KANT Anthropologie
Commentaire de texte : KANT Anthropologie. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Curro2004 • 28 Août 2018 • Commentaire de texte • 3 535 Mots (15 Pages) • 2 854 Vues
ELEMENTS POUR UN CORRIGE DU SUJET:
Expliquez le texte suivant:
« Posséder le Je dans sa représentation: ce pouvoir élève l’homme infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre. Par là, il est une personne; et grâce à l’unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c’est-à-dire un être entièrement différent, par le rang et la dignité, de choses comme le sont les animaux sans raison, dont on peut disposer à sa guise; et ceci, même lorsqu’il ne peut pas dire Je, car il l’a dans sa pensée; ainsi toutes les langues, lorsqu’elles parlent à la première personne, doivent penser ce Je, même si elles ne l‘expriment pas par un mot particulier. Car cette faculté (de penser) est l’entendement.
Il faut remarquer que l’enfant qui sait déjà parler assez correctement ne commence qu’assez tard (peut-être un an après) à dire Je; avant, il parle de soi à la troisième personne (Charles veut manger, marcher, etc.); et il semble que pour lui une lumière vienne de se lever quand il commence à dire Je; à partir de ce jour, il ne revient jamais à l’autre manière de parler. Auparavant il ne faisait que se sentir; maintenant il se pense. »
KANT
Dans ce texte extrait de l’Anthropologie au point de vue pragmatique, Kant, philosophe allemand du XVIIIème siècle, traite de la conscience de soi. Il se pose la question suivante: quels sont les enjeux de la conscience de soi, pensée en termes de « pouvoir », et condition de possibilité de toute représentation? Kant établit la thèse selon laquelle la conscience de soi donne à l’homme sa dignité. Tout d’abord, il établit sa thèse et énonce ses conséquences: ce pouvoir de la conscience de soi est le privilège de l’homme et fonde sa supériorité sur les autres êtres qui ne sont que des choses. Ensuite, Kant justifie cette thèse en montrant que le passage chez l’enfant au stade de la pensée (contemporain de l’usage linguistique de la première personne du singulier) introduit un changement décisif dans son développement. Ainsi ce qui est premier selon l’ordre des valeurs est second selon l’ordre chronologique. La lecture de ce texte pose le problème de savoir ce que révèle l’apparition de la conscience de soi du point de vue théorique, mais aussi du point de vue pratique.
Le premier moment de ce texte est consacré à l’analyse du pouvoir de dire Je: la conscience de soi constitue le privilège qui fait de l’être humain une personne ayant dignité et une valeur absolue, par opposition à tous les autres êtres qui ne sont que des choses.
Pour Kant, le pouvoir de dire Je manifeste un véritable privilège pour tout être humain: « Posséder le Je dans sa représentation », c’est être en mesure d’opérer un retour sur soi-même pour s’appréhender comme un être unique et identique à soi-même dans le temps, autrement dit accéder à la conscience de soi. Il s’agit là d’une capacité proprement humaine. En effet, une représentation est la présence en nous de quelque chose qui existerait hors de nous. Par ses sens, l’homme, aussi bien que l’animal, a des représentations. Mais l’homme est le sujet de ses représentations: il les identifie comme étant les siennes, ou plutôt il sait qu’elles sont les siennes et qu’elles ne doivent pas être confondues avec le monde extérieur auquel elles renvoient. Le Je est « dans » la représentation: il assure l’unité ou, pour le dire dans le langage de Kant, la synthèse de la diversité de ses composants (sensibles par exemple) en même temps qu’il fait de l’homme le sujet (le principe et l’agent) de cette unité. Kant fait ici du Je un substantif et même un nom propre afin de désigner le sujet capable de synthétiser en une totalité le divers de la sensibilité dans la représentation, d’appréhender aussi bien ce qui se passe à l’intérieur la conscience (ses propres états de conscience successifs) que ce qui lui est extérieur (les sensations), c’est-à-dire ce que Kant appelle le Je transcendantal qui ne dépend pas de l’expérience mais en est une condition, la rend possible. Seul l’homme peut dire Je, c’est-à-dire se prendre soi-même comme objet de pensée et se représenter le monde extérieur qu’il saisit par l’intermédiaire de ses sens. C’est, souligne Kant, un pouvoir qui « élève l’homme infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre». En effet, par ce retour de la conscience sur elle-même, l’homme a la possibilité de transcender l’ordre naturel auquel il appartient en tant qu’être empirique: la condition transcende ce qu’elle rend possible car le Je est à la fois transcendant, c’est-à-dire supérieur aux choses, et transcendantal, c’est-à-dire indépendant de l’expérience. Tous les autres êtres vivants, c’est-à-dire les animaux, en disposent pas de cette conscience de soi car ils n’ont pas de raison et cette différence donne à l’homme un caractère « infiniment » supérieur: il en reçoit une valeur absolue. La précision « sur la terre » en fin de phrase apparaît comme une allusion à Dieu, être absolument transcendantal, dont on peut cependant rien connaître. C’est pourquoi Kant limite son discours à l’étude des êtres naturels.
