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La Contre-réforme catholique et l’Abbé Georges de Nantes

Cours : La Contre-réforme catholique et l’Abbé Georges de Nantes. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  7 Avril 2021  •  Cours  •  4 032 Mots (17 Pages)  •  901 Vues

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TELLIER Julien                tellierjulien@protonmail.com

28700060

Commentaire de document

La Contre-réforme catholique et l’Abbé Georges de Nantes

« La situation de la France n'est pas si mauvaise que cela : une élite se lève depuis plusieurs années, qui est doctrinalement équipée, moralement intacte, et décidée; une armée existe qui, par une sorte de miracle, se préoccupe de déceler, dévoiler, stigmatiser les ruses et les machinations de la guerre psychologique et destructrice de l'adversaire, ennemi aussi et surtout du règne du Christ et de la civilisation chrétienne; une armée qui ne cesse, seule dans le monde, de mener le combat et de donner de jeunes et émouvantes victimes à la cause la plus élevée. » écrit Robert Martel (1921-1997), dans la revue catholique d’extrême droite Nouvelles de chrétienté le 3 décembre 1959. Cette longue citation illustre le retour d’une pensée catholique réactionnaire, dans laquelle s’inscrit l’Abbé Georges de Nantes et la Ligue de la Contre-Réforme catholique, en préambule de la convocation imminente d’un concile œcuménique par le pape Jean XXIII, élu le 28 octobre 1958.

Publié en 1975, ce texte paru dans le mensuel Contre-Réforme catholique (ou CRC) et écrit par l’Abbé Georges de Nantes (1924-2010, fondateur de la revue en 1967), s’adresse aux catholiques et sympathisants des droites nationalistes. Georges de Nantes, ordonné prêtre en 1948 est l’un des principaux opposants (avec Mgr Marcel Lefebvre, 1905-1991, fondateur, en 1970, de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X) au IIe concile œcuménique du Vatican tenu de 1962 à 1965 (ou concile Vatican II) qui prévoit une modernisation quant à l’exercice du culte catholique et au rapport avec les autres monothéismes. Régulièrement condamné par l’Église, il est frappé en 1966 d’un suspense a divinis, l’empêchant d’administrer les sacrements. Fondateur en 1970 du mouvement religieux de la Ligue de la Contre-Réforme catholique en opposition aux nouveaux principes définis par le concile (notamment la liberté de religion telle qu’il la définit), il poursuit ses activités pastorales au sein de celle-ci.

Les années 1970, sont marquées par un vent de liberté et d’émancipation de la jeunesse, choses que les mouvements nationalistes perçoivent comme une décadence toujours plus importante de l’Occident. Élu en 1974, Valéry Giscard d’Estaing (1926-2020), membre du parti des Républicains Indépendants (parti libéral-conservateur) annonce dès son investiture « une ère nouvelle de la politique française. » Ainsi, l’année 1975 est marquée le 17 Janvier par l’adoption de la Loi sur l’interruption volontaire de grossesse (Loi Veil sur l’IVG) qui rencontre de vives critiques des milieux conservateurs. Ce climat de progrès sociaux fait réagir les milieux d’extrême droite catholique, et de droite nationaliste en général qui y voit un affaiblissement supplémentaire de l’ordre moral, et la soumission idéologique de la droite française à la gauche.

L’étude du journal de la Contre-Réforme catholique et plus particulièrement de l’article écrit par l’Abbé Georges de Nantes est très intéressante pour comprendre les fondements idéologiques de courants catholiques marginaux et dissidents. En effet, cela montre la présence encore visible de gens s’inscrivant et se réclamant toujours de courants d’idées antidémocratique, antirépublicain, voire nostalgique du fascisme.

De quelle manière l’Abbé Georges de Nantes tente-t-il de mobiliser, en France, les droites nationalistes autour du catholicisme postérieurement à Mai 68 et au Concile Vatican II ?

            Nous analyserons les propos de l’Abbé au travers de l’héritage intellectuel qu’il propose pour mener à bien ses ambitions, puis nous constaterons que ce texte s’avère être une critique sévère du régime républicain d’après-guerre, enfin, nous étudierons les suites politiques et les efforts de l’Abbé pour redonner une morale catholique à la droite.

