Séance 7 – Une analyse philosophique de Don Juan
TD : Séance 7 – Une analyse philosophique de Don Juan. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar melissagyevath • 25 Mars 2021 • TD • 1 449 Mots (6 Pages) • 926 Vues
Séance 7 – Une analyse philosophique de Don Juan
Søren Aabye Kierkegaard (1813-1855), Ou bien … ou bien… (1843), « Les étapes érotiques spontanées ou l’érotisme musical », édition Gallimard, 1984.
Lorsqu’on parle de Don Juan[1], on doit employer le mot de séducteur avec grande prudence, si l’on se tient à dire quelque chose de juste et non une banalité. Ce n’est pas que Don Juan soit trop bon, mais il ne tombe pas sous des dénominations éthiques. Je préférerais donc le traiter d’imposteur, puisque cette expression possède, tout de même, un double sens. Il faut une certaine conscience et une réflexion particulières pour faire un séducteur, et, dès qu’elles sont réunies, parler de finesses, d’artifices et d’assauts rusés peut se justifier. Cette conscience fait défaut à Don Juan. Il ne séduit pas mais il désire, et ce désir a un effet séducteur ; c’est jusqu’à ce point-là qu’il peut séduire. Il jouit de l’assouvissement du désir ; dès qu’il en a joui il cherche un nouvel objet, et ainsi de suite. Il trompe donc réellement, mais pas en projetant d’avance sa tromperie ; c’est la puissance propre de la sensualité qui trompe les femmes séduites, c’est plutôt une forme de Némésis. Il désire et continue à désirer, et il jouit toujours de l’assouvissement du désir. Pour être un séducteur, il lui manque le temps antérieur pendant lequel il formerait son projet, ainsi que le temps postérieur, pendant lequel il deviendrait conscient de son action. Un séducteur, par conséquent, doit être en possession d’une force que Don Juan ne possède pas en dépit de ses autres dons, - c’est la puissance de la parole.
Dès que nous lui donnons la puissance de la parole, il cesse d’être musical et l’intérêt esthétique change entièrement. Archim von Arnim[2] parle quelque part d’un séducteur d’un tout autre genre, qui se classe sous des déterminations éthiques. A son sujet il emploie une expression qui, pour sa vérité, sa hardiesse et sa concision, peut presque se comparer à un coup d’archet de Mozart. Il dit de ce séducteur qu’il savait si bien parler à une femme que, même si le diable l’avait saisi, il se serait libéré avec un discours, à condition de pouvoir s’adresser à sa bisaïeule. Voilà le vrai séducteur : l’intérêt esthétique y est autre aussi, et réside dans le moyen, la méthode.
Séance 8 – Séduction et domination
Gorgias, Eloge d’Hélène, dans Les Présocratiques de J.P. Dumont, édition Gallimard, 1988.
Dans ce discours, Gorgias fait référence à la guerre de Troie et à la cause de celle-ci : femme de Ménélas, le roi de Sparte, Hélène est séduite par Pâris, prince Troyen. Celui-ci est aidé par la déesse Aphrodite. Ils s’enfuient tous les deux et se rendent à Troie que Ménélas, aidé des armées grecques, va assiéger.
Le discours est un tyran très puissant ; cet élément matériel d’une extrême petitesse et totalement invisible porte à leur plénitude les œuvres divines : car la parole peut faire cesser la peur, dissipe le chagrin, exciter la joie, accroître la pitié. Comment ? Je vais vous le montrer […].
Les incantations[3] enthousiastes nous procurent du plaisir par l’effet des paroles et chassent le chagrin. C’est que la force de l’incantation, dans l’âme, se mêle à l’opinion, la charme, la persuade et, par sa magie, change ses dispositions. […]
Nombreux sont ceux, qui sur nombre de sujets, ont convaincu et convainquent encore nombre de gens par la fiction d’un discours mensonger. Car si tous les hommes avaient en leur mémoire le déroulement de tout ce qui s’est passé, s’ils [connaissaient] tous les événements présents, et, à l’avance, les événements futurs, le discours ne serait pas investi d’une telle puissance ; mais lorsque les gens n’ont pas la mémoire du passé, ni la vision du passé, ni la vision du présent, ni la divination de l’avenir, il a toutes les facilités. C’est pourquoi, la plupart des temps, la plupart des gens confient leur âme aux conseils de l’opinion. Mais l’opinion est incertaine et instable, et précipite ceux qui en font usage dans des fortunes incertaines et instables.
Dès lors, quelle raison empêche qu’Hélène aussi soit tombée sous le charme d’un hymne[4], à cet âge où elle quittait la jeunesse ? Ce serait comme si elle avait été enlevée et violentée […]. Car le discours persuasif a contraint l’âme qu’il a persuadée, tant à croire aux discours qu’à acquiescer aux actes qu’elle a commis. C’est donc l’auteur de la persuasion, en tant qu’il est cause de contrainte, qui est coupable ; mais l’âme qui a subi la persuasion a subi la contrainte du discours, aussi est-ce sans fondement qu’on l’accuse.
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