Kant précise ensuite ce que signifie ce privilège par lequel l’homme transcende son appartenance à la nature: « par là, il est une personne ». Les autres êtres ne sont que des « choses », c’est-à-dire de simples objets qui ont une valeur relative, c’est-à-dire qui dépend de l’usage qu’on en fait, et qui peuvent être utilisées comme simple moyen: par exemple, un cheval aura de la valeur dans la mesure où il sera capable de courir vite ou de tirer un lourd chariot. Au contraire, l’homme constitue une fin en soi: il est une personne, c’est-à-dire un sujet moral, capable de se déterminer pour le bien indépendamment de la considération de ses propres intérêts, c’est-à-dire responsable et, en tant que tel, possédant une dignité, une valeur absolue l’homme a sa valeur en lui-même, en tant qu’il est un être humain, sa valeur ne dépend de rien d’autre): « et grâce à l’unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c’est-à-dire un être entièrement différent par le rang et la dignité, de choses comme le sont les animaux sans raison, dont on peut disposer à sa guise ». L’argument de Kant se dédouble ici: d’une part, le Je est un sujet logique, mais, d’autre part, il est aussi un sujet moral et juridique. En effet, l’homme est une conscience de soi qui subsiste par-delà le divers des représentations, qui en assure l’unité (« une seule ») par-delà la pluralité des expériences et l’identité (« une même ») en dépit des changements qui lui arrivent. L’unité de la conscience assure l’identité de la personne à travers le temps. Or c’est dans la mesure où il est conscience de soi et ce faisant sujet logique, sujet des connaissances, que l’homme est aussi sujet moral. En tant que sujet logique, l’homme occupe dans l’univers le premier rang. Mieux, il est hors rang puisqu’aucune des représentations ne peut être ramenée à ce qui en est la condition. La conscience de soi a ainsi le statut de « principe ». En tant que sujet moral, l’homme ne se soumet qu’aux lois dont il est législateur, parce qu’elles sont fondées en raison. La conscience de soi émancipe l’homme des lois de la nature, et c’est cette émancipation qui fait la dignité de la personne. Seul un être, ayant conscience d’être un et identique par-delà la multiplicité de ses états de conscience internes et des expériences vécues, peut être un sujet ayant des droits et des devoirs. En effet la personne désigne l’individu humain en tant qu’il est à la fois unique et universel. Tout homme peut dire « je », c’est-à-dire synthétiser la diversité sensible et il doit reconnaître tous les autres qui peuvent dire « je » comme ayant la même valeur absolue. La personne est ainsi donc à la fois un concept juridique qui désigne un sujet reconnu par le droit comme acteur libre (ayant des droits) et responsable (ayant des devoirs), et une concept moral qui désigne le sujet en tant qu’il a des devoirs de vertu, qu’il doit obéir à la loi morale, en particulier de respecter l’humanité en sa personne et en celle d’autrui, c’est-à-dire ne jamais se considérer lui-même et les autres comme de simples moyens. Ce qui fait la dignité de la personne, c’est qu’elle est en elle-même une fin et ne peut jamais être utilisée comme un moyen parce qu’il possède la raison, faculté de penser mais aussi de distinguer le bien et le mal, qui fait la différence entre l’homme et l’animal.
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