N'y a-t-il de vérité que scientifique ?
Dissertation : N'y a-t-il de vérité que scientifique ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar sabre18 • 27 Avril 2016 • Dissertation • 7 245 Mots (29 Pages) • 2 869 Vues
Depuis l'Antiquité, le scepticisme se définit par opposition à ce qu'il dénomme le dogmatisme, entendant par là non pas une école philosophique particulière, mais la prétention, commune à diverses écoles, de pouvoir énoncer des vérités certaines. Contre cette dernière les sceptiques invoquaient de nombreux arguments ou tropes, dont l'un des plus célèbres, le premier dans la liste dressée par Agrippa, fait état de la pluralité des écoles dogmatiques : celles-ci s'opposent et proposent comme certainement vraies des thèses qui se contredisent. La constatation du désaccord universel induit chez le sceptique un doute universel : si en effet il y avait une vérité dans les affirmations dogmatiques, elle ne donnerait pas lieu à un désaccord, et les écoles ne se combattraient pas.
L'argument irait de soi s'il ne renfermait un présupposé, à savoir justement que la vérité devrait faire, comme on dit, « l'accord des esprits », selon une expression de Kant. Or le doute sceptique, étant universel, ne peut que s'étendre à cette supposition, car le scepticisme se supprimerait lui-même à la considérer comme évidente : ledit présupposé vient assurément du dogmatisme, mais comment le scepticisme pourra-t-il éviter d'être lui-même dogmatique s'il commence par prendre à son compte la conception dogmatique de la vérité ? Et s'il veut échapper à cette inconséquence, il semble que ses arguments disparaî¬tront avec la présupposition qui les inspire.
Il faut donc mettre celle-ci en question, et demander si une vérité ne peut être reconnue comme certaine qu'à la condition de ne pouvoir être discutée.
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Au pluriel, le terme de vérités sert à désigner certains énoncés, en référence à leur propriété commune. Celle-ci, la vérité au singulier, est couramment définie, selon l'expression que Thomas d'Aquin dit emprunter au juif Isaac, comme « l'adéquation de la chose et de l'intellect' », ou, selon sa transcription kantienne, « l'accord de la connaissance et de son objet'- », c'est-à-dire la correspondance entre un énoncé et ce dont il parle. Selon Platon, « est vrai le discours qui dit ce qui est comme il est [...], faux celui qui le dit autre qu'il n'est ». Aristote a dénommé proposition catégorique ce type de discours qui dit quelque chose au sujet de quelque chose (ti kata tinos), c'est-à-dire qui rapporte à un sujet (ce dont on parle) un certain prédicat (ce qu'on en dit), le second étant dit inhérent ou étranger au premier. Sans une telle composition de termes, il n'y aurait encore ni vérité ni fausseté : « dit vrai celui qui juge [dans une négative] que ce qui est séparé est séparé, et [dans une affirmative] que ce qui est uni est uni ; dit faux celui qui juge à l'encontre des choses ».
Il s'agit donc de savoir s'il est des propositions vraies qui ne puissent faire l'objet d'une discussion. L'étymologie de ce dernier terme renvoie à un geste de bûcheron : discutere, c'est fendre en frappant. Au sens logique, la discussion n'est pas un simple échange d'idées, c'est la confrontation des opinions contradictoires, et par suite la mise en question mutuelle de leur validité, d'où résulte l'ébranlement de la certitude qui attache chacun à la sienne. On retrouve ici, sur le plan psychologique, la signification originelle du terme : la discussion ébranle la fermeté d'un assentiment ; elle fait naître « la crainte du contraires » qui, selon Thomas d'Aquin, caractérise l'opinion en tant qu'elle s'oppose d'un côté à la science, et de l'autre au doute, qui est la suspension du jugement. On peut dire qu'en ce sens, la discussion ravale au rang de simple opinion ce qui se présentait d'abord comme ferme certitude ,péripétie constante dans les dialogues platoniciens.
On peut à partir de là préciser le sens de l'interrogation initiale : on demande s'il y a des propositions dont la vérité ne peut être discutée. La question est donc à entendre en un sens logique et non pas moral : l'indiscutable dont il s'agit n'est pas ce qui ne doit pas être discuté, à savoir les lois et les règlements, qu'il ne faut pas discuter mais appliquer. C'est en tant qu'elles sont impératives et non pas en tant qu'elles pourraient être vraies ou fausses, que les lois sont indiscutables. En revanche, discuter une proposition, c'est envisager qu'elle puisse être fausse, soit qu'elle puisse ne pas être vraie : c'est donc considérer sa vérité comme contingente, puisque le contingent est ce qui peut ne pas être, ou ce qui peut être autrement qu'il n'est. L'indiscutable, au sens logique, sera donc défini par le contraire de la contingence, à savoir la nécessité , le nécessaire étant ce qui ne peut pas ne pas être, ou ce qui ne peut être autrement qu'il n'est. Nous pouvons voir cela dans
Somme de théologie, De Thomas d'Aquin ou encore Métaphysique de Platon .
La question revient donc à se demander s'il y a des propositions qui peuvent apparaître comme nécessairement vraies.
Sans doute n'est-il pas de l'essence de la vérité d'être indiscutable puisque le discutable, c'est l'opinion, et que celle-ci, Platon le remarque , peut être vraie : on peut ne pas être certain sans pour autant se tromper, et inversement la prise de conscience d'une erreur n'est rien d'autre que la substitution d'une opinion vraie à une opinion fausse. Toutefois, si importante que soit pour Platon ( Le Banquet ) la notion d'opinion vraie, notamment en politique, il n'en souligne pas moins son caractère problématique. Car l'opinion est essentiellement incertaine : si donc nous ne connaissions la vérité que sur le mode de l'opinion, nous ne pourrions jamais être certains d'être dans le vrai, et nous ne pourrions être certains qu'il y a des opinions vraies. Pour que nous le soyons, il faut qu'il existe une opinion vraie qui soit la possession incertaine d'une vérité qui pourrait être connue de façon certaine. Aussi Platon définit-il l'opinion vraie comme un « intermédiaire » entre l'ignorance — qui est soit absence de tout savoir, soit opinion erronée — et la véritable connaissance. Ainsi la définition même de l'opinion vraie , un énoncé qui se trouve être de fait en conformité avec ce dont il parle , postule l'existence
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