Tout au long de son texte, l’Abbé Georges de Nantes fait la mention et se réclame (directement et indirectement) des idéaux de la contre-révolution et du maurrassisme, donnant à son mouvement un héritage intellectuel et politique en lien direct avec l’extrême droite nationaliste et contre-révolutionnaire.

Il se dégage clairement l’héritage des « Pères » (l. 86) de la contre-révolution, des « Vendéens face aux colonnes infernales » (l. 90) et « des émigrés » (l. 91). L’Abbé de Nantes se réclame de la réaction à la Révolution française. Ainsi, pour mieux comprendre sa position intellectuelle, philosophique et politique, nous croyons bon de citer le philosophe réactionnaire savoyard Joseph de Maistre (1753-1821) dont se réclame implicitement l’auteur : « ce qui distingue la révolution française, et ce qui en fait un événement unique dans l’histoire, c’est qu’elle est mauvaise radicalement. […] c’est le plus haut degrés de corruption connu ; c’est la pure impureté. »[1] Cette citation constitue le cœur de la pensée de l’Abbé de Nantes et plus généralement de ceux qui considèrent que la Révolution française n’est que la manifestation d’un individualisme forcené contre la figure transcendantale de Dieu et du Roi. Ainsi, ils croient ses principes dévoyés mais plus encore tout ce qui repose sur elle est pourri.

S’adressant à « Nous, de la Droite Nationale, de la Droite catholique française » (l. 84), l’Abbé Georges de Nantes appelle les sympathisants nationalistes et catholiques, à refonder la tradition réactionnaire française et invoque des figures de la droite nationaliste dont il se réclame. Bien qu’il ne fasse pas mention des philosophes de la contre-révolution, on comprend assez les origines de son idéologie. Cependant, il apparait beaucoup plus évident l’héritage intellectuel qu’il tire du maurrassisme.

N’affichant pas, dans ce texte, un enthousiasme particulier en faveur de la monarchie, l’Abbé de Nantes, fait néanmoins maintes fois les mentions de figures de l’Action française (mouvement nationaliste, royaliste et d’extrême droite né en 1898 et fondamentalement antidreyfusard). En effet, cela lui sert à développer le propos selon lequel « la France est catholique dans son essence » (l. 72), et affirmant qu’ « Être de droite, pour Maurras l’agnostique, Bainville ‘l’impie’ [et] Léon Daudet le converti c’était être catholique ou ami du catholicisme. » (l. 71 à 73). Concentrons notre attention sur les personnes et les adjectifs qui leur sont attribués. Parmi Maurras (1868-1952), Bainville (1879-1936), et Daudet (1867-1942) seul le dernier fut croyant, puisque les deux premiers, bien que de culture catholique, ne l’étaient pas. Malgré cela, Charles Maurras, avait pourtant su attirer le milieu catholique conservateur au début du XIXe siècle à travers ses nombreuses prises de position en faveur d’un catholicisme nationaliste, mais lui attira également le mécontentement du Vatican et la condamnation de ses œuvres. Cependant, il est intéressant de noter les inspirations nationale-monarchistes de l’Abbé « acquis à la Contre-Révolution, [qui] cherche à concilier la doctrine de Maurras et les fondements du catholicisme »[2]. En effet, celui-ci déclare être « fier de l’Armée et du clergé qui combattirent le Parti dreyfusard, machine de guerre judéo-maçonnique montée pour la ruine de la France » (l. 93 à 95). Le terme « judéo-maçonnique » tire ses origines des thèses d’un complot maçonnique à l’origine de la Révolution française de l’Abbé Barruel (1741-1820), théorie reprise par le journaliste antisémite Drumont (1844-1917) auteur de La France juive en 1886 et Charles Maurras. Aussi, il déclare « [applaudir] les camelots du roi s’opposant aux inventaires, imposant à la République le culte de Jeanne d’Arc » (l. 95 et 96). Ses propos illustrent bien la nature national-catholique de son engagement.

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