Judith et Holopherne - Le Caravage
Commentaire d'oeuvre : Judith et Holopherne - Le Caravage. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Arnaud Nantois • 3 Octobre 2019 • Commentaire d'oeuvre • 1 804 Mots (8 Pages) • 1 319 Vues
Executé pour Ottavio Costa, comme en témoigne une mention dans son testament en 1632 ainsi que l’inventaire de ses biens 1639 avant d’être transmit à la Gallerie Nationale en 1970, le Judith et Holopherne témoigne d’un tournant dans la carrière du Caravage qui n’abandonnera plus jusqu’à sa mort, à 39ans, après une vie tumultueuse ayant marquée l’art de son temps et les registres municipaux.
Très vite adulé par ses contemporains, il n’a eu de cesse de marquer la différence qui existait entre lui et ses pairs et qui fut consacré comme tournant de sa periode.
Comment le Judith et Holopherne de Caravage présente sa capacité à s’approprier un sujet pour en donner à voir la violence de l’instant.
I/ Judith, le triomphe sur la tyrannie
Dans le livre de Judith, partie de l’ancien testament, Judith est décrite comme une magnifique veuve, qui a séduit le général Assyrien Holopherne, qui tentais d’assiéger sa ville en Béthulie.
Le soûlant jusqu’à l’évanouissement, Judith s’empare de sa tête et le décapite.
Si c’est Fillide Melandroni, une célèbre courtisane, qui sert de modèle pour Caravage, Judith est inspirée de la représentation classique de l’amazone (Wounded amazon of Kresilas ou Polyclète, copie romaine).
Son visage, entre détermination et révulsion suggère sa volonté de se saisir coûte que coûte de la tête de son ennemi.
Le chemisier humide de sueur, la ride qui vient troubler la pureté du visage de Judith, la pointe durcie des seins, viennent exprimer la tension émotionnelle qui l’habite
A noter que le Caravage avait plutôt l’habitude de choisir ses modèles dans la rue.
La figure de Judith est en opposition avec les attentes de l’époque vis-à-vis d’un personnage féminin, elle impressionne par son calme et étonne par sa détermination, Caravage fait d’elle une héroïne biblique par excellence, elle a la force et le pouvoir.
Son héroïsme et sa détermination sont soutenus par le regard écarquillé particulier de la servante Abra (qui renvoi à celui du tricheur dans son joueur de cartes), décidée elle aussi et prête à supporter Judith jusqu’au bout de son acte. Si elle est l’antithèse de sa jeunesse et si elle en est l’opposition en terme de couleur, elle représente elle aussi l’héroïne et le courage, bien que son expression reste indescriptible, plongée dans le vague, forme de dégoût résolu par la détermination d’un acte qui DOIT être réalisé ?
Prise de distance par rapport à l’homicide intéressante, se retrouvant dans l’étrange détachement, voir distance marquée par ses bras, de Judith par rapport à son acte.
Son corps se plie en arrière, s’éloignant de sa victime comme par dégoût et son visage ne marque aucun effort.
Si les grecs avaient dans l’idée de substituer la violence sacrificielle par la représentation théâtrale répétée de la mise à mort (selon Warburg à la suite de Nietzche), cette prise de distance civilisatrice par la figuration visuelle témoigne tout de même d’une « violence orgiastique », que certains commentaires ont poussé jusqu’au plaisir sexuel du meurtre.
La théâtralisation de l’acte violent suggère donc bien un espace entre le spectateur et la scène, en tout cas que l’on attend d’une peinture.
II/ Le tableau comme fenêtre ouverte ..
Son tableau est bel et bien une fenêtre ouverte sur la scène, Caravaggio aboli la distance entre le spectateur et les personnages au sens Albertien du terme : (livre I du Della Pintura) celle-ci n’ouvre pas sur la nature mais sur l’histoire, historia ou storia raconté. Le tableau devient une « fenêtre ouverte par laquelle on puisse regarder l’histoire ».
Et Cara supprime justement le cadre et n’ajoute aucune profondeur de perspective, mettant le spectateur au cœur de la scène, qui n’en devient que plus violente.
Alberti disait : « il est nécessaire que tous ce que les personnages peints font entre eux et avec ceux qui regardent concoure à accomplir et à enseigner l’histoire représentée » et c’est exactement ce qui se passe dans le Judith et Holopherne.
Le visage d’Holopherne mais surtout la distorsion de sa bouche, renvoi à un tableau des mêmes années de Caravage : sa « méduse » et au Isaac du « sacrifice d’Isaac », (le même modèle ayant servi pour les deux tableaux). Cette figure renvoi le spectateur aux masques antiques du théâtre grec tandis que la position distordue de son corps fait écho au « laocoon » redécouvert au début du siècle. Le parallèle se termine avec la tente d’Holopherne, lieu du drame qui fait ici office d’espace scènique matérialisé uniquement par le drap rouge.
c’est donc un moment de suspension que Caravage choisi de représenter, le moment qui pour lui est le plus à même de marquer le spectateur, car pour lui, l’objectif est de faire voir
III/ .. sur un réalisme violent donnée à voir
Caravage n’ignorait pas la tradition qui assimilait Judith au triomphe sur la tyrannie , mais il a choisi de d’évoquer le moment mélodramatique de l’histoire en illustrant le moment rarement rpz de la décapitation.
La composition est bipartite, saisissante mais pas chaotique : deux verticales à droites, prolongées par deux horizontales parallèles des bras, ponctuées par la tête d’holopherne, placée avant la courbe distordue de son corps. Se lit de droite à gauche, c’est une continuité.
Le Caravage utilise la lumière pour articuler et structurer l’espace, à la manière d’un clair-obscur soulignant la naturalisation des figures, pour rendre l’effet, souvent dramatique des scènes qu’il rpz.
Cependant, et contrairement à la plupart de ses contemporains, il ne l’utilise pas pour alourdir une quelconque signification métaphysique. Il ignore la traditionnelle opposition dessin-couleur, il traite ses figures d’un point de vue optique et matériel telles qu’elles se présentent à l’observation :
Les modèles se tenaient et se succédaient pour tenir la pose dans son atelier, une pièce sombre éclairée seulement par le haut, sans doute inspirée du panthéon romain.
l’impression de violence extrême que l’on a toujours aujourd’hui était encore plus marqué à une époque ou le spectateur savait réellement ce qu’était une exécution. En témoigne plusieurs écrits sur le sujet, le tableau était pour l’époque si réaliste que certains ressentaient un profond malaise devant le tableau. L’agressivité que l’on connaît à la vie privée du Caravage vient ici se déployer vis-à-vis du spectateur, avec une intensité que l’on ne retrouvera dans aucune de ses œuvres.
...