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Le Corbusier

Dissertation : Le Corbusier. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  25 Décembre 2012  •  5 320 Mots (22 Pages)  •  1 379 Vues

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Des constats alarmistes

“Le monde est malade. Un réajustement s’impose1.” Par cette déclaration Le Corbusier expose

clairement le positionnement qui commandera l’émergence de son projet de ville radieuse.

L’esprit de modernité présent à l’origine de cette démarche n’est pourtant pas totalement

inédit. Un siècle et demi plus tôt le premier chapitre des Mémoires sur les objets les plus

importants de l’architecture publiés par Pierre Patte en 1769 s’intitulait : “Considération sur

la distribution vicieuse des Villes, & sur les moyens de rectifier les inconvénients auxquels

elles sont sujettes”.

L’articulation entre un diagnostic alarmiste et la nécessité d’une action urgente constitue une

thématique récurrente dans l’histoire des villes. Notre époque n’échappe pas à cette règle. Les

multiples sonnettes d’alarme tirées depuis une dizaine d’années en réaction aux modalités

désastreuses qui ont commandé le développement des grandes villes contemporaines ont

conduit à l’énoncé d’une nouvelle logique de progrès centrée sur la notion de développement

durable. Développement durable, ville radieuse et embellissement urbain s’illustreraient alors

comme les mots d’ordre de sociétés confrontées à des situations sans issues, où seule la remise

en cause de l’ordre existant grâce à l’introduction de ces principes neufs permettrait aux villes

de poursuivre leur évolution.

Dysfonctionnement

Mais avant d’envisager le salut des villes rien ne vaut l’efficacité d’un constat accablant où les

maux sont exacerbés afin de mieux accuser les dysfonctionnements, de mieux condamner les

imperfections de l’environnement. Les sociétés bougent, les exigences croissent, les besoins

évoluent, les villes ne fonctionnent plus. Le Corbusier plaidera pour une ville nouvelle capable

halshs-00574278, version 1 - 21 Nov 2012

Manuscrit auteur, publié dans "Les Annales de la Recherche Urbaine, 92 (2002) p. 7-16"

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d’outrepasser les limites étriquées des établissements urbains anciens, inadaptés aux rythmes

de l’ère machiniste. La rue traditionnelle sera l’objet des critiques les plus vives. Ses limites

formelles, l’échelle et les propriétés géométriques du réseau dans lequel elle s’inscrit, les

relations qu’elle entretient avec les immeubles qui la bordent témoignent de son incapacité à

accueillir les nouveaux moyens de locomotion :

“La ville se reconstruit sur elle-même : les vieilles maisons dominaient le bord de la rue. Les

maisons sont sur la rue, la rue est l’organe même de la ville, la maison en est le moule. La rue

devient atroce, bruyante, poussiéreuse, dangereuse ; les voitures y peuvent à peine avancer ;

les piétons entassés sur les trottoirs, se faufilent, se heurtent, se contrarient ; on dirait quelque

scène de purgatoire.2”

La rue est coupable des désordres qui minent la ville dans sa totalité. La rue génère l’inconfort,

la maladie, la mort. Les citadins se trouvent exposés aux plus grands risques inimaginables. Lié

à l’invention de l’automobile, ce constat sonne pourtant comme une vieille rengaine. A la fin

du XVIIIe siècle, le trafic important des voitures à cheval exposait les piétons de la capitale

aux plus grands dangers. Jean-Baptiste-Elie de Beaumont s’attardait déjà sur le sort des

enfants de l’époque qui n’avaient guère de terrain de jeu qu’une rue encombrée par quantité de

voitures occupant la totalité de la chaussée :

“Il y aurait la plus grande imprudence à laisser jouer les enfants dans les rues dans un âge si

tendre, exposés à être sans cesse écrasés par les voitures et les fardeaux. Ces pauvres enfants

sont donc réduits à languir, à se faner, à mourir dans des cinquième et sixième étages avec de la

braise pour se chauffer, sans pouvoir se fortifier par l’exercice et le bon air ; on ne peut parler

sans verser des larmes3.”

Parallèlement à ces lamentations, Pierre Patte s’attaquait directement aux insuffisances et aux

lacunes d’un réseau impropre à une telle circulation. Voici par exemple comment il critiquait le

réseau urbain de Constantinople qui était pourtant cité par de nombreux auteurs de l’époque

comme un modèle de référence :

“Ses rues sont étroites, mal percées, mal pavées, & toujours extrêmement malpropres : on est

obligé de monter & de descendre sans cesse, ce qui est fort incommode4.”

Les villes connaissent un état de saturation total causé par des infrastructures engorgées,

sources de congestions trop souvent répétées et inadmissibles. L’étroitesse des rues, la

difficulté qu’elle rencontrent pour assurer la liaison entre différents quartiers, l’absence de

revêtements et la saleté de ces “cloaques” sont clairement critiqués par Patte. Les problèmes

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