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Guide de lecture : Les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire

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Par   •  11 Mars 2021  •  Fiche de lecture  •  2 270 Mots (10 Pages)  •  823 Vues

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Gabin Munier-Didière

Guide de lecture : Les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire

Poème liminaire : « Au lecteur »

  1. Dans ce poème, Baudelaire fait un constat déconcertant de l’Humanité. Il relate la faiblesse de l’Homme, et cela dès le premier vers avec une énumération : « La sottise, l’erreur, le pêché, la lésine ». De plus, il décrit une Humanité dénaturée, manipulée par le Mal : « C’est le Diable qui tient les fils qui nous remuent ! » (v.13) et qui nous entraîne peu à peu vers le vice et la corruption : « Chaque jours vers l’Enfer nous descendons d’un pas » (v.15).

L’Homme n’a plus de volonté, métaphorisée par un « riche métal » que Satan élimine : « le riche métal de notre volonté / Est tout vaporisé par ce savant chimiste » (v.11-12). Enfin, Baudelaire dénonce la lâcheté de l’Humain : « C’est que notre âme, hélas ! n’est pas assez hardie » (v.28).

Cette entrée en matière est provocatrice car en décrivant l’Homme de façon péjorative, il parle aussi de nous, lecteurs ! D’ailleurs, il montre bien qu’il s’adresse à nous car le poème est intitulé « Au lecteur ». Cela a dû en vexer plus d’un, mais peut-être nous invite-t-il simplement à une remise en question ?         

Spleen et Idéal

  1. Dans les poèmes « Élévation », « Correspondances » et « Parfums exotiques », Baudelaire dépeint un tableau idyllique et merveilleux qu’il nomme l’Idéal : on peut y retrouver la dimension aérienne : l’aspect spirituel du poème « Élévation » (avec un champ lexical céleste : « par-delà les éthers » (v.3), « Envole-toi » (v9), « l’air » (v.10), « aile » (v.15), « cieux » (v.18), « plane » (v.19)) ainsi que l’allure onirique de « Correspondances », représenté par une unicité, une fusion paroxystique des deux sexes (« Alors l’homme et la femme […] / Jouissaient sans mensonges et sans anxiété » (v.3-4)), mais surtout par l’invitation de Baudelaire à retrouver l’Idéal au-delà du monde sensible, de la même façon que Platon et son allégorie de la caverne : le poète serait l’intermédiaire entre l’Homme et le Monde des Idées (« la Nature » (v.1, IV)), car lui seul sait déchiffrer sa symbolique (« des forêts de symboles » (v.3)).  Ces caractéristiques sont communes au Paradis chrétien ou même aux îles paradisiaques de « Parfums exotiques », sa chaleur, ses délices : « île paresseuse » (v.5), « fruits savoureux » (v.6), charmants climats » (v.9) ainsi que la rime léonine parfaite des vers 12 et 14 « tamariniers/mariniers ».

L’Idéal baudelairien s’apparenterait ainsi à un instant d’intense bien-être sensoriel, total et unifiant, qui porte la bête humaine au céleste.

  1. Parmi les poèmes « Bénédiction » et les quatre « Spleen », nous pouvons retrouver une idée de décadence par un envahissement de sentiments négatifs : « épouvantée (v.3, I), « haine » (v.13 & 17), « hypocrisie » (v.35), « souffrance » (v.57), « lamente » (v.9, LXXV), « remords » (v.9, LXXVI), « seuls » (v.14), « méprisant » (v.3, LXXVII), « corrompu » (v.14), « furie » (v.13, LXXVIII), etc.

De plus, il y a en commun une vision du monde dégradée et sordide : « monde ennuyé » (v.2, I), « pâles habitants » (v.3, LXXV), « maigre et galeux » (v.6), « vieux poète » (v.7), « pendule enrhumée » (v.10), « sales parfums » (v.11), « neigeuses années » (v.16, LXXVI), « monde insoucieux » (v.22), « peuple mourant » (v.6, LXXVII), « ciel bas et lourd pèse » (v.1, LXXVIII), l’oxymore « jour noir plus triste que les nuits » (v.4),  « terre […] cachot humide » (v.5)…

On notera également la coïncidence météorologique des quatre « Spleen » : « Pluviôse » (v.1) pour le premier, « lourds flocons de neigeuses années » (v.16) pour le second, « pays pluvieux » (v.1) pour le troisième et enfin « pluie » (v.9) pour le dernier.

