La Villa Savoye / Le Corbusier

Analyse d’un bâtiment La Villa Savoye, Poissy, Yvelines, 1929-1931, Le Corbusier.

Charles-Édouard Jeanneret (1887-1965), dit Le Corbusier est un architecte de renommée internationale, urbaniste, designer, peintre et homme de lettres. Il est né à la Chaux-de-Fonds en Suisse, mais est naturalisé français en 1930 et passera ses derniers jours dans le Sud de la France. C’est d’ailleurs au travers de ses nombreux voyages et de son envie d’en apprendre sur les différentes cultures qu’il découvre l’architecture classique, ainsi, tout au long de son parcours, il n’aura de cesse mêler héritage et modernité.

Construite en 1929 à Poissy, en pleine campagne au 82 rue de Villiers, La Villa Savoye qui s’implante sur un terrain de 7 hectares met en oeuvre les cinq points qui définissent selon lui « l’architecture moderne », regroupant ; les pilotis, le toit terrasse, le plan libre, la façade libre et la fenêtre bandeau. Le Corbusier avec l’aide de son cousin Pierre Jeanneret présente La Villa Savoye comme un modele de Villa puriste, conçue pour Pierre Savoye et sa femme Eugénie qui avaient en rêve une demeure secondaire propice à la fois au repos et à la réception le week- end. En effet, suite à la réalisation de plusieurs architectures et notamment de celle destinée à leurs amis Les Church, à Ville d’Agray, le couple avait sollicité le talent de l’architecte et notamment son penchant pour les formes simplistes, lui laissant alors une liberté totale d’expression dans ce projet. L’édifice sous la forme d’un parallélépipède s’élève sur des pilotis, le tout réunit au cœur d’un terrain entouré d’une végétation dense, avec une vue dégagée sur la vallée de la Seine. Composée de 3 niveaux et d’un espace de vie situé à l’étage supérieur, cette « boite dans l’air » ferme le cycle de création des maisons blanches ou puristes de l’architecte.

« En 1933, lors du quatrième CIAM, Congrès international d'architecture moderne, qui s’est déroulé sur un paquebot, entre Marseille et Athènes, Le Corbusier déclare : « Les matériaux de l’urbanisme sont le soleil, l’espace, les arbres, l’acier et le ciment armé, dans cet ordre et dans cette hiérarchie. »

En quoi l’oeuvre de La Villa Savoye rompt-elle avec l’architecture traditionnelle? Comment met-elle en scène l’architecture moderne par la hiérarchisation des matériaux de l’urbanisme? Dans une première partie, nous verrons que la Villa Savoye est une architecture moderne et nous définirons les éléments qui caractérisent le mouvement puriste. Ensuite, nous analyserons comment le Corbusier parvient à faire corréler le dialogue du dedans et du dehors à travers la notion de promenade architecturale, et enfin nous étudierons la façon dont circule la lumière et son importance au sein de la Villa Savoye.

B2DE2- Floriane Kuehn - Culture artistique

I - La Villa Savoye, symbole d’architecture moderne et caractéristique du mouvement puriste.

Le mouvement puriste se conforme aux objets de la vie quotidienne. C’est en 1918 que Le Corbusier associé à Ozenfant exploitent une nouvelle formule picturale et font paraître "Après le cubisme" qui constitue un véritable manifeste pour le purisme. Les formes synthétiques aux contours précis s’emboîtent les unes dans les autres, la composition est le plus souvent frontale. La surface plane s’affirme par les couleurs neutres que l’on traite par aplats. La série des « villas puristes » réalisées par Le Corbusier dans les années 1920 ont non seulement initié son œuvre, mais aussi fondé d'importants principes de la modernité.

