La conscience de soi est-elle une connaissance de soi ?
Dissertation : La conscience de soi est-elle une connaissance de soi ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Mateojrg78 • 3 Février 2021 • Dissertation • 3 223 Mots (13 Pages) • 737 Vues
Correction dissertation : La conscience de soi est-elle une connaissance de soi ?
I/ INTRODUCTION : Chacun peut avoir l’impression de savoir immédiatement qui il est,
c’est-à-dire de pouvoir énoncer son identité. Celle-ci pourrait se définir comme l’ensemble de
ce qui me caractérise en propre et me distingue des autres. Ce qui me caractérise concerne ce
que je suis aussi bien d’un point de vue social et culturel que psychologique, physique et
intellectuel. Chacun ne sait-il pas ce qu’il est physiquement, ce qu’il pense, ce que sont ses
valeurs, ce qu’est son histoire, quel est son statut social, etc. ? Comment un individu ne sauraitil pas ce qu’il est, ce qui le caractérise et le différencie, dans la mesure où il en a conscience ?
En ce sens, chacun semble à même de dire ce qu’il est dans la mesure où l’ensemble des
éléments qui constituent son identité sont conscients : comment ne serais-je pas conscient de
mes pensées, de mon histoire, de mon physique, de mon travail, de mes sentiments, etc. ?
La conscience que chacun possède de lui-même semble donc être le moyen par lequel, de
manière évidente et immédiate, savoir qui l’on est paraît aller de soi. En ce sens, on identifie
volontiers conscience de soi et connaissance de soi.
En effet, la conscience est une faculté mentale qui, comme l’indique son étymologie (« cum »
et « scientia », qui littéralement signifieraient : « avec savoir »), permet à chacun de savoir non
seulement ce qui l’entoure, rendant ainsi possible une conscience de l’existence du monde et
des autres, mais aussi de savoir ce qu’il ressent, ou pense, ou veut, ou fait, etc. Or, si je sais ce
que je pense ou ressens ou éprouve, est-ce que l’on ne peut pas alors dire que je me connais
dans la mesure où je ne serais pas seulement conscient de tel sentiment ou telle émotion mais
où je pourrais également en déterminer la signification et la cause ? En effet, connaître n’est
pas réductible à savoir : si je sais qu’il pleut, je ne connais pas nécessairement les causes de la
pluie, ni ses effets. La connaissance implique une autre dimension que le simple savoir.
De ce point de vue, nous pouvons souligner que la conscience de soi n’est donc pas que le
moyen par lequel chacun semble savoir ce qu’il est, qui il est : elle est aussi ce grâce à quoi
chacun peut maitriser ses propres pensées et ses propres actes, puisque si nous pouvons nous
représenter ceux-ci nous pouvons par là les évaluer, les juger, les changer, etc. La conscience
de soi serait ainsi une condition nécessaire de la raison et de la maîtrise de soi, me permettant
d’être et de penser de manière autonome, en voulant moi-même ce que je pense et fais : elle
serait donc également la condition du Sujet, rendant possible d’être moi-même à l’origine de
ce que je suis et donc, en ce sens, d’être libre, si l’on entend par liberté non pas la possibilité de
faire ce que l’on veut mais celle de se déterminer soi-même (autonomie).
Cependant, cette certitude et évidence de la conscience de soi semblent pouvoir être ébranlées.
En effet, tout d’abord, la philosophie repose sur une critique de l’opinion montrant comment
celle-ci peut être comprise comme une pensée qui n’est pas entièrement consciente d’ellemême, de ses présupposés et conséquences, ni même de sa signification : celui qui pense par
opinion, c’est-à-dire de manière spontanée, non réfléchie, se contentant de reprendre la pensée
commune, ne sait pas nécessairement tout ce qu’il pense, les raisons pour lesquelles il pense
ceci ou cela, et en ce sens n’est pas entièrement conscient de ce qu’il pense ou des raisons de
son mode de vie.
D’autre part, l’image que chacun possède de lui-même repose sur l’usage de facultés qui ne
sont pas sans défauts ni parfaitement maîtrisées : la raison n’est pas sans limites et certains
aspects de notre identité ou de notre pensée ont parfois du mal à trouver une explication
rationnelle. La mémoire n’est pas non plus infaillible et la conscience que chacun a de son
propre passé, de sa propre histoire, peut aussi être altérée par l’oubli ou par l’impossibilité de
se remémorer.
De plus, si chacun peut avoir l’impression de savoir qui il est dans la mesure où il en a
conscience, ce savoir produit par l’individu sur lui-même peut paraître douteux. En effet, si je
sais qui je suis, je suis à la fois le « je » qui sait et le « je » au sujet duquel il y a savoir, ce qui
d’un point de vue épistémologique ne va sans pas sans difficultés puisque le savoir ainsi produit
risque d’être subjectif sans que l’individu lui-même ne s’en aperçoive.
Enfin, nous pouvons trouver dans la sociologie ou la psychanalyse des éléments permettant de
remettre en question l’immédiateté et l’évidence de la conscience de soi : Durkheim, par
exemple, montre la nécessité de considérer que chacun est conditionné par des représentations
collectives et non conscientes, introduisant ainsi l’idée d’un écart entre ce que nous avons
conscience d’être et ce que nous sommes réellement. De même, Freud en reconnaissant la
légitimité de l’hypothèse d’un inconscient psychique, nous conduit à considérer la possibilité
d’un tel écart entre le Moi, c’est-à-dire l’image consciente que j’ai de moi-même, et ce que je
suis effectivement sans le savoir. Les théories de ces deux auteurs, même si elles ne sont pas
identiques, semblent cependant avoir des implications communes, puisque ce qui est mis en
évidence dans les deux cas est le fait que les limites de la conscience de soi impliquent que
l’individu, si il sait ce qu’il fait ou pense, ne sait pas nécessairement les raisons, les causes, ni
le sens véritable de sa pensée et de son action.
Ce dernier point met en évidence un problème qui concerne la conscience de soi et ses limites.
En effet, l’impression spontanée conduit à penser que la conscience de soi est nécessairement
une connaissance de soi, c’est-à-dire que la représentation consciente que j’ai de moi
correspond effectivement à ce que je suis et que par là elle serait suffisante pour que je connaisse
non seulement mon identité mais aussi les causes et les origines de celle-ci. Or, si l’on considère
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