alors en nullité pour défaut d’objet de l’acte de novembre 2004, et du remboursement du montant de l‘indemnité et des frais d’acte notarié.

Après avoir ester en justice en 2017, la cour d’appel déboute la demanderesse de sa demande de nullité et d’indemnisation, considérant que le délai de prescription pour nullité était clos. Celle-ci forme alors un pourvoi en cassation.

Elle évoque la loi du 17 juin 2008 concernant la réforme sur la prescription en matière civile, qui certes n’a pas modifié le délai de prescription de la nullité relative qui est de 5 ans, mais qui modifie toutefois le point de départ du délai. Selon l’article nouveau 2224 du Code Civil, la demanderesse peut agir en nullité « à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

Quel est le type de nullité et quel est le point de départ de prescription concernant une action en nullité pour défaut d’objet ?

En 2019, la Cour de Cassation confirme la solution de la cour d’appel et rejette donc le pourvoi.

Tout d’abord, la nullité d’un contrat pour défaut d’objet est une nullité relative, et non absolue, comme a pu l’évoquer la demanderesse. De plus, la Cour de Cassation applique l’article 1304 du Code Civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, estimant que le « point de départ du délai de prescription d'une action en nullité d'un contrat pour défaut d'objet se situait au jour de l'acte ». La loi de 2008 évoquée modifiant la prescription « n'a pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai de la prescription extinctive ayant commencé à courir antérieurement à son entrée en vigueur ». La prescription extinctive est alors prescrite, la Cour de Cassation a fait application de la loi ancienne, celle en vigueur au moment de la conclusion de l’acte, et non pas de la loi de 2008 ou au nouvel article 2224 du Code Civil, en vigueur lors du jugement prononcé.

Il serait pertinent de voir la nullité d’un contrat pour défaut d’objet déclarée relative par la Cour de Cassation (I). Puis, il serait pertinent de jeter un regard critique sur cette décision en analysant quel est le point de départ de cette prescription, ce qu’il implique, et voir comment une législation pointilleuse s’adoucie au cours du temps (II).

I. La nullité d’un contrat pour défaut d’objet déclarée relative par la Cour de Cassation

On se penchera en premier lieu sur une interprétation individuelle et protectrice des intérêts privés des parties d’une action en nullité pour défaut d’objet (A), puis en second temps sur une application stricte du droit ancien (B).  

A. Une interprétation individuelle et protectrice des intérêts privés des parties d’une action en nullité pour défaut d’objet

Tout d’abord, il est bon de préciser que le régime de nullité varie suivant que la nullité encourue soit une nullité relative ou une nullité absolue. Avant 2016, la doctrine partageait 2 théories ; la théorie moderne des nullités, qui disait que la nullité est relative ou absolue suivant l’intérêt que la loi cherchait à protéger par le biais de la règle non respectée, et la théorie classique, qui elle considérait que le critère de distinction dépendait de la gravité de la transgression des règles de formation du contrat. La théorie ayant été retenue est la théorie moderne, se trouvant actuellement à l’article 1179 du Code Civil. La nullité relative vise à protéger un intérêt particulier, l’action en nullité relative est réservée à la partie que la loi à entendu protéger. Cette nullité est individuelle et unilatérale. La nullité absolue peut être mise en œuvre par toute personne qui a un intérêt à agir.

    En l’espèce, la demanderesse a d’abord soutenu devant la cour d’appel que la nullité pour un contrat avec défaut d’objet devait être une nullité absolue, celle-ci évoquant la « prescription trentenaire de l'action en nullité pour défaut d'objet ». En effet, avant 2016, le délai de prescription pour nullité absolue était de 30 ans, comparé à 5 pour la nullité relative. Après la réforme de 2016, la prescription est au nombre de 5 années pour les deux cas. La Cour de Cassation soutient alors que la nullité pour l’acte en question est relative, car celle-ci « ne tend qu'à la protection des intérêts privés des parties relatives ». Certes, même si cette nullité aurait pu protéger les intérêts privés de la demanderesse, il est possible de s’interroger ici sur les tiers, qui peuvent eux aussi se sentir concernés par ce droit de passage. En effet, il est tout à fait possible d’avancer que les tiers auraient également pu avoir un intérêt à agir concernant cet acte, si eux aussi souhaitaient user de ce droit de passage, sans qu’il soit nécessaire de passer par un acte, compte tenu de la décision du tribunal administratif en 2011.

B. Une application stricte du droit ancien

Il est bon de rappeler que le délai de prescription pour agir en nullité relative est de 5 ans, ce qui est le cas avant ou après la réforme de 2016. Le contrat ayant était conclu en 2004, le litige ayant été soulevé en 2013, si la demanderesse aurait voulu être dans les temps pour agir, il aurait fallu qu’elle agisse au plus tard au cours de l’année 2009. Néanmoins, celle-ci invoque la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile. En effet, cette loi n’a pas modifié le délai de prescription de la nullité relative qui est de 5 ans, mais a eu pour modification le point de départ du délai. L’article 2224 du Code Civil dispose désormais que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». Avant 2008, l’action en nullité relative avait un délai de 5 ans au moment conclusion de l’acte. Même si la cour d’appel a jugé l’affaire après 2008, de même pour la Cour de Cassation, cette dernière applique l’article 1304 du Code Civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, soutenant que le « point de départ du délai de prescription d'une action en nullité d'un contrat pour défaut d'objet se situait au jour de l'acte », et que de plus, la loi de 2008 modifiant la prescription « n'a pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai de la prescription extinctive ayant commencé à courir antérieurement à son entrée en vigueur ». C’est ici une application stricte du droit ancien, qui ici porte préjudice à la demanderesse qui se retrouve alors lésée. La Cour de Cassation est restée fidèle au droit applicable au moment de l’acte, c’est-à-dire en 2004. Même si cette décision est critiquable car la demanderesse n’a pas obtenu remboursement de ses frais d’acte notarié et n’a pas eu annulation de l’acte, notons que la loi du 17 juin 2008 ne peut faire revivre une prescription éteinte. Le Code Civil le précise expressément dans son second article, disposant que « la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif ». De plus, la Cour de Cassation peut voir sa décision confortée par l’alinéa 3 de l’article 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, énonçant que « lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation ». La Cour de Cassation a alors fait une application assidue du droit ancien, et non l’application de la loi de 2008 et du nouvel article 2224 du Code Civil, au dépend de la demanderesse. Mais il est important de rappeler que même si la décision prononcée est sévère, la Cour de Cassation ne fait qu’une application stricte du droit.

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