Tout le monde peut-il devenir artiste ?
Cours : Tout le monde peut-il devenir artiste ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar ZadOoX • 22 Mars 2020 • Cours • 3 047 Mots (13 Pages) • 2 030 Vues
Tout le monde peut-il devenir artiste ?
[Intérêt du sujet] Avoir une activité artistique est souvent source de grande joie. Il serait donc intéressant de se demander si tout le monde y peut accéder, ou si l’art est réservé à des gens qui sont particulièrement « doués ».
[1ère réponse, argumentée à l’aide de définitions] Pour pouvoir répondre à cette question, il nous faut réfléchir à la signification des termes en jeu. L’expression « tout le monde » désigne l’ensemble des êtres vivants doués de conscience et de pensée. Quant au mot « art », il a au moins deux significations. À l’origine, il est à peu près synonyme de « technique » et désigne donc un savoir-faire transmissible par un enseignement, et par lequel on peut réaliser efficacement un but (cf. le cours sur le travail et la technique). Cependant, le mot « art » a progressivement pris un sens plus restreint. Aujourd’hui, il désigne le savoir-faire ou l’activité propre aux artistes. Contrairement aux artisans, ces derniers ne visent pas d’abord à créer des œuvres utiles (outils ou objets de consommation), qui seraient de simples moyens pour satisfaire des besoins ou des désirs. L’œuvre d’art est d’abord l’expression d’une subjectivité et d’une imagination créatrice. L’artiste est de ce fait plus libre qu’un artisan ou un ingénieur. Par ailleurs ses modes d’expression sont particuliers : met en forme sa pensée et ses sentiments par d’autres moyens que le langage ordinaire, scientifique ou philosophique : il donne à son intériorité une matérialisation sensible (accessible aux sens).
D’après ce qui précède, on pourrait penser que la solution à notre problème est facile. Tout homme, en tant qu’il a une pensée et des organes naturellement habiles (les mains, notamment), peut recevoir un enseignement technique. Or, un art est une forme de technique. Tout le monde semble donc pouvoir devenir artiste.
[Objection, elle aussi tirée des définitions – Annonce de la 2ème partie] Mais cette thèse, que nous développerons tout d’abord, se heurte à une objection : l’art n’est pas une activité technique comme une autre. Les artistes semblent posséder un don : celui de transmettre leur pensée et leurs sentiments par d’autres moyens que le langage ordinaire. De plus, leur activité est plus libre que celle d’un artisan ou d’un ingénieur. On pourrait donc penser – comme nous le verrons dans une seconde partie – que l’art au sens fort du terme est un domaine réservé à une minorité privilégiée : les génies.
[Nouvelle objection – Annonce de la 3ème partie] Mais si l’artiste est capable de transmettre quelque chose de sa subjectivité à ceux qui admirent ses œuvres, cela veut dire qu’il n’est pas aussi unique qu’on veut bien le croire. Les amateurs d’art, même s’ils ne sont pas artistes, semblent avoir une sensibilité artistique : ils peuvent distinguer un chef d’œuvre d’une œuvre médiocre ou ratée. Dès lors, ne pourraient-ils devenir eux-mêmes des artistes à force de travail ? Telle est la question que nous aborderons dans la dernière partie de ce cours.
I. L’art, en tant qu’activité technique, est accessible à tout le monde
1. Tout artiste est une sorte d’artisan
À l’origine, le mot « art » désigne toutes sortes de techniques, qu’elles soient artisanales ou artistiques. Encore aujourd’hui, l’ « École des Arts et Métiers » est le nom d’une école d’ingénieurs. De même, on dit en parlant d’un travail qui nécessite beaucoup de savoir-faire : « c’est tout un art », « il faut faire les choses dans les règles de l’art ». Il semblerait donc qu’il y ait un point commun entre l’artiste, l’artisan, le technicien ou l’ingénieur : tous possèdent un savoir-faire acquis et transmissible par un enseignement. Un artiste est toujours, par certains côtés, un artisan. Pour pouvoir donner le meilleur de lui-même, exprimer au mieux sa pensée et ses émotions, il doit apprendre à maîtriser son matériau (bois, pierre, toile, couleurs, sons, corps humain, etc.) et ses outils (main, burin, marteau, pinceau, instrument de musique, caméra, etc.).
Ainsi, il semblerait que tout le monde puisse devenir artiste. Une technique, en effet, est un savoir-faire, c’est-à-dire à la fois un savoir et une pratique. Or, tout homme est doué d’une conscience et d’une intelligence lui permettant d’acquérir toutes sortes de savoirs. D’autre part, il a un corps lui permettant de mettre en pratique son savoir. Il a en particulier, comme l’a remarqué Aristote, un outil naturel – la main – grâce auquel il peut utiliser de nombreux outils artificiels.
On peut d’ailleurs noter à ce sujet qu’il existe un grand nombre d’arts, utilisant chacun des outils qui leur sont propres : pinceau, instrument de musique, corps humain (pour la danse), etc. Si donc quelqu’un a du mal à manier les outils d’un certain art, il pourra toujours se tourner vers un autre art. Même quelqu’un ayant un handicap naturel pourra généralement trouver des outils adaptés à son corps. Les aveugles ne peuvent pas peindre, mais ils deviennent souvent de bons musiciens. De même, certaines personnes n’ayant plus l’usage de leurs mains parviennent à peindre avec leur pied ou avec leur bouche.
Tout homme ne peut sans doute pas devenir un virtuose, c’est-à-dire acquérir une maîtrise technique éblouissante, mais il peut acquérir au moins quelques compétences artistiques. Dans les sociétés traditionnelles, d’ailleurs, certains arts (musique, danse, arts décoratifs…) sont pratiqués par tout le monde. C’est que, comme nous allons le voir, l’art a une fonction sociale essentielle.
2. L’art comme facteur de cohésion sociale
Si l’art, dans de nombreuses sociétés, a été plus ou moins pratiqué par tout le monde, c’est parce qu’il permettait aux membres d’un même groupe de se retrouver et de communier dans une même pratique, en partageant des pensées et des sentiments (joyeux ou tristes suivant les cas). L’art, dans ces sociétés traditionnelles, faisait partie intégrante de la vie de chacun. C’est à une époque relativement récente (18ème et surtout 19ème siècle) qu’on a commencé à exposer les œuvres dans des musées. C’est encore plus récemment qu’on a enregistré les œuvres sonores ou audio-visuelles sur des disques ou sur des bandes magnétiques. Auparavant, les œuvres étaient toujours intégrées dans la vie sociale.
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