Nos convictions morales sont-elles fondées sur l'expérience ?
Dissertation : Nos convictions morales sont-elles fondées sur l'expérience ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar piputyy • 29 Mai 2017 • Dissertation • 2 916 Mots (12 Pages) • 1 341 Vues
Copie notée 20 sur 20 au baccalauréat 2016 section littéraire.
Il est d’usage d’avoir en notre esprit l’idée selon laquelle l’Homme aurait des convictions morales en ne faisant que vivre : qu’avec l’âge, vient la sagesse et donc l’Homme, grâce au fondement qu’est l’expérience de sa propre vie, aurait réussi à trouver sa propre morale, juste et légitime (pour lui) ainsi que ses propres convictions. Mais l’expérience de l’Homme seul lui suffit-il à fonder ses propres convictions, justement ? On parle ici de « nos convictions morales ». La première erreur serait de penser que la morale est unique – dogmatique. Elle s’exerce aussi dans une collectivité. Les convictions ne seraient donc pas particulières et individuelles mais plutôt générales. Si elles se fondent également sur l’expérience, elle n’en tient pas pour autant son origine dans une temporalité (si les convictions morales avaient comme origine l’expérience, nous serions des êtres moraux dès le premier instant de cette même expérience : dès la naissance ; ce que nous ne pouvons pas prendre comme axiome en soi). Nos convictions morales seraient donc l’effet d’une cause que serait l’expérience. Mais, quelle expérience est visée ici ? Est-ce l’expérience sensible et singulière, subjective : le « je » dans le monde ? Est-ce l’expérience d’autrui ? La rencontre avec l’autre serait donc sur quoi se fonderaient les convictions morales de chaque Être. Est-ce l’expérience de la société entière ? La morale serait donc liée non seulement à autrui mais également à la politique, à la Justice et au Droit. En tout cas, nous pouvons voir que l’expérience n’est pas la Nature de l’Homme, mais tient davantage de rencontres qui sont le fruit de l’existence de l’Homme dans son vivant. C’est-à-dire que l’existence de l’Homme est tant liée à la matière qu’à l’Esprit et la Raison. Comment la simple expérience sensible – et donc intérieure, peut-elle faire de nous des êtres moraux ? Il y a même un certain paradoxe : comment l’expérience singulière peut-elle convaincre un homme d’adopter une certaine morale, puis de l’adapter à son comportement dans la société, vis-à-vis des autres, comme de lui-même ? Si la démonstration tient davantage d’un raisonnement interne à l’Homme ; la conviction, quant à elle, est le fruit de l’action de convaincre. Ainsi, la conviction est donc extérieure et intimement liée à autrui et au monde. En d’autres termes, enfin, pouvons-nous être des êtres moraux sans un rapport sensible et rationnel au monde et à autrui ? L’expérience sensible de l’être dans le monde peut participer à sa construction morale, tandis que l’existence rationnelle et désintéressée de l’Homme dans ce même monde permet de fonder une nouvelle éthique humaine dans une collectivité. En effet, la morale et l’éthique, en s’élevant vers la Raison en rapport constant avec le corps, permettent aux Hommes de trouver une certaine idée du Bien, et d’en être convaincus, en eux.
L’expérience sensible, en premier lieu, est sans doute l’un des éléments qui permet à l’Homme de connaître davantage non seulement le monde mais lui également. La connaissance précède la morale. Par cette connaissance singulière que l’Homme a de lui, donc grâce à l’expérience personnelle de l’existence, sa connaissance du monde est alors encouragée ; elle débute quand l’Homme commence à se connaître. Il n’atteindra alors aucune connaissance objective de lui-même et de ce qui l’entoure mais parviendra sûrement, tout de même, à tendre vers l’objectivité. Par ce biais, la construction morale chez l’Homme est ultérieure à la recherche de la connaissance. En d’autres termes, l’Homme, dans sa vie, apprend de lui-même et de sa propre existence ; il peut donc faire la distinction entre ce qu’il trouve bon et moral, et ce qu’il trouve mal et illégitime. C’est par inspiration de l’expérience de la tabula rasa (« table rase ») que l’empiriste épistémologique et sensualiste britannique John Locke (1632-1704), avec le concept du white paper (« la page blanche »), tend vers la connaissance de lui-même et de ce qui l’entoure. A la naissance, il n’y a rien, et au fil du temps, grâce aux expériences effectuées au cours de la vie concrète, l’Homme va lui-même se créer et trouver, dans ces expériences, ce qui est bon ou ce qui ne l’est pas.
C’est de cette manière que la morale ne peut pas être prise comme quelque chose d’inné, comme un fait acquis. L’existence permet à l’Homme d’accomplir le projet qu’il est. Les convictions morales ne seraient alors pas notre Nature. Nous ne venons pas au monde comme un objet, et la morale n’est pas non plus notre utilité intrinsèque. Mais c’est justement par notre existence, nos actes, que les convictions morales apparaissent (non de manière divine, puisqu’elles sont le fruit d’une recherche continuelle personnelle). Comme nous sommes des êtres à l’existence contingente, dans un monde gratuit (nous ne savons pas pourquoi nous naissons et nous aurions très bien pu ne pas exister), il s’agit de trouver des nécessités pour nous accomplir : la morale et la recherche d’un certain Bien. Pour le phénoménologue et philosophe existentialiste allemand Martin Heidegger (1889-1976), l’existence précède, en effet, l’essence. Nous sommes jetés dans le monde d’une manière contingente (l’Être-là), et c’est par notre subjectivité qu’il s’agit de s’accomplir, de réaliser le projet que nous sommes, grâce à l’existence. C’est le Dasein. En cela, les convictions morales se basent sur une certaine expérience du sensible, dans une existence nécessairement contingente.
Donc, comme nous n’avons pas d’essence innée et que, par-là, l’existence précède l’essence, notre morale se construit également par notre expérience personnelle et singulière, au sein d’une société qui nous détermine et qui nous fait exister en situation. Deux idées viennent alors s’opposer à la morale et l’idée du Bien : l’immoral et l’amoral. Les convictions ne sont pas nécessairement morales et l’expérience du monde et de la société expliquent cette opposition entre immoral et amoral, entre obligation et contrainte. Le contexte – qu’il soit social, historique ou politique, intervient de manière importante dans le fondement de la morale. J’ai le choix de faire bien – en tout cas, ce que j’estime être le Bien, et je fais bien la chose ; cela tient de la morale. J’ai le choix de faire bien la chose, la possibilité, et je fais moi-même un acte mauvais (je vole le pain alors que j’ai l’argent pour l’acheter) ; cela tient de l’immoral.
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