Partagez-vous l’avis de François BERREUR (éd. SCEREN/CNDP, 2008) lorsqu’il parle, à-propos de Juste la fin du monde, d’un « équilibre des tensions » ?

Emmanuel

ANDRE 107

Dissertation Juste la fin du monde Jean-Luc Lagarce

Sujet : Partagez-vous l’avis de François BERREUR (éd. SCEREN/CNDP, 2008) lorsqu’il parle, à-propos de Juste la fin du monde, d’un « équilibre des tensions » ?

       Jean-Luc Lagarce est un comédien, metteur en scène, français qui est né le 14 février 1957 à Héricourt et est mort le 30 septembre 1995 à Paris. Il va commencer à écrire ainsi qu’à mettre en scène de nombreuses pièces assez tôt et est aujourd'hui l'un des auteurs contemporains les plus joués en France. (Ses textes sont traduits en vingt-cinq langues et sont joués dans de nombreux pays.) Juste la fin du monde est l’une de ses dernières pièces de théâtre, écrite en 1990 peu de temps après qu’il ait appris sa séropositivité. Les notes de création conservées dans son journal révèlent que cette pièce s’intitulait à l’origine Quelques éclaircies. Si la trame reste la même (un homme décide de rendre visite à sa famille pour lui annoncer sa mort prochaine), l’évolution du titre manifeste le changement de tonalité de l’œuvre : l’optimisme esquissé par les éclaircies laisse place à un sentiment de fin du monde, perçu à la fois comme tragique, que comme dérisoire, à cause du mot restrictif juste.  En 2016 cette pièce a été adapté au cinéma par Xavier Dolan. Dans cette pièce, Louis, le personnage principal va rendre visite à sa famille qu’il n’a pas vue depuis des années. Il va donc revoir sa mère, son frère Antoine, sa sœur Suzanne ainsi que sa belle-sœur Catherine. Il les retrouve afin de leur annoncer qu’il va prochainement mourir d’une maladie. Son retour va alors déclencher de fortes tensions familiales et chaque personnage fera divers reproches, ce qui aura pour conséquence le départ de Louis sans même qu’il ait pu faire l’annonce de sa mort. François Berreur, un metteur en scène, acteur de théâtre et éditeur français qui a fondé avec Jean-Luc Lagarce les éditions « Les Solitaires Intempestifs va soumettre l’idée que Juste la fin de monde est un « équilibre de tensions » . Nous pouvons donc comprendre que d’après lui, il y a dans cette œuvre une certaine « Harmonie des conflits ». Nous allons donc dans ce développement étudier dans un premier temps l’ « équilibre » et la « stabilité » présents dans la pièce de Jean-Luc Lagarce. Ensuite nous nous intéresserons aux « tensions » et enfin nous étudierons l’expression « équilibre des tensions », une expression formée de deux termes paraissant au premier abord complètement opposé.

       Pour commencer nous allons pouvoir observer une certaine forme d’équilibre dans l’œuvre de Lagarce car il va tout au long de sa pièce être dans le respect des règles d'unité du théâtre classique. Tout d'abord nous pouvons observe un respect de l'unité de lieu car l’auteur va souligner dans la préface le fait que la pièce se déroule dans une maison familiale : « après sa courte halte dans la maison familiale… »). Ensuite nous pouvons relever la présence du respect de l'unité de temps puisque la pièce se déroule en un seul jour. Nous pouvons remarquer que le dimanche est de plus un jour symbolique des réunions familiales. Et enfin nous pouvons observer le fait que Lagarce a respecté l'unité d'action imposée par le théâtre classique, puisque rien ne nous détourne de l'action principale qui est la relation entre les membres d'une famille. Effectivement nous pouvons remarquer qu’il y a tout abord une présentation des reproches suivie de disputes, qui sont elles-mêmes accompagnées d’excuses, puis la famille se dispute à nouveau : tout est agencé et bien construit.

       Ensuite nous pouvons de nouveau retrouver un certain équilibre familial, lorsque l’on observe la position qu'occupe la mère : le père est absent et c'est donc la mère qui va « domine/diriger », c’est elle qui va incarner le rôle de chef de famille. De plus nous pouvons remarquer que le sentiment maternel qu’est censé apporter la mère à ses enfants est peu perceptible car effectivement dans la scène huit de la première partie nous avons pu observer qu’elle a oublié la date de naissance de son fils Louis. De plus elle parle de sa fille en évoquant les promenades familiales qui n'ont plus d'intérêt, si elles sont sans les garçons : « ce n'était plus la peine rien qu'avec Suzanne. La mère peut être considérée comme une détentrice d'une couronne que ses fils ne parviennent pas à saisir. Nous pouvons ainsi découvrir que trois hommes de trois générations successives de cette famille portent le prénom Louis, très présent dans la royauté française et l’on peut donc considérer cela comme une sorte d'hommage, comme une sorte d'accord de la famille, et cela va apporter une certaine continuité à cette famille et donc y apporter un équilibre.

     Enfin non pouvons une nouvelle fois observer une forme d’équilibre dans le personnage principal, Louis, qui va incarner de manière parfaite l'équilibre mental ainsi que l’équilibre intérieur : effectivement c’est un personnage qui ne va pas forcément aller au conflit comme le font les autres membres de sa famille qui eux ne vont pas du tout incarner l’équilibre. Il a des idées bien en place,  il retourne voir sa famille avec des intentions bien précises : son projet d’aveu, sa mort prochaine. De plus, Louis est le seul qui ait fait des études supérieures, il sait depuis son plus jeune âge qu'il est très différent de son frère et de sa sœur, contrairement à eux, il sait contrôler ses émotions et ne réagit en aucune circonstance comme son frère qui s'énerve très vite. Et comme nous avons pu le voir dans ses différents monologues, Louis est un personnage qui sait prendre du recul sur le conflit familial et les disputes présentes au sein de la fratrie et sait se gérer tout seul.   Mais comme nous avons pu le voir, Louis est très différent de sa famille et il est surtout l’opposé de son frère qui peut être considéré comme son rival. Cela se remarque notamment dans la première partie quand Louis n’a pas embrassé son frère. Suzanne, sa sœur va alors le lui reprocher : « il ne m’embrasse jamais personne, toujours il était comme ça. » Par ailleurs, lorsque les deux frères se demandent comment ils vont, le dialogue ne va jamais plus loin que « je vais bien, toi comment est-ce que tu vas ? ». On ne sent ni une complicité entre les deux frères ni l’amour fraternel qui devrait les unir. Nous pouvons donc dire qu’un certain équilibre se fait ressentir dans Juste la fin du monde, par la forme, qui reste assez traditionnelle, ainsi que par la construction familiale qui est simple et concrète. L’équilibre se fait aussi ressentir dans le déroulement des actions qui est bien structuré mais aussi par le calme et la maturité du personnage principal qui va contrebalancer les nombreux conflits de sa famille et qui va correspondre à la définition de l’équilibre chez quelqu’un.

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