Jim Kitses, Stagecoach, le western : les « bénédictions de la civilisation »

Jim Kitses, Stagecoach, le western : les « bénédictions de la civilisation »

Entre cowboys et Indiens, entre jardin d’Eden et désert aride, entre est et ouest, entre civilisatation et étendue sauvage ; c’est à la croisée de ces éléments antinomiques que se situe le genre du « western » selon Jim Kitses dans son texte de 1969 : « Autorship and Genre : Notes on the Western ». Précurseur dans le cadre de l’étude de ce genre de film, Kitses s’intéresse au western en adoptant un point de vue structuraliste et met ainsi en place dans son article une série binaire de caractéristiques propres au genre du western grâce à un tableau (p. 59) .

Dans son article, Kitses propose une définition du genre qui reflète l’ idée d’un mélange de variables autour d’éléments fixes et communs à un corpus de films: « [western is] a varied and flexible structure, a thematically fertile and ambiguous world of historical material shot through with archetypal elements which are themselves ever in flux. » (p.63) L’auteur cerne ici la richesse, la complexité et l’instabilité du concept de genre tout en restant dans l’idée d’une structure, d’un « monde » à part entière au sein duquel des éléments types évoluent. La Chevauchée Fantastique (Stagecoach, Ford, 1939), classique du genre – si « western classique » il existe, mise en parallèle avec le texte de Kitses amène à considérer les ambiguïtés et porosités de ces couples binaires et à revoir l’opposition centrale « wilderness – civilization » afin d’en étudier les limites.

L’article s’ouvre avec la question de l’Histoire – et non pas de l’ « histoire » au sens de Genette – qui apparaît comme essentielle aux yeux de l’auteur : « First of all, the western is American history ». À plusieurs reprises, il mentionne l’Histoire de l’Amérique comme élément fondamental du genre du western et note que c’est précisément « son cadre historique » (p.60) qui différencie le western des autres genres. Cependant, l’Histoire ne joue, à vrai dire, qu’un rôle mineur dans la plupart des westerns ; l’intrigue de Stagecoach par exemple se centre plus sur les enjeux de l’arrivée de la diligence à Lordsburg et les péripéties qui en découlent, ou sur la naissance de la relation amoureuse entre Ringo Kid et Dallas, que sur les enjeux historiques de la lutte entre Indiens et cowboys pour la Conquête de l’Ouest. Les Indiens sont ici plutôt un prétexte qui permet, d’une part, d’amener une complication à la trame narrative, et, d’autre part, de reprendre un des « thèmes » (p.67) récurrents du genre.

Leur présence est également un moyen de mettre en jeu la problématique de l’identité américaine ; la coprésence des natifs et des Blancs et leurs conflits à travers le film questionnent la signification nationale du terme « Américain ». Les natifs amérindiens sont-ils plus ou moins Américains que les Blancs qui débarquent, principalement d’Europe, pour coloniser les territoires ? Ce n’est pas le débat que le texte de Kitses ni celui-ci se proposent d’ouvrir, cependant Ford en vient inévitablement à aborder cette problématique : dès les premières minutes du film, un Cheyenne collabore avec les autorités locales et leur donne des informations à propos des Apaches, auxquels il

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