Responsabilité du fait d'autrui, arrêt Blieck, 29 mars 1991
Commentaire d'arrêt : Responsabilité du fait d'autrui, arrêt Blieck, 29 mars 1991. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Ma222 • 9 Septembre 2018 • Commentaire d'arrêt • 2 197 Mots (9 Pages) • 2 621 Vues
La responsabilité du fait d’autrui
Exercice : Commentaire d’arrêt
Commentez l’arrêt Blieck, 29 mars 1991, Cour de cassation, Assemblée plénière.
Lorsqu’un individu commet un fait dommageable, sa responsabilité personnelle peut le plus généralement être recherchée sur la base des articles 1382 ancien ou 1240 nouveau du Code civil. Dans certaines hypothèses particulières, le Code civil reporte cependant la charge de cette responsabilité sur un tiers. La victime peut alors obtenir indemnisation d’une personne qui n’a pas matériellement causé le dommage, mais qui est responsable du fait d’autrui, c’est ce que nous allons étudier par cet arrêt.
En l’espèce, un handicapé mental majeur placé dans un centre éducatif a provoqué un incendie dans une forêt. Les propriétaires de cette forêt ont assigné en réparation de leur préjudice l’association gérante du centre éducatif ainsi que son assureur.
Les propriétaires de la forêt ont assigné en justice l’association gérante ainsi que son assureur, en réparation de leur préjudice matériel. Le tribunal a orienté sa décision en faveur des propriétaires, en condamnant l’association et son assureur en réparation du préjudice causé.
Les défendeurs interjettent appel.
Par un arrêt confirmatif en date du 23 mars 1989, la cour d’appel de Limoges a débouté l’association ainsi que son assureur de leur demande et les a condamnés à réparer le préjudice subi par les propriétaires par le versement de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil.
La cour d’appel se fonde sur le risque social créé par les méthodes libérales de rééducation et a ainsi estimé que ce risque permettait d’appliquer les dispositions de l’article 1384, alinéa 1er énonçant le principe de responsabilité du fait des personnes dont on doit répondre et avait ainsi accueillie l’action en responsabilité contre l’association.
Ceux-ci se pourvoient en cassation considérant qu’il n’existait de responsabilité du fait d’autrui que dans les cas prévus par le Code civil.
Dès lors, la Cour de cassation devrait se prononcer sur la question suivante :
L’association peut-elle voir engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil, pour un dommage causé par une personne inadaptée dont elle avait la garde ?
A cette question, la Cour de cassation a répondu par l’affirmative. En effet, la Haute juridiction rejette le pourvoi et confirme l’arrêt de la cour d’appel de Limoges.
Elle précise dans sa décision rendue le 29 mars 1991, que l’association ayant accepté la charge d’organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie de l’handicapé et celui-ci étant soumis à un régime de totale liberté de circulation dans la journée, elle doit donc répondre des dommages causés par celui-ci sur le fondement de la responsabilité du fait d’autrui posé à l’article 1384 alinéa 1 du Code civil. C’est donc à bon droit que la cour d’appel a décidé que l’association était tenue de réparer les dommages commis.
Ainsi, il conviendra dans un premier temps, de démontrer un revirement de jurisprudence consacrant un régime général de responsabilité du fait d’autrui (I), et dans un second temps il conviendra de s’intéresser à la mise en oeuvre de cette nouvelle responsabilité d’autrui (II).
I. Un revirement de jurisprudence consacrant un régime général de responsabilité du fait d’autrui
L’arrêt Blieck est considéré comme étant l’arrêt fondateur du principe de responsabilité du fait d’autrui. En effet, alors qu’antérieurement l’article 1384 alinéa 1er du Code civil était apprécié restrictivement, on assise à une reconnaissance fondée sur ce même article (A), en retenant une application extensive de celui-ci (B).
A) Une reconnaissance fondée sur l’article 1384 alinéa 1 ancien du Code civil
Jusqu’en 1991, la Cour de cassation refusait avec constance, toute mise en oeuvre de la responsabilité du fait d’autrui en dehors des régimes spéciaux instaurés par les articles 1384 alinéa 4 et suivants anc. du Code civil. Le droit commun de la responsabilité étant en effet fondé sur le fait personnel, le fait d’autrui était considéré comme une exception qui devait être interprété strictement. Aucune nécessité sociale ne paraissait, par ailleurs, imposer une interprétation novatrice de l’article 1384 alinéa 1 anc. du Code civil, qui n’était dans l’esprit des rédacteur du Code qu’un simple texte d’annonce.