La Villa Savoye se retrouve en totale opposition avec son environnement naturel végétal, puisqu’elle a été construite de ciment armé, et d’acier, contrastant avec les matériaux homologués à la forêt. Cette volonté de contradiction des éléments et l’utilisation du béton armé reprend les fondamentaux de l’architecture moderne. En effet, La villa Savoye; peut être présentée comme modèle abouti de la série des Villas blanches, elle est la représentation de la mise en oeuvre architecturale des cinq points de l’architecture nouvelle. Ainsi, la villa aussi appelée « la boite dans l’air » est supportée par 23 pilotis d’acier et évoque un visuel de modernité, ils sont majoritairement placés pour soutenir les points extérieurs de la structure permettant donc le support, l’élévation mais avant tout la possibilité de la mise en place du plan libre et la circulation sous le bâtiment. Le plan libre permet une totale liberté pour l’agencement intérieur et une indépendance au niveau de la distribution des espaces d’un étage à l’autre. On remarque que les façades sont libres, égales et orientées selon les 4 points cardinaux, étant des éléments d’enveloppe non porteur, elles peuvent supporter de larges surfaces vitrées et forment un jeu de lumière, un passage entre le dehors et le dedans.

Cette structure qui est soumit au système de poteau poutre, par souci de transparence, répond, cependant à un discours architectural, une méditation sur «less is more». Un réductionnisme spatiale et linguistique est composé comme une villa palladienne, pas grandi sur une plate-forme, mais sur le vide, les poutres qui semblent entourer la place de la transparence, c'est à dire l'espace de la maison, vide. Toutes les pièces sont ensuite, conformément à la doctrine du Corbusier et du mouvement moderne, agencées de manière à ne pas perdre de place, on est dans le fonctionnalisme le plus poussé. La villa Savoye est considérée comme emblématique de son œuvre à cette époque et manifeste ce qu’on peut appeler un "purisme radical".

B2DE2- Floriane Kuehn - Culture artistique

II - Le dialogue du dedans et du dehors à travers la notion de promenade architecturale.

La villa est conçue comme une véritable ballade architecturale. Le mouvement moderne essaye de s’abstraire des contraintes du site mais aussi des contraintes de la matière : il n’y a plus de limite entre l’intérieur et l’extérieur, la terrasse n’est plus que la continuité du salon. La promenade architecturale débute par l’entrée du parc de la villa, poursuit sa lancée jusqu’à l’entrée principale et s’achève dans les hauteurs du toit-terrasse. Cette promenade évolutive à pour but de conduire le visiteur à travers chaque espace de la maison, lui faisant découvrir une accumulation de cadrages, de perspectives sur le paysage extérieur ainsi que des détails architecturaux. Une double circulation est desservie par l’escalier et par la rampe qui occupe une place centrale et dessert les différents espaces. La notion de « promenade architecturale » tient un rôle important dans le travail du concepteur puisqu’elle avait déjà été produite dans La maison La Roche construite en 1925, je cite, « phrase on peut comprendre que la marche nous fait apprendre que c'est en marchant, en se déplaçant, que l'on voit se développer les ordonnances de l'architecture ». Cette promenade architecturale symbolise ainsi l’élément communicateur entre l’intérieur et l’extérieur; comme si un fil restait tendu du jardin jusqu’au toit-terrasse de la villa. A l’intérieur, on peut y remarquer une distribution spatiale clairement définie sur trois étages, cette distribution se fait par le concept de vide et de plein. Chaque niveau recouvre une partie du plan carré de la villa, le rez-de-chaussée n’est qu’une petite partie car le premier étage repose presque complètement sur des pilotis, puis le dernier étage est quasi vide, épuré, c’est le solarium. De plus le premier étage est un plan libre, point faisant partie d’une architecture moderne. Le Corbusier a construit un système poteaux- poutre ce qui permet de ne pas mettre de mur porteur mais seulement des cloisons, cela donne la possibilité de changer librement le premier étage constitué de cloisons modulables. En effet puisque l’espace est un des éléments des matériaux de l’urbanisme, il prend une place importante du projet. L’architecte ne se contraint plus de l’espace et s’offre la possibilité de moduler, d’agrandir. Le mot « espace » selon Le Corbusier signifie optimisation et modularité de l’espace. C’est qui fait de ses architectures des projets impressionnants et intéressants pour son époque.

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