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La philosophie du Moyen-âge

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Par   •  20 Novembre 2021  •  Dissertation  •  1 781 Mots (8 Pages)  •  357 Vues

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TRAVAIL FINAL

Travail présenté à

M. David Piché

Dans le cadre du cours

PHI-2002

        

Département de Philosophie

Université Laval

        Remis le 28 avril 2021        

Relativement à la question de savoir s’il est possible pour notre intellect de connaître les choses singulières, Thomas D’Aquin expose clairement sa position en affirmant à la négative que notre intellect ne peut pas connaître directement et en premier lieu le singulier dans les réalités matérielles. En effet, il nous est seulement possible d’avoir une connaissance indirecte du singulier. Cette position s’éclaircira au fil des prochains paragraphes.

Tout d’abord, chez les médiévaux, le propre de la connaissance humaine est de saisir l’intelligible, c’est-à-dire quelque chose qui est pleinement abstrait et universel. Cette partie intellective de l’homme, en tant que faculté cognitive, se distingue complètement de celle sensitive en tant qu’elle est purement immatérielle. En effet, alors que les sens ont pour objet les qualités sensibles des réalités matérielles, l’intellect n’est pas composé de matière, mais possède plutôt une puissance cognitive qui est capable d’universalité, soit de former des concepts universels. Or, puisque la matière est en soi indéterminée, qu’elle est ontologiquement un être en puissance, c’est-à-dire un être ontologiquement de potentialité, elle est cause de limitation. La connaissance sensible ne peut donc aller au-delà de l’appréhension du singulier. Du point de vue de la connaissance intellectuelle, la totale indétermination de la matière en fait quelque chose d’inintelligible en soi. C’est la forme, en tant qu’elle est principe d’actualité d’une substance, qui réalise l’intelligibilité de la chose. Par conséquent, puisqu’elle est un composé de forme et de matière, la chose sensible, soit la chose singulière telle qu’elle est subie par les sens externes, est intelligible en puissance, mais non en acte. Par surcroît, la chose à connaître doit en quelque sorte adopter le mode d’être du sujet connaissant pour devenir son objet de connaissance. Ainsi, puisque l’immatérialité est le mode d’être de l’intellect, la connaissance de l’intellect doit également être ou devenir immatérielle. De même, étant par nature immatériel, l’intellect saisit ce qui le ressemble, soit l’immatérialité des choses sensibles, à savoir la forme engagée dans la matière. Il faut ainsi conclure que c’est la matière qui fait obstacle à l’intellection des chose sensibles, de même que c’est la matière qui empêche une puissance cognitive d’être intelligente en acte.

Ces considérations introduisent à la notion d’abstraction par rapport à la matière. En effet, puisque la matérialité des choses sensibles entrave leur intelligibilité, alors un retranchement de cette matière particulière s’impose. Les réalités matérielles doivent subir une dématérialisation pour être traduites en connaissance intellectuelle, c’est-à-dire afin de devenir intelligible en acte. L’abstraction permet donc de mettre de côté les conditions individuantes d’une chose pour n’en garder que l’essence universelle. De cette manière, l’intellect dégage ce qu’on appelle les formes intelligibles des images sensibles, c’est-à-dire la nature spécifique de la chose connue. L’intellect agent est celui qui abstrait la forme intelligible, alors que l’intellect possible est ce qui est déterminé par cette dernière. Les images sensibles, à partir desquelles l’intellect agent opère l’abstraction des formes intelligibles, apparaissent en deux temps. D’abord, les choses sensibles causent des impressions dans les sens externes. Ensuite, ces impressions sont synthétisées dans la partie sensitive interne où l’imagination peut reproduire l’image sensible des perceptions sensitives, soit le phantasme. Ce dernier est ce qui permet au sujet connaissant de se représenter intérieurement les choses sensibles concrètes et singulières. En effet, l’intellect agent abstrait du phantasme le concept et le communique à l’intellect possible qui, en recevant la forme intelligible, devient intelligent en acte. En d’autres mots, le processus gnoséologique est le suivant : les choses sensibles causent des impressions dans les sens externes; un sens interne qu’est l’imagination produit des phantasmes à partir de ces impressions; l’intellect agent abstrait les formes intelligibles contenues en puissance dans les phantasmes et les procure à l’intellect possible, lequel passe ainsi de la puissance à l’acte d’intelliger, c’est-à-dire à la saisie de l’intelligible.

En ce sens, ce qu’affirme Thomas d’Aquin, c’est qu’on ne peut avoir une connaissance directe du singulier, en tant que le principe de singularité des réalités matérielles est la matière individuelle.  En effet, la connaissance directe du singulier exige que la faculté ou le sujet connaissant devienne la similitude du singulier matériel même. Or, l’intellect est une puissance qui saisit l’universel et qui doit donc abstraire d’une telle matière l’espèce intelligible afin de l’intelliger. Cette abstraction ne rend compte de rien d’autre que de l’universel en soi. Par conséquent, il est faux d’affirmer que l’intellect peut saisir directement le singulier, puisqu’il n’est directement cognitif que des universaux. L’intelligence humaine ne peut devenir la similitude de la matière individuante. Toutefois, l’intellect peut connaître indirectement les singuliers en tant qu’il se tourne vers les phantasmes. Puisqu’il intellige en acte les espèces intelligibles à partir des phantasmes, il intellige aussi d’une certaine façon les singuliers dont il y a phantasmes, mais à travers eux. Ainsi est expliquée la thèse de Thomas selon laquelle notre intellect a une connaissance indirecte du singulier.

Ces éléments lui permettent de répondre aux objections posées voulant que l’intellect connaisse les singuliers. D’une part, les éléments précédemment présentés répondent à la première objection. En effet, notre intellect peut former la proposition « Socrate est un homme » en tant qu’il a une connaissance directe de l’universel « homme » tiré de l’espèce intelligible, et une connaissance indirecte de « Socrate », en tant qu’il intellige le singulier à travers les images sensibles dont il abstrait l’essence. En ce sens, la conclusion demeure la même : l’intellect a une connaissance indirecte du singulier. À la seconde objection d’après laquelle les actes sont relatifs aux singuliers, Thomas montre que les actes découlent d’abord d’un syllogisme de l’intellect pratique. Or, on ne peut conclure une chose singulière à partir d’une proposition universelle. L’intervention d’une prémisse singulière de la partie sensitive doit venir faire médiation. Par conséquent, l’intellect pratique ne peut diriger pour agir qu’en admettant une proposition singulière sensitive, laquelle n’est pas connue directement par l’intellect. Ensuite, contre la troisième objection soutenant que notre intellect est quelque chose de singulier lui-même, il faut rappeler que ce qui distingue l’intellect de la sensation n’est pas la singularité en soi mais la matérialité. En effet, l’intellection n’est possible que de manière immatérielle. En ce sens, si l’intellect est une singularité immatérielle, cela ne contrevient pas à sa propre intellection et ce, toujours sans qu’il n’ait une connaissance directe de cette singularité. Finalement, concernant la quatrième objection stipulant que la faculté supérieure peut faire tout ce qu’est apte à faire la faculté inférieure, Thomas d’Aquin soutient également cette proposition, mais affirme que cela est vrai en vertu des modes de connaissance de chacun. En effet, le sens connaît directement le singulier de manière matérielle et concrète, alors que l’intellect, selon son essence, connaît pour sa part l’universel de manière immatérielle et abstraite. Conséquemment, l’hypothèse selon laquelle il semble que notre intellect connaisse les singuliers est, une fois de plus, réfutée par la gnoséologie de Thomas d’Aquin.

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