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Que devons-nous à l'Etat ?

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Par   •  3 Mars 2022  •  Cours  •  4 676 Mots (19 Pages)  •  609 Vues

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DEVOIR – ETAT- LIBERTE

QUE DEVONS-NOUS A L’ETAT ?

Quelle que soit l’idée qu’on puisse se faire de la nature humaine et même si l’homme est capable d’altruisme envers son prochain, il suffit que ce ne soit pas toujours le cas (cf. Malaise dans la civilisation de Freud) pour que s’impose la nécessité de formuler des lois auxquelles nous devons obéir et qui nous garantissent des excès de notre propre nature. C’est le rôle de l’Etat  de paramétrer l’observation des règles de vie en société, en sorte que, grâce à cette institution, nous puissions régler nos relations humaines. Que devons-nous alors à l’Etat ?

A priori, nous avons donc une « dette » envers l’Etat, car devons donc à l’Etat notre qualité de vie et notre vie tout court. L’Etat nous « donne » quelque chose et nous lui devrions quelque chose d’autre en retour.

Mais pourquoi serais-je redevable devant l’Etat, qui n’est ni une personne, ni un dieu, et qui par définition n’existe que pour servir les individus ? J’entends bien quand je prends quelque chose dans un magasin que je dois donner quelque chose en échange de ce que j’achète, mais l’Etat est une autorité politique qui ne tire sa souveraineté et sa légitimité que des individus qui lui octroient des droits. En ce sens je n’ai pas à « payer » l’Etat des pouvoirs que je lui donne. Comment puis-je être à la fois celui qui doit quelque chose à l’Etat et celui à qui l’Etat doit quelque chose ?  Si l’Etat n’est qu’une institution n’est-il pas possible de dire qu’on est en droit de tout attendre de l’Etat en pensant ne rien lui devoir. Le modèle de la réciprocité de la transaction économique n’est vraisemblablement pas le paradigme suffisant expliquant ce que je dois à l’Etat.

Il faut donc se tourner vers la notion de « devoir » qui  ne renvoie pas seulement à la notion de dette ou de créance, mais aussi d’ « obligation ». Je dois ainsi a priori le respect à autrui de façon générale même si autrui ne m’a jamais rien donné, même si je ne le connais pas. Cette obligation de principe est la condition de rapports humains viables c’est-à-dire permettant à tous de cohabiter dans une même société, où je donne (mon respect) avant même de recevoir. Ici mon devoir n’est pas la conséquence de ce que l’on me donne, il est la cause, la condition de possibilité d’une réciprocité harmonieuse des rapports humains. J’ai donc le devoir de me comporter d’une certaine façon, de m’y obliger afin que mon attitude bénéficie elle aussi du devoir des autres envers moi. En ce sens je dois bien certaines choses à l’Etat qui me reconnait « a priori » et faire mon devoir oblige l’Etat à certains devoirs également.

Se demander ce que devons à l’Etat implique alors de penser la nature du contrat qui nous engage envers l’Etat (et inversement), et qui légitime mes devoirs envers lui. En ce cas, on pourrait imaginer que je doive un soutien inconditionnel à un Etat providentiel au prix possible de ma liberté. Il s’agit alors de déterminer les conditions de mes devoirs envers l’Etat, d’évaluer le degré de légitimité de l’Etat puisqu’il semble que notre reconnaissance doive se doubler d’une forme de méfiance aussi pour ne pas perdre notre liberté.

Nous verrons dans un premier temps qu’effectivement il semble que nous devions beaucoup à l’Etat, voire toute notre vie. Cependant, l’Etat ne saurait être une valeur en soi indépendante de l’implication des individus qu’il dirige au risque de devenir autonome. De sorte que notre reconnaissance doit être accompagnée d’une surveillance.