Un point qu’il est important de mentionner, c’est le rapport au temps : non seulement sa durée, mais aussi son aspect nostalgique du temps passé : « J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans » (v.1, LXXVI), « Rien n’égale en longueur les boiteuses journées » (v.15), « L’ennui […] / Prend les proportions de l’immortalité » (v.17-18), l’oxymore « jeune squelette » (v.12, LXXVII), « vieux jours » (v.16), « un peuple muet d’infâmes araignées / Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux » (v.11-12, LXXVIII) « de longs corbillards […] / Défilent lentement » (v.17-18).

Enfin, Baudelaire partage dans ces poèmes le sentiment d’être déclassé, rejeté : « bijoux perdus de l’antique Palmyre » (v.69, I), « Oublié sur la carte » (v.23, LXXVI), « impuissant » (v.2, LXXVII), « esprits errants et sans patrie » (v.15, LXXVIII), etc.

Pour conclure, le Spleen baudelairien se caractérise par une éternelle mélancolie, un mortel ennui et un sentiment de vacuité… Au contraire du céleste Idéal, le terrain du Spleen est omniprésent, empoisonnant tout vivant, assombrissant toute lumière, glaçant tout élan embrasé.

  1. Il s’agit bien évidemment de l’immortel Spleen qui triomphe dans « L’Horloge ». En effet, Baudelaire met en avant (de façon quasi-obsessionnelle) l’aspect indéfectible du Spleen en personnifiant le temps à de nombreuses reprises : « Chaque instant te dévore » (v.7) ou encore « la Seconde / Chuchote » (v.9-10). Comme le Spleen, le temps est ubiquiste (autant que son champ lexical dans le poème, ou par sa désignation à travers toutes ses unités secondes, minutes, heures, etc.) et annihile, absorbe toute la vie des êtres humains sans qu’ils puissent « en extraire l’or » (v.16). De plus, l’Horloge est divinisée comme un dieu (Chronos ?) tout puissant et qui inspire la crainte et semble avaler chaque seconde qui passe pour l’Humanité ainsi que de son Idéal (« Le gouffre a toujours soif » (v.20)). Le Temps s’acharne inexorablement sur elle par l’incessant leitmotiv « Souviens-toi ! [de l’Idéal !] » …jusqu’à sa mort, inévitable fatalité : « Tantôt sonnera l’heure […] / Où tout te dira : meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! » (v.21-24).

  1. Dans les poèmes concernés, le statut de poète semble être une malédiction ! Dès sa naissance, il est renié par sa mère, qui aurait préféré mettre au monde « un nœud de vipère » (v.5) plutôt que Baudelaire dans « Bénédiction ». Dans « L’Albatros », la grandeur de l’oiseau parmi les cieux n’est pas reconnue, il paraît grotesque une fois au sol comme le poète parmi les Hommes : « Le Poète est semblable au prince des nuées, […] / Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. » (v.13-16). De plus, il est incompris et exclu par eux : « Exilé au sol au milieu des huées » (v.15), contraint à « marcher » (v.16) à terre (donc à la bassesse, à la médiocrité), où il devient « maladroit et honteux » (v.6). Les marins préfèrent se divertir à rire de l’oiseau à terre et n’ont peut-être pas levé les yeux au ciel et vu « le vaste oiseau des mers » (v.4) qu’il est !

Dans « La Beauté » et « Hymne à la Beauté », le poète est réduit en esclavage par la divine Beauté, assujetti à son « unique reine » (v.27, XXI) ; tel un « docile amant » (v.12, XVII), il se corrode sans cesse pour elle : « Les poètes […] / Consumeront leurs jours en d’austères études » (v.9-11, XVII), comme hypnotisé par ses « larges yeux » (v.14, XVII).

Ainsi, par le biais de ces quatre poèmes, Baudelaire nous exprime l’éternel calvaire du poète, condamné à être rejeté, humilié car impropre à la réalité commune, et esclavagisé par la quête de la Beauté dans ses œuvres.

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