Analyse des fresques L'Eplattenier, Chaux-de-Fonds
Commentaire d'oeuvre : Analyse des fresques L'Eplattenier, Chaux-de-Fonds. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar carlotta.carl • 2 Novembre 2017 • Commentaire d'oeuvre • 2 493 Mots (10 Pages) • 943 Vues
Les quatre panneaux peints par L’Eplattenier ont été ajoutés plus tardivement à l’ensemble décoratif, en 1912.
Le choix de l’élaboration thématique des quatre fresques a été suggéré par Ali Jeanrenaud, qui, faut-il le rappeler, éprouvait une grande rancœur à l’égard de la religion à la suite d’une série de décès survenus dans sa famille. Dès lors, le choix d’une décoration symbolique laïque semblait parfaitement adéquat.
A l’exception de Le Silence, qui a été refaite sur toile en 1837, après une détérioration de la fresque originale, toutes sont restées intactes[1].
III.II.I Paroi ouest : La Mort, la Douleur et la Paix
Cette œuvre, signée Charles L’Eplattenier, décore le mur ouest de la salle de cérémonie. Elle est placée face à l’entrée, ce qui fait que le regard de celui ou celle qui pénètre la pièce est de suite dirigée sur elle.
La composition est pyramidale et triptyque, comme les trois autres fresques. Au sommet trône la Paix (Ill. 2), en-dessous la Mort, puis la Douleur (Ill 3, 4). Vêtue d’amples vêtements blancs, la Paix est voilée, elle repose sur un trône de pierre – qui pourrait s’apparenter à du marbre –, les yeux clos et les pieds nus. Grâce à l’ouverture de ses bras, elle dirige le regard du visiteur de façon équitable entre la gauche et la droite, deux parties qui se répondent. La symétrie se veut complétive.
De par et d’autre de la Paix, reposent deux corps défunts, nus, allongés les bras le long du corps, les yeux clos. Une lumière lugubre, bleutée, les enveloppe dans le manteau de la mort. La femme et l’homme reposent sur de grands blocs de pierre, s’apparentant à des tombeaux. Ajoute au lugubre de la scène le lien quasi direct qui se fait avec le Christ mort peint par Holbein en 1521. En effet, le rapport entre la longueur et la hauteur de l’œuvre ne fait qu’accentuer la mise en valeur de ces deux corps morts, couchés à l’horizontal.
La Douleur (Ill. 3, 4) est personnifiée par deux figures, l’une féminine, l’autre masculine, semblant former des couples avec les corps défunts. A gauche, un homme à genoux se prend le visage dans la main droite, alors que dans la gauche il tient une couronne mortuaire. Son pendant à droite, une femme, effondrée, les deux mains au niveau des pieds du défunt, le visage dirigé contre le bas, porte également une couronne mortuaire appuyée contre le bloc de pierre. Tous deux sont vêtus de voiles transparents noirs.
A chaque extrémité de ces tombeaux, nous pouvons voir un arbre, décharné, dont le seul squelette est encore perceptible, et d’où pendent encore quelques feuilles tremblantes, prêtes à être arrachées par le vent, alors que d’autres sont déjà dans cet entre-deux, détachées de la souche de vie, mais ne faisant pas encore un avec la terre, sur laquelle définitivement elles reposeront, se décomposeront et se mélangeront avec elle. Une fragilité émane de ces arbres, qui semblent prêts à être déracinés.
Parfaitement agencées en un cercle, les fleurs composant les couronnes rappellent le cycle de la vie. Un contraste est donné entre leur appellation – mortuaire – et le flamboiement de leurs fleurs. Ce contraste est accentué avec les arbres qui ont perdu presque toutes leurs feuilles, symbolisant à nouveau le cycle de la vie, qui lorsqu’elle s’arrête sur terre, continue dans l’au-delà. Effectivement, même si ces arbres fragiles semblent prêts à perdre toute attache au sol, ce sont leurs feuilles qui s’en vont. Le tronc, ancré dans le sol, n’attend que d’être arrosé pour permettre l’éclosion de nouveaux bourgeons, bourgeons de la vie. Et ceci dans un éternel recommencement. Le motif du cercle – du cycle – est rappelé au centre de la composition par un arbre fruitier plein de vie situé derrière la figure de la Paix. Ajouté à la position des bras de l’allégorie, cette dernière rappelle le Christ nimbé.
Derrière ces arbres, nous voyons des nuages, qui eux aussi sont éphémères. Une masse qui semble solide au regard, mais qui n’est en fait que de la condensation d’air. Un souffle suffit à les faire disparaître.
Cette scène se situe dans un registre entre le terrestre et le céleste. Séparée dans sa longueur, avec, dans la partie supérieure un ciel bleu qui tourne sur le violet, elle n’est pas sans rappeler la fin de journée, métaphoriquement la fin de la vie. De plus, cette fresque se trouve sur le mur sud-ouest, soit au soleil couchant. Ceci ajoute au symbolisme de la fin de vie, que les quelques feuilles jaunies encore raccrochées aux branches des deux érables, prêtes à se détacher et à partir emportées par le vent, concrétisent. Elles annoncent la fin de l’automne. Rassemblant ces informations, cela donne une certaine idée que la vie ne se termine pas, que les deux personnes défuntes finissent leur vie terrestre, mais que le cycle se poursuit dans l’au-delà. Cela enlève de la lourdeur et de la tristesse à la scène qui se veut rassurante : à ce titre, nous rappelons les bras grands ouverts, rassurants et invitant au réconfort de l’allégorie de la Paix.
Symboliste, cette peinture rappelle que la mort n’est qu’une étape dans le voyage de l’être Vers l’Idéal – étape rappelée dans la peinture La purification par le Feu. L’absence d’ombres accentue l’imagination symboliste de la toile, qui se situe au-delà du temps et de l’histoire.
III.II.II Paroi est : La Purification par le Feu
Face à La Mort, la Douleur et la Paix, La Purification par le Feu (Ill. 5) se donne à voir une fois que l’on sort de la salle de cérémonie, l’œuvre étant placée au-dessus de l’entrée, cachant l’harmonium. Le parcours qu’effectue la personne, sa déambulation fait partie intégrante de l’œuvre et ajoute au sentiment total que l’on peut ressentir en pénétrant cette pièce. Effectivement, intitulée La Purification par le Feu, elle opère comme telle. Une fois l’office terminé, le corps du défunt brûlé est purifié, il entre dans une nouvelle vie. L’instant de la cérémonie se veut aussi comme une sorte de purification pour la famille et les proches du défunt. Comme une sorte de passerelle qui aide à faire le deuil, à laisser partir ce proche. En ce sens, ce passage opère à la façon d’une purification dans le corps de chacun.
...