La jurisprudence a manifesté son point de vue dans de nombreux arrêts comme le refus d’engager la responsabilité du mari du fait de sa femme (Ch.Rep, 21 octobre 1901), ainsi que pour les personnes en garde du dément (Ch.Crim, 15 juin 1934).
Elle a aussi affirmé que les cas spéciaux de la responsabilité du fait d’autrui devaient bénéficier d’une application stricte en vertu de la maxime latine de l’interprétation stricte des exceptions.
En effet, dans cette affaire, l’association mise en cause dans la réparation du préjudice évoque le moyen par lequel elle n’est pas tenue de répondre des personnes qui lui sont confiées ainsi
qu’au versement de dommages et intérêts aux propriétaires des lieux de l’incendie, en raison d’une responsabilité du fait d’autrui uniquement fondée sur les cas prévus par la loi, donc prévus à l’article 1384 alinéa 4 et suivants du Code civil.
Seulement, par cet arrêt du 29 mars 1991, on constate que la Cour de cassation a opéré un important revirement de jurisprudence, en admettant, sur le fondement de l’article 1384 al.1 anc. du Code civil, qu’une association qui avait accepté la charge d’organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie d’un handicapé mental devait répondre des faits de celui-ci.
Cette décision apparait comme une grande nouveauté au vu de la jurisprudence antérieure à cette date, car pour la première fois, la Cour de cassation admet une responsabilité du fait d’autrui en dehors des régimes spéciaux instaurés par le Code civil.
Par l’arrêt Blieck, on assiste à une extension du champ de la responsabilité du fait d’autrui aux associations ayant la garde de personnes inadaptées ou handicapées.
B) Une appréciation extensive
La cour d’appel de Limoges a donc accordé les dommages et intérêts demandés par les propriétaires aux dépens de l’association et de son assureur, alors que cela n’entre pas dans le champ d’application de l’article 1381 alinéa 1er du Code civil.
Alors que la jurisprudence s’était toujours obligée à avoir une appréciation restrictive de cet article, les juges du fond en acceptant d’imputer la responsabilité du fait d’autrui à l’association gérant un centre éducatif, fait une appréciation relativement extensive de la loi.
Elle considère que le risque social causé par les méthodes de rééducation de cette association permet de justifier l’application de cet article à l’espèce.
En l’espèce, le centre géré par l’association a pris le risque de laisser libre des personnes handicapées, elle a par son activité crée un risque qu’elle doit assumer, c’est le risque crée.
On peut supposer qu’il y a donc une certaine volonté d’étendre l’application de l’article 1384 alinéa 1er du code civil par la Cour d’appel, volonté sur laquelle la Cour de cassation va rebondir. Elle affirme que la cour d’appel a jugé à bon droit et a donc confirmé sa position en basant elle aussi son raisonnement sur la théorie du risque proposée dès la fin du XIXème siècle par Saleilles et Josserand.
Cet arrêt de revirement met donc en place le principe général de responsabilité du fait d’autrui en déclarant l’association gérante responsable du dommage causé aux propriétaires du fait de l’incendie. L’alinéa 1er de l’article 1384 du Code civil est donc source de ce principe.
Toutefois, la Cour de cassation a nécessairement pris le soin de contrôler l’extension de ce principe. C’est ce qui peut expliquer la rédaction assez factuelle de l’arrêt. Tout est spécifique au fait de l’espèce. La déduction est faite uniquement au regard des circonstances de fait.
C’est une décision prudente dans sa formation mais elle dispose d’une portée très importante.
Après une reconnaissance jurisprudentielle d’une responsabilité du fait d’autrui sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 anc. il convient d’étudier sa mise en oeuvre (II).
II. La mise en oeuvre de cette nouvelle responsabilité d’autrui
La reconnaissance de cette nouvelle responsabilité d’autrui est soumise à des conditions strictes (A), par laquelle son régime a été confirmé de plein droit (B).
A) Les conditions d’engagement de la responsabilité
La Cour de cassation dans cet arrêt, se fonde sur l’idée de pouvoir qu’exerce cet établissement. C’est l’existence de ce pouvoir qui justifie l’obligation de réparation. La charge du risque est la contrepartie de ce pouvoir. Ceci justifie l’existence de cette responsabilité générale du fait d’autrui.
