La liberté et le travail, opposés ou liés ?
Dissertation : La liberté et le travail, opposés ou liés ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Marwa! • 15 Août 2021 • Dissertation • 3 196 Mots (13 Pages) • 383 Vues
Dans son œuvre Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale paru en 1934, la philosophe Simone Weil constate que les notions de liberté et de travail rencontrent une réelle difficulté à être définis et s’identifient trop souvent comme étant contradictoires. En effet, alors que la liberté est définie par la capacité à agir en conformité avec soi-même sans que rien ni quiconque n’interfère, le travail, lui, se caractérise par l'acceptation de contraintes. Toutefois, l’auteur va déconstruire, tout au long de cet extrait, cette opinion courante affirmant que la liberté est spontanée et que le travail y porte atteinte. Le travail est-il un obstacle à la liberté ou, a contrario, une condition pour l’atteindre ? Weil va constater que le travail est nécessaire à la vie de l’homme afin qu’il puisse atteindre pleinement sa liberté : si l'homme semble s’épanouir dans un monde sans contrainte, il ne peut en réalité acquérir sa liberté sans celles-ci. Ainsi, de la ligne 1 à 4, elle réfute l’idée selon laquelle un monde où l’homme vivrait sans travail serait un monde idéal en faisant référence à la pensée rousseauiste. Pour affirmer cette idée, cette dernière, de la ligne 4 à la ligne 12, soutient la nécessité absolue pour l’homme de se confronter aux difficultés extérieures qui lui apprennent à se maîtriser. Afin de poursuivre son raisonnement, Weil conclut sur l’importance pour l’homme d’être soumis à des règles pour atteindre la liberté en illustrant sa pensée par un contre-exemple ironique.
Simone Weil débute son raisonnement par un constat quelque peu surprenant : il est impossible que l’homme, en raison de son essence, puisse vivre dans un état où il aurait autant de satisfactions qu’il ait peu d’efforts à accomplir. A travers cette observation, la philosophe fait allusion à l’état de nature rousseauiste : d’abord de par la mention d’ “un état de choses” (l.1), désignant un ensemble de circonstances observables à l'instar de l’état de nature, mais aussi par les termes “autant de jouissances et aussi peu de fatigues” (l.1) qui évoquent une proportion parfaite entre les besoins modiques de l’homme (“peu de fatigues”) et leur satisfaction (“jouissances”) que le philosophe Rousseau s’est efforcé de penser. En effet, dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, celui-ci va théoriser l’idée d’état de nature selon laquelle la société aurait succédé à un état primordial. C'est donc à travers cette fiction de l’esprit, “fiction” par ailleurs répété deux fois par Weil (l.2 et 3), que ce dernier se propose de retirer les qualités que l’homme a dû acquérir avec le temps et de le décrire tel qu’il “a dû sortir des mains de la nature”. L’homme dénué de culture serait donc un être amoral, indépendant et qui possèderait tout ce qu’on affilie au bonheur. Toutefois, c’est sa perfectibilité, soit le progrès, qui le fera sortir de cet état puisqu'il lui permet d’acquérir des superflus contingents. On comprend ainsi que, selon Rousseau, la vie naturelle pourrait rendre l’homme libre, heureux et bon contrairement à la société, corrompue d’emblée car pleine de passions.
Ainsi, si les philosophes énoncent tous deux une incompatibilité entre société (désignée par “le monde où nous vivons” (l.2) par Weil) et état de nature, ils gardent cependant une vision différente de ce qu’est la liberté. En effet, là où Rousseau voit la société comme une entrave majeure à la liberté humaine, Weil va démontrer qu’il est nécessaire à l’homme de se développer au sein de celle-ci pour être entièrement libre. Elle réfute donc l’idée de liberté sans société selon laquelle l’état de nature serait un état où l’homme serait réellement libre et satisfait, sous l'emprise d’aucune contrainte sociale. Au contraire, celle-ci affirme même que l’état de nature, s’il avait existé, n’est en aucun cas regrettable (à la l.3) : bien qu’au premier abord nous pourrions penser que l’homme trouve sa liberté lorsqu’il obtient tout ce qu’il désire, en réalité, cette satisfaction ne peut en aucun cas se traduire par un sentiment de liberté. La philosophe soutient cette idée par l’emploi de “qu’il lui plairait” (l.2) , affirmant ainsi que l’homme qui parvient à répondre à tous ses désirs n’est pas un homme libre.
De ce fait, pourquoi l’homme ne peut être libre en répondant à ses désirs ? En quoi le travail a une importance dans cette quête de liberté ?
Weil commence par expliquer sa thèse en déclarant qu’il est suffisant d’admettre que l’homme est par nature un être faible pour comprendre qu’il ne peut devenir libre en se soumettant à ses désirs. Cette dernière emploie le terme de “faiblesse humaine” (l.4) pour renvoyer à cette vulnérabilité propre à l’homme qui, sans maîtrise de soi, est incapable de résister à ses passions. La faiblesse est ainsi traduite par l’absence de volonté et/ou de forces nécessaires pour se défaire des passions et donc parvenir à se maîtriser. Ainsi, comme l’indique le verbe “suffit” (l.4), c’est cette vulnérabilité humaine qui constitue à elle seule le facteur déterminant pour comprendre la nécessité du travail. En effet, le “travail” (l.5), désignant l’activité par laquelle l’homme modifie son environnement afin de subvenir à ses besoins, est traduit ici par l’activité dont le fruit a été obtenu par un effort et sous la contrainte. Il peut donc autant s'agir du travail sur soi que de la fonction sociale et économique. Par conséquent, si l’homme doit nécessairement répondre à ses besoins pour se satisfaire, il doit fatalement y être contraint.
Néanmoins, si la contrainte paraît être synonyme d'assujettissement, elle est en fait le moyen par lequel l’homme demeure raisonnable. Sans le travail, l’homme est condamné à soumettre son âme à ses vils désirs puisque sans limite propre à son action, celui-ci ne peut se contrôler. Il n’est soumis à aucune force extérieure capable de le maîtriser mais uniquement à ses passions, qui deviennent ainsi un état de souffrance et de dépendance. Par ailleurs, Weil insiste particulièrement sur la nécessité du travail en évoquant une possibilité de tomber dans “la folie” (l.6) sans celui-ci, folie définie ici par une passion excessive et déraisonnable qui, au-delà d'annihiler toute liberté, le mènerait à un état irréversible.
Pour justifier cette idée, Simone Weil soutient que l’homme se défait de ses passions uniquement en se surmontant. En effet, la “maîtrise
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