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Commentaire arrêt Franck

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Par   •  28 Février 2019  •  Commentaire d'arrêt  •  2 586 Mots (11 Pages)  •  2 375 Vues

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        « On est responsable des choses dont on a la garde parce qu'on a commis une faute. Cette faute c'est la faute dans la garde ; la perte de la garde matérielle » Mazeaud

Henri Mazeaud consacre par cette citation la théorie de la garde juridique c'est-à-dire : la présomption de responsabilité de l'article 1384 du Code civil repose sur le propriétaire de la chose. Il doit assumer les risques du dommages du fait de la chose qu'il a sous sa garde.

Cette idée doctrinale influencée par la théorie du risque est totalement en continuité avec l'alinéa 1 de l'article 1384 du Code Civil qui dispose « On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ».

En contradiction avec la théorie de la garde matérielle qui subordonne la qualité du gardien à l'exercice d'un pouvoir effectif sur la chose au moment de la réalisation du dommage. 

        L'affaire liée à l’arrêt Franck rendu par les Chambres réunies de la Cour de Cassation le 2 décembre 1941 témoigne de la divergence doctrinale quant à la présomption de responsabilité de l'article 1384 du Code Civil.

        En l’espèce, dans la nuit du 24 au 25 décembre 1929, le véhicule du docteur Franck, qui était stationné sur la voie publique, a été volé. Peu de temps après, le voleur du véhicule a renversé et blessé mortellement un individu avant de s'enfuir. Son identité étant demeuré inconnu il ne put être retrouvé. 

        La famille de ce dernier a alors assigné en réparation le docteur, en se fondant sur l’article 1384 alinéa 1er du Code civil. La Cour d’appel les déboute de leur demande. Elle fait valoir qu’au moment de l’accident, le docteur avait été dépossédé du véhicule à cause du vol. Il ne pouvait alors exercer aucune surveillance sur la voiture. La famille du défunt se pourvoit alors en cassation.

         Le propriétaire d’un véhicule, privé de son usage par l’effet d’un vol, reste t-il soumis à la présomption de responsabilité posée par l’article 1384 alinéa 1er du Code civil ?

        Les chambres réunies répondent par la négative, et rejettent le pourvoi formé en appel. Elles disposent que le Mr Franck, le docteur, avait été privé de l’usage de son automobile à cause du vol. De ce fait, ne  pouvant plus exercer de surveillance sur la voiture, il n’en était plus le gardien, et donc n’était plus soumis à la présomption de responsabilité posée à l’article 1384 alinéa 1er du Code civil.

        Il s’agit de voir dans un premier temps, le renouveau de la responsabilité du fait des choses consacré à l’article 1384 alinéa 1 du Code civil (I) ; puis dans un second temps, l’exonération du gardien en cas de perte de la chose (II).

I. Une interprétation élargie de l'article 1384 alinéa 1 vers la responsabilité du fait des choses

De la simple transition législative à la relecture jurisprudentielle totale de l’article 1384 alinéa 1 qui permettait d’indemniser les victimes de dommages liés aux nouvelles choses (A). Cependant les avancées jurisprudentielles depuis le 19e siècle et notamment l’arrêt Frack ont permis d’établir que le garde la chose était la condition essentielle à la mise en œuvre de la responsabilité du gardien sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 (B).

A. La relecture prétorienne de l'article 1384 alinéa 1 fondant la responsabilité du fait personnel

Aux termes de l’article 1242, al. 1er du Code civil « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».

Lors de l’adoption du Code civil en 1804, ses rédacteurs n’avaient pour seule intention, en insérant cet alinéa, que d’annoncer les cas particuliers de responsabilité du fait des choses prévus aux articles 1243 (responsabilité du fait des animaux) et 1244 (responsabilité du fait des bâtiments en ruine).

Pendant près d’un siècle, nul n’a envisagé l’existence d’un principe général de responsabilité du fait des choses, pas plus d’ailleurs qu’un principe général de responsabilité du fait d’autrui. La liste des cas de responsabilité du fait des choses est demeurée limitative jusqu’à l’avènement de la Révolution industrielle qui était accompagnée par un accroissement considérable des accidents de personnes provoqués par l’explosion des techniques encore mal maîtrisées.

Aussi, faut-il attendre la fin du XIXe siècle pour que naisse une prise de conscience de la nécessité d’améliorer le sort des victimes du machinisme en jurisprudence. Deux étapes ont été nécessaires à la reconnaissance d’un principe général de responsabilité du fait des choses.

Dans un arrêt du 16 juin 1896 ou l’arrêt Teffaine, la Cour de cassation reconnaît pour la première fois le caractère non limitatif de l’ancien article 1384, alinéa 1er du Code civil. Elle confère donc à l’article 1384 al. 1er une valeur normative, sans considération de la simple fonction introductive que lui avaient assignée les rédacteurs du Code civil.

À partir de cette décision, l’article 1384 al. 1er va connaître un essor particulièrement important, en dépit d’une période de flottement jurisprudentiel, les tribunaux étant pour le moins hésitant quant à l’application du principe général de responsabilité du fait des choses qui venait d’être découvert.

Cependant, plusieurs incertitudes ont entouré l’arrêt Teffaine. La doctrine et la jurisprudence se sont, en effet, interrogées sur la question de savoir s’il ne convenait pas de réduire le domaine d’application du principe général de responsabilité du fait des choses.

Par conséquent, dans l’arrêt Jand’heur du 13 février 1930, non seulement la Cour de cassation va réitérer la solution qu’elle avait adoptée dans l’arrêt Teffaine, mais encore elle va mettre fin aux incertitudes qui entouraient la découverte, en 1896, d’un principe général de responsabilité du fait des choses.

Il ressort donc de l’arrêt Jand’heur que, par une construction purement prétorienne, la responsabilité du fait des choses est devenue une responsabilité de plein droit ou objective, en ce sens que l’obligation de réparation naît, désormais, indépendamment de l’établissement d’une faute.

Autrement dit, le gardien engage sa responsabilité, dès lors que la chose qu’il avait sous sa garde a concouru à la production du dommage. Pour faire échec à l’action en réparation diligentée contre lui, il ne disposera que de deux options : Rapporter la preuve d’une cause étrangère dont la survenance a rompu le lien de causalité entre le dommage et le fait de la chose ou démontrer que les conditions de mise en œuvre de la responsabilité du fait des choses ne sont pas réunies

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