Ferdinand Lot, La fin du monde antique et le début du Moyen Âge, Paris, Albin Michel,
Commentaire de texte : Ferdinand Lot, La fin du monde antique et le début du Moyen Âge, Paris, Albin Michel,. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar VINCENT.TAROT • 24 Février 2022 • Commentaire de texte • 1 803 Mots (8 Pages) • 1 301 Vues
Séance 6 : la fin du monde romain
Corrigé du commentaire de texte
La correction qui vous est proposée ici est un plan (très) détaillé, qui descend jusqu’aux sous-parties des A-B, et que vous compléterez avec les éléments vus en TD.
Texte n° 1. Ferdinand LOT, La fin du monde antique et le début du Moyen Âge, Paris, Albin Michel, coll. « L’évolution de l’humanité », 1968, p. 275-278.
L’effondrement de l’Empire romain au Ve siècle conduisant instantanément à la naissance du Moyen Âge est une vieille thématique que l’on trouve déjà chez Montesquieu, dans ses Considérations sur les causes de la grandeur des romains et de leur décadence (1734), qui voit dans les invasions barbares une fin nette de l’Empire face à la germanité franque.
Ferdinand Lot dans son ouvrage intitulé La fin du monde antique et le début du Moyen Âge, développe, au contraire, l’idée d’un passage insensible du monde antique au monde médiéval, lorsqu’il dresse le bilan de ce qu’il considère comme le déclin de l’Antiquité, notamment p. 275-278. Ce texte de doctrine, qui date initialement de 1927, mais qui a été réédité en 1951 (puis en 1968 à titre posthume) est assez novateur. Jusqu’alors, les ouvrages universitaires séparaient classiquement l’étude de l'Empire romain et du Moyen Âge, comme deux périodes distinctes et imperméables. Ferdinand Lot est le premier à consacrer un travail d'ensemble à l'histoire romaine entre le IIIe et le Ve siècle, et ses influences sur les siècles suivants. Comprendre le Bas Empire, selon lui, est nécessaire pour appréhender le Moyen Âge.
À ce titre, cet auteur – historien médiéviste formé à l’école des Chartes, mais non juriste – peut être considéré comme un pionnier du concept d'Antiquité́ tardive. Concept novateur pour l’époque (Lot naît en 1866 et meurt en 1952), il permet à cet auteur d’affirmer qu’il existe une discontinuité de l’Histoire, à rebours des thèses en vigueur à son époque, qui sont davantage irriguées par le matérialisme historique. Il était d’ailleurs extrêmement critique face aux théories évolutionnistes de l’Histoire.
Le texte étudié s’insère alors dans un contexte extrêmement riche. Historiquement, il traite de l’Antiquité tardive, et des invasions barbares du Ve siècle en revenant notamment sur le mythe de la fin de l’Empire durant l’année 476. Juridiquement, c’est donc dans un contexte d’interpénétration des droits germains et romains, dont le syncrétisme marque le développement du droit vulgaire, que ce texte s’inscrit. Par ailleurs, il faut souligner la complexité des différentes sociétés de l’époque, qui dépasse la simple idée d’un passage net entre la société romaine et les royaumes barbares. En 475, avec la chute de Julius Nepos, Euric, roi des Wisigoths, en profite pour rejeter les anciens traités. Cette dénonciation des anciens traités de fédération (foedus) provoque une réaction vive des milieux catholiques, qui refusent de se soumettre à des rois ariens. Néanmoins, les rois barbares reprennent massivement les symboles et les concepts romains à leur profit (Euric opte pour le titre de Dominus Noster Glorisissimus Rex). Ainsi, à l’époque, il demeure d’importants éléments de continuité dans la transition de l’Empire romain d’Occident vers les royaumes barbares indépendants.
Dès lors, comment, de l’impossibilité théorique de penser la fin de l’Empire, Ferdinand Lot éclaire-t-il le décalage entre une Rome factuellement éteinte, mais qui perdure juridiquement ?
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La fiction de la continuité de l’Empire (I), est la traduction d’une impossibilité théorique d’en penser la chute (II).
I – La fiction de la continuité de l’Empire
Malgré la perception contemporaine d’une continuité juridique (A), Ferdinand Lot
s’emploie à démontrer une rupture nuancée, mais consommée de l’Empire (B). A/ La perception contemporaine d’une continuité juridique
1- L’unité théorique de l’Empire rendant imperceptible toute rupture
Selon Ferdinand Lot, si les romains ont pu percevoir des changements lors de la scission définitive de l’Empire à la mort de Théodose Ier en 395, en revanche, en 476 « ils ne semblent pas s’apercevoir qu’une des deux moitiés de la Respublica Romanorum, l’Empire d’Occident, avait cessé d’exister » (l. 5-6). Les royaumes barbares tirent leur légitimité « d’un pouvoir à eux délégué par l’autorité impériale » (l. 13). C’est-à-dire que ces monarchies se développent à partir d’institutions largement tributaires des legs romains (administratifs, religieux et politiques). Ainsi les rois germaniques, inscrivant leur pouvoir dans le cadre des institutions romaines cherchent davantage à les entretenir qu’à les détruire. Par ailleurs, l’auteur précise que cette « fiction » (l. 9) s’appuie également sur le rétablissement de l’unité de l’Empire, avec le départ des insignes impériaux à Constantinople. L’autorité suprême relèverait alors en théorie de l’Empereur Byzantin.
2- L’unité territoriale et juridique autour de l’Empereur Justinien
Cette fiction, selon l’auteur, est prolongée par l’Empereur Justinien (†565), qui prône l’unité impériale, tant géographique que juridique. En effet, sur le plan géographique Justinien n’a de cesse que de réunifier et d’élargir au maximum les frontières de l’Empire, par une reconquête systématique des territoires barbares méditerranéens (l. 16-17). Mais surtout, sur le plan juridique, il vise l’unité du droit par la soumission « à la loi de l’Empereur » (l. 17). Pour ce faire, il impose son œuvre : le Corpus Iuris Civilis.
Ainsi, selon Lot, « des esprits doués d’un optimisme superficiel ont pu s’imaginer que, après une tourmente d’un siècle, le monde romain s’était reconstitué » (l. 18-19). L’auteur, critique clairement ici cette continuité artificielle.
B/ La démonstration nuancée d’une rupture consommée
1- La situation réelle contredisant la fiction juridique
Les preuves d’une rupture déjà consommée semblent néanmoins nombreuses. En effet, l’auteur, en traitant de la reconquête du pouvoir de Justinien, met bien en lumière sa difficulté
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