I - Ce que, spontanément, je crois devoir à l’Etat

  1. Je dois à l’Etat ma possibilité de vivre.

L’État se définit comme l’autorité politique souveraine, qui produit et applique les lois propres à une société donnée afin de permettre la vie en communauté. Ainsi, tout individu vivant dans un Etat visant la paix doit à l’Etat de pouvoir vivre sans souffrir de l’agressivité des autres. Si je vis effectivement dans la paix, je n’ai aucun devoir de « remboursement » ou de « reconnaissance », je n’ai pas à « remercier » l’Etat, mon devoir consiste « juste » à suivre les lois permettant cette paix et me donnant en même temps des droits précis concernant mes actions. Si j’observe la loi m’interdisant de m’approprier arbitrairement le bien d’autrui, je « gagne » automatiquement le droit de posséder sans qu’on me vole.

🡪C'est à un résultat comparable que se fonde le contrat social élaboré par Hobbes dans le Léviathan. Dans l'état de nature, l'homme est un loup pour l'homme parce que les inclinations égoïstes de l'homme font qu'il tend à abuser de sa liberté naturelle. C'est seulement dans l'Etat social que le pouvoir est assez solidement constitué pour tenir les citoyens en respect. Dans le contrat les citoyens échangent leur liberté naturelle contre la sécurité. Une fois cette sécurité assurée la dette envers l'Etat paraît infinie.

« Les conventions sans le glaive ne sont que des paroles, dénuées de la force d’assurer aux gens la moindre sécurité. » Hobbes

Ainsi, par ces dispositions, je dois à l’État de pouvoir vivre en liberté et donc de pouvoir déployer ma propre nature, poursuivre des ambitions, respecter mon idéal. Bref, je lui dois tout ou quasiment.

Hobbes, Le Léviathan, Gallimard © 2000 pp. 287-289

« Le seul moyen d'établir pareille puissance commune, capable de défendre les humains contre les invasions des étrangers et les préjudices commis aux uns par les autres et, ainsi, les protéger de telle sorte que, par leur industrie propre et les fruits de la terre, ils puissent se suffire à eux-mêmes et vivre satisfaits, est de rassembler toute leur puissance et toute leur force sur un homme ou sur une assemblée d'hommes qui peut, à la majorité des voix, ramener toutes leurs volontés à une seule volonté ; ce qui revient à dire : désigner un homme, ou une assemblée d'hommes, pour porter leur personne ; et chacun fait sienne et reconnaît être lui-même l'auteur de toute action accomplie ou causée par celui qui porte leur personne, et relevant de ces choses qui concernent la paix commune et la sécurité ; par là même, tous et chacun d'eux soumettent leurs volontés à sa volonté, et leurs jugements à son jugement. C'est plus que le consentement ou la concorde ; il s'agit d'une unité réelle de tous en une seule et même personne, faite par convention de chacun avec chacun, de telle manière que c'est comme si chaque individu devait dire à tout individu : j'autorise cet homme ou cette assemblée d'hommes, et je lui abandonne mon droit de me gouverner moi-même, à cette condition que tu lui abandonnes ton droit et autorises toutes ses actions de la même manière. Cela fait, la multitude, ainsi unie en une personne une, est appelée un état, en latin civitas. Telle est la génération de ce grand Léviathan, ou plutôt (pour parler avec plus de déférence) de ce dieu mortel, auquel nous devons, sous le dieu immortel, notre paix et notre défense. En effet, en vertu du pouvoir [authority] conféré par chaque individu dans l'État, il dispose de tant de puissance et de force assemblées en lui que, par la terreur qu'elles inspirent, il peut conformer la volonté de tous en vue de la paix à l'intérieur et de l'entraide face aux ennemis de l'étranger. En lui réside l'essence de l'État qui est (pour le définir) une personne une dont les actes ont pour auteur, à la suite de conventions mutuelles passées entre eux-mêmes, chacun des membres d'une grande multitude, afin que celui qui est cette personne puisse utiliser la force et les moyens de tous comme il l'estimera convenir à leur paix et à leur défense commune.

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