Selon vous, pourrait-on être heureux dans un monde sans musique ?
Dissertation : Selon vous, pourrait-on être heureux dans un monde sans musique ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar vggr • 20 Mars 2021 • Dissertation • 1 382 Mots (6 Pages) • 765 Vues
Dans notre société moderne où la musique s'est banalisée au point de devenir envahissante, son écoute relève souvent de l'acte machinal et instinctif: c'est à peine si nous remarquons, tandis que nous faisons nos courses, qu'une chanson en a remplacé une autre! On ne saurait parler, dans le cas de cette écoute parcellaire et fragmentée, d'écoute réelle. Pourquoi alors ce besoin de musique dans nos vies?
Je montrerai tout d'abord la manière dont elle me permet de sortir de moi-même; puis en quoi elle s'assimile à une expérience d'élévation spirituelle.
La musique me permet tout d'abord de voyager.
La musique est pour commencer plus suggestive quand elle est purement instrumentale. J'aime lorsqu'elle se passe de mots, favorisant d'autant l'évasion. Je m'en trouve plus libre, a fortiori dans le cadre d'un univers à l'imaginaire singulier. Jankélévitch montre bien dans son essai "Quelque part dans l'inachevé" combien elle échappe aux lois de la communication sémantique qui donne déjà du poids aux mots. Dire, plutôt que suggérer, c'est courir le risque d'appauvrir la pensée, et soit-elle riche, tant qu'explicitement qu'implicitement, elle n'échappe pas aux mots, médium partagé, si bien que chacun peut appréhender le dit selon son propre entendement. Est-on en phase avec la pensée de l'auteur? La comprend-on? Au contraire, la musique instrumentale n'affirme rien, elle suggère et bouleverse d'autant, provoquant la danse, le chant, laissant parler l'imagination. Telle musique de Chopin, compositeur romantique qui a mis toute son âme dans ses compositions, me transporte alors et libère mes émotions. Guidé par le rythme, la mélodie, le pathos de l'air entendu, je recompose cette musique à partir de mon ressenti, de mon histoire personnelle, à l'instar de Baudelaire dans sa "Lettre à Wagner" qui colore ses opéras à partir de son propre vécu.
Ainsi je puis dire qu'il n'existe aucun autre , aucun autre art qui favorise autant le voyage spirituel que la musique, véritable envol de l'âme. Mais le voyage en musique est tout autant culturel. A l'instar des humanistes de la Renaissance épris de culture et avides de connaître les contrées les plus lointaines, leurs trésors inconnus, je suis curieux des spécificités de chaque pays, de sa langue et de ce qui le rend riche et singulier. C'est plus que jamais nécessaire à mes yeux, à l'heure de la mondialisation qui tend à aplanir les différences, voire à les abolir par la haine et le racisme, par la cupidité capitaliste ! A ce titre, la musique est une porte d'entrée fascinante, des musiques traditionnelles à leur synthèse moderne, qu'elles soient l'oeuvre d'autochtones ou que d'autres courants musicaux s'en soient emparés pour élargir leur palette sonore et stylistique. Comment à ce titre ne pas pleurer à l'écoute d'un fado d'Amalia Rodriguez? C'est si émouvant, si plein de "saudade", comme disent les lusophones pour évoquer leur mal du pays, leur mal-être, que même si je n'en comprends pas un mot, porté par la voix de cette immense artiste et par ses mots qui habitent mon imagination par leur poésie pleine de nostalgie, la beauté de cette langue chantante, je me croirais à Lisbonne ou Porto ! Je pourrais aussi évoquer George Harrison qui, ouvrant l'univers des Beatles à la musique indienne, guidé par le célèbre artiste Ravi Shankar, un maître du sitar, n'a cessé d'enrichir le courant pop, le sortant de son carcan initial pour en faire un champ d'expression toujours plus riche. "Within you, without you", chanson du Beatle précité, me fait ainsi voyager dans un univers culturel à caractère pacifiste et coloré, notamment le solo envoûtant du milieu, et d'ordre onirique, me rappelant l'univers psychédélique de l'album tout entier, le célèbre "Sgt Pepper's lonely hearts club band", et les hippies des "sixties".
Il est ainsi enivrant de pénétrer les particularismes culturels d'un pays, d'une culture, par le prisme de la chanson populaire de qualité.
Or, outre l'aventure musicale, laquelle peut nous mener très loin pour peu qu'on se laisse porter par une écoute attentive et recueillie, la musique peut nous élever, nous révéler à nous-même et redéfinir notre rapport à la vie.
Ainsi fonctionne-t-elle comme une introspection, ouvrant la porte à tout un monde intérieur. Par son pouvoir de mystère et de révélation, elle me permet de m'abandonner à mon moi le plus profond. Elle est alors fondatrice puisqu'elle va me rénover à l'image du héros proustien du roman "Du côté de chez Swann". Charles, amoureux d'Odette de Crécy, n'a retenu, à sa demande, qu'une petite phrase symbolique de leur amour, de la sonate de Vinteuil. Or, si triste soit-elle, elle est si sublime, si pleine de l'admiration qu'il voue à l'être aimé, qu'elle métamorphose en lui tout le poids de l'existence, le rendant léger, euphorique, meilleur car plus riche de lui-même et du sens de la vie. Je me reconnais ainsi en lui tant j'ai maintes fois fait l'expérience - amoureux ou non...- du sublime en musique, notamment dans la musique de chambre, dont la beauté transcende la souffrance. Mieux, cette souffrance est un atout à mes yeux, car je ne vois rien de plus beau et de plus singulier que la tristesse quand elle est suggérée avec sincérité ! Je citerai le quatuor de Schubert "La jeune fille et la mort" dont on peut entendre la splendeur dans le magnifique film éponyme de Roman Polanski. C'est fascinant de constater combien la musique, tout comme la culture dans son ensemble, peut nous permettre de nous accomplir en tant que personne, nous faire aller toujours plus loin, au-delà des évidences ou des fausses évidences du réel souvent décevant. Il existe du reste toute une littérature dédiée à tous les courants, les artistes, incluant les dimensions historiques, culturelles, économiques, religieuses entourant l'acte compositionnel, ce qui attise d'autant ma curiosité.
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