L’arrêt développe deux principales conditions d’application de ce principe : Tout d’abord il s’agit en ce que le responsable du fait d’autrui doit avoir accepté une obligation.
Le pouvoir sur autrui doit résulter d’après l’arrêt, d’une obligation acceptée par celui qui l’exerce. Ensuite le pouvoir qui est exercé sur autrui « doit être celui d’organiser et de contrôler le mode de vie » de celui-ci.
Par ailleurs, le fait générateur selon l’article 1384 alinéa 1 doit être fautif. Cette règle est affirmée dans le projet Catala. Il ne peut y avoir de responsabilité du fait d’autrui fondée sur l’article 1384 alinéa 1 en l’absence de responsabilité personnelle de l’auteur direct du dommage.
De plus, la responsabilité du fait d’autrui semble être à la lecture de l’arrêt Blieck une responsabilité rattachée à la garde. C’est une garde juridique contrairement à la responsabilité du fait des choses ou la garde est matérielle.
Contrairement aux autres conditions caractérisées par la nature de la personne (28 mars 2002) ou la dangerosité de la personne et de l’activité (arrêt Les majorettes,12 décembre 2002), l’Assemblée Plénière insiste sur le caractère permanent de la mission de contrôle confiée au centre d’aide par le travail, ce qui peut être interprété comme écartant implicitement les cas de garde temporaire et d’autre part, sur le régime de liberté dont bénéficiait le handicapé ce qui tendrait a lier cette nouvelle responsabilité au risque social créé par la liberté de circulation des personnes qui se trouvent soumises à certains contrôles.
Pour finir, la responsabilité est dite objective puisqu’elle ne résulte pas d’une analyse de comportement mais d’une constatation matérielle. Il reste que si l’établissement est de plein droit responsable, c’est parce qu’il avait « accepté la charge d’organiser et de contrôler le mode de vie de ce handicapé ».
En consacrant le principe général de responsabilité du fait d’autrui, la Cour de cassation fait peser sur le gardien d’une personne, une pleine responsabilité.
La mise en oeuvre de cette nouvelle responsabilité d’autrui est confortée par un régime de responsabilité de plein droit confirmée.
B) Le régime de la responsabilité de plein droit confirmée
Par sa solution la Cour de cassation s’est refusé d’apprécier la présence d’un comportement fautif ou non de la part de l’association. Seul la faute réalisée par la personne dont elle doit répondre a été mise en exergue. Par conséquent, le principe de responsabilité de plein droit du gardien est ici mis en avant.
Le principe général de la responsabilité du fait d’autrui parait donc défavorable pour le gardien puisque sa responsabilité est entièrement engagée de plein droit et dont la faute ne peut constituer un moyen d’exonération. Les cas pouvant créer une telle situation seront donc ceux de la force majeure et de casse extérieure.
On peut également noter que cet arrêt répond au phénomène démographique et social de la multiplication des « personnes dont on a la charge », non seulement parce qu’elles se multiplient et parce que la famille déporte cette charge sur des institutions, qu’elle rémunère pour qu'elles s’assurent et répondent financièrement des dommages causés par ces nombreuses personnes affaiblies par l’âge ou encore par le handicap.
Toutefois, on remarque au travers de cet arrêt, que la position de l’Assemblée Plénière demeure cependant prudente, ce qui nous amène à se demander si un principe général du fait d’autrui a bien été dégagé et affirmé.
Concernant la portée de l’évolution jurisprudentielle, malgré une nouveauté fondamentale, l’arrêt Blieck n’a pas posé un véritable principe général de responsabilité du fait d’autrui.
L’attendu de principe de la Cour de cassation apparait en effet subordonner à de strictes conditions de la mise en oeuvre de la responsabilité de l’association : responsabilité limitée au fait d’une personne handicapée, nécessité d’une acceptation préalable de la prise en charge de la personne inadaptée, existence d’un contrôle permanent sur son mode de vie. Ces critères restrictifs interdisent de parler d’un véritable principe général de responsabilité du fait d’autrui.
Par conséquent, on peut donc considérer cet arrêt comme le point de départ d’une évolution jurisprudentielle qui a progressivement précisé le champ d’application de l’article 1384 al.1 anc. du Code civil, devenu article 1242 nouv.
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