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Comment faire partie de l'élite étatique en France ?

Dissertation : Comment faire partie de l'élite étatique en France ?. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  9 Novembre 2015  •  Dissertation  •  2 611 Mots (11 Pages)  •  1 877 Vues

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« Les élites, qu’elles utilisent la ruse, la violence, n’ont d’autre fin que de perpétuer leur domination », la maxime que Pareto a formulée il y’a maintenant près d’un siècle n’a jamais été aussi juste que ces dernières années. Synonyme d’excellence, l’élite étatique désigne un groupe minoritaire de personnes occupant, dans une société donnée, une place en haut de la hiérarchie. En effet, le terme élite vient du participe passé electus du verbe latin eligere, signifiant extraire, choisir. L’élite est ainsi formée de ceux qui se choisissent ou sont choisis. D’où l’idée connexe de supériorité puisqu’on a tendance à choisir ce qu’il y’a de meilleur. L’idée de prestige, de richesse et plus particulièrement de pouvoir est donc très liée au concept d’élite étatique. De nos jours, l’élite finit par désigner l’occupation d’une position enviable. Dans ce contexte, il convient de s’interroger sur le processus de formation des élites étatiques ainsi que les critères déterminants menant à celles-ci. Comment faire partie de l’élite étatique en France ? Nous verrons d’une part en quoi les grandes écoles sont de véritables usines à fabriquer des élites, et ce, en insistant sur le caractère ambivalent de leurs moyens de recrutement : entre oligarchie et méritocratie. Nous nous pencheront d’autre part sur les partis politiques et en quoi ils constituent un véritable moyen d’ascension vers l’élite étatique.

Les grandes écoles, institutions spécifiquement françaises, sont souvent présentées comme le creuset de la formation des élites dirigeantes de la nation. Unique voie d’accès, le concours d’entrée y exerce une sélection sévère censée reposer sur le seul mérite individuel. Or les grandes écoles sont régulièrement accusées de favoriser la reproduction sociale des élites en accentuant encore davantage les inégalités sociales de la réussite scolaire, notamment par rapport aux troisièmes cycles universitaires dont les conditions d’accès sont théoriquement moins drastiques. Une analyse portant sur l’origine sociale des élèves ayant accédé à ces grandes écoles souligne la permanence d’une sélection sociale et culturelle très marquée. En effet, les fils de cadres et d’enseignants ont toujours beaucoup plus de chances d’intégrer une grande école que les enfants issus de milieux populaire. L’étude de la composition sociale des élèves de l’ENA de 1987 à 1996 selon la profession du père démontre ce postulat : 5,5% ont un père ouvrier tandis que pour près de 65% des élèves de l’école, le père est cadre ou exerçant une profession intellectuelle. L’origine sociale semble donc déterminante pour intégrer une grande école. Et ces inégalités de réussite scolaire semblent d’autant plus exacerbées que les grandes écoles sont prisées. Ainsi, alors qu’il est 13 fois plus fréquent d’intégrer une grande école en étant né dans les milieux « supérieurs » qu’en étant né dans les milieux « populaires », le même rapport de chances d’accès aux très grandes écoles est de 24.

Malgré tout, la voie du concours semble être un mode de sélection méritocratique puisque chacun, quelle que soit son origine sociale, peut présenter de tels concours. La majorité des classes préparatoires, préparant à ceux-ci, sont publiques et gratuites. Cependant, ce mode sélection n’est méritocratique que sur la forme. L’idée selon laquelle un concours serait ouvert aux seuls enfants de cadres n’est pas acceptable au sein d’une société démocratique telle que la France où les principes de liberté et d’égalité demeurent essentiels. Ainsi, l’accès au concours et sa réussite ne revêtent pas un caractère oligarchique explicite. Néanmoins, on ne peut nier la présence d’une sélection implicite faîte sur l’origine sociale et liée à la teneur des épreuves des concours d’entrée. Le sociologue Pierre Bourdieu (1930-2002) a remis en cause ce système de concours fondé sur le mérite personnel. Il affirmait qu’en reproduisant des hiérarchies sociales rappelant celles que la Révolution française, les grandes écoles ont contribué à la constitution d’une nouvelle noblesse qui apparaît comme l’héritière de celle de l’Ancien Régime. L’analyse de l’origine sociale des élèves de ces écoles montre qu’ils sont issus en majorité de la classe dite « dominante » (cadres, chefs d’entreprises, professions intellectuelles et libérales) ce qui suppose une sélection sur des critères sociaux. Quels sont alors les fondements d’une telle sélectivité sociale ?

On note de nombreux points communs à ces grandes écoles. En particulier, leur mode de recrutement est somme toute très similaire. La dissertation de culture générale est le passage obligé pour tout étudiant désirant intégrer l’une d’elles. Elle demande au candidat une connaissance complète dans différents domaines intellectuels. Or, ces connaissances sont conditionnées par l’éducation qui diffère d’un individu à l’autre selon les parents et les établissements scolaires fréquentés. On peut nécessairement imaginer que les élèves issus de prestigieux lycées parisiens sont très tôt informés et sensibilisés par leurs professeurs, à la nécessité d’intégrer une grande école s’ils désirent faire partie de l’élite étatique. Par ailleurs, l’intégration des meilleures classes préparatoires au sein même de ces lycées d’élite ne fait que faciliter la transition entre l’avant et le post-bac de ces élites en devenir. Dans ces conditions, peut-on véritablement parler d’égalité des chances ? On observe ainsi l’émergence d’un système de « parentocratie », c’est-à-dire la mise en oeuvre par les parents de stratégies visant à faciliter l’accès de leurs enfants aux meilleures filières d’enseignement. Le fait d’avoir un domicile parental dans le 16e arrondissement de Paris permet par exemple d’accéder facilement à de très bons lycées comme Janson de Sailly sans avoir à effectuer de dérogation.  

Par ailleurs, ces grandes écoles semblent être un ticket d’entrée vers les grands corps de l’Etat, appellation donnée aux corps d’Etats de « hauts fonctionnaires » au sein de la fonction publique française, dont les membres, généralement recrutés après l’Ecole national d’administration (ENA), l’Ecole polytechnique, les Ecoles normales supérieures, ou plus récemment de l’Institut national des études territoriales (INET) sont appelés à exercer de grandes responsabilités au sein de celle-ci. Beaucoup d’entre-eux resteront fonctionnaires à vie dans toutes sortes de secteurs allant de la politique énergétique à la diplomatie, en passant par les cabinets de ministères majeurs comme celui de l’économie ou de l’intérieur. Ces grands corps d’état se distinguent par leur conformisme. Michèle Pappalardo, présidente du jury de concours d’entrée en 2010 pour l’ENA, a dénoncé dans un rapport la «terne orthodoxie des candidats». Ce conformisme serait lié aux concours d’entrée qui encourageraient une uniformité des comportements, voire de la pensée des étudiants se présentant aux épreuves. Selon elle, les candidats peineraient à porter un jugement motivé sur les réformes en cours, à apporter la contradiction. Ces réformes étant réalisées par les grands corps d’état, difficile pour un futur énarque de s’opposer aux idées d’une élite d’état qu’il aspire à rejoindre. De ce fait, ce conformisme se reproduit à l’identique et est transmis de génération en génération des élèves des grandes écoles vers les grands corps d’Etat. Dans cette logique de circuit « fermé » de formation des élites par les grandes écoles, on est en droit de s’interroger sur l’existence d’un parcours alternatif, moins académique, qui puisse permettre d’intégrer l’élite étatique sans pour autant passer par le « moule » des grandes écoles.

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