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Fable le loup et l’agneau - Jean de La Fontaine : Dissertation La harangue du loup est-elle convaincante ?

Dissertation : Fable le loup et l’agneau - Jean de La Fontaine : Dissertation La harangue du loup est-elle convaincante ?. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  11 Septembre 2021  •  Dissertation  •  3 478 Mots (14 Pages)  •  840 Vues

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Fable le loup et l’agneau - Jean de La Fontaine : Dissertation

 La harangue du loup est-elle convaincante ?

      La littérature est un moyen de donner la parole aux plus faibles, afin de les défendre contre les injustices. C’est ce que fait Jean de La Fontaine avec le texte qui nous est donné à étudier.  Poète et auteur de contes, La Fontaine est surtout célèbre pour ses Fables.

Dixième pièce du premier livre, « Le Loup et l’Agneau » est inspirée d’Ésope. Un prédateur y rencontre sa proie et cherche à légitimer le châtiment qu’il s’apprête à lui infliger.

 Une harangue, en grec φιλιππικός, est un discours fait selon des règles, selon un protocole et dont on attend un résultat. 

« L'homme de génie s'inquiète peu des diatribes, des harangues et des clameurs de ses ennemis ; il sait qu'il aura la parole après eux. »Victor Hugo - Faits et croyances.

Dans ce discours, la harangue du loup est elle convaincante ?

Pour répondre a cette question nous allons guidé notre réflexion dans plusieurs grands axes :Nous nous interrogerons en premier lieu sur la dimension tragique de la fable. Puis nous examinerons la stratégie argumentative du loup, avant d’analyser celle de l’agneau dans un troisième temps et  nous conclurons.

I/ Le discours argumentatif du fabuliste :

     a) Un enseignement ou la démonstration d’une vérité générale:

  • L’intention du fabuliste est rapidement affirmée, le verbe «montrer» est explicite, v.2  : il veut démontrer, prouver d’une manière évidente et convaincante la validité de sa thèse. L’enjeu didactique de la fable est ainsi clairement énoncée, cela répond aux attentes du public classique du XVIIè siècle.
  • Il s’agit du fabuliste qui s’exprime en personne comme le montre l’emploi du pronom personnel de la première personne « nous » v. 2, « nous l’allons montrer tout à l’heure » qui renvoie à La Fontaine et tous les moralistes dont il est. Le fabuliste endosse en effet ici la fonction du moraliste. Un moraliste propose des réflexions sur les mœurs, c’est-à-dire les usages et les coutumes humaines, les caractères et les façons de vivre — en somme, les actions et les comportements des hommes
  • La thèse est posée sans préliminaires dans le premier vers de la fable v. 1  « La raison du plus fort est toujours la meilleure ». Il s’agit d’un alexandrin parfaitement équilibré, avec une césure à l’hémistiche. Le rythme de ce vers tétramètre( c’est-à-dire construit sur quatre groupe de 3 syllabes chacun) renforce l’impression que la loi énoncée est irréfutable parce qu’elle est d’une vérité incontestable: personne ne peut  remettre en question ce qui se veut une évidence aux yeux du fabuliste. 
  • Le caractère incontestable de cette vérité est renforcé par l’adverbe « toujours ». Le caractère universel  de ce constat est également affirmé par l’emploi du présent de vérité générale.
  • La thèse est ainsi formulée sous la forme d’une maxime, phrase généralement courte, énonçant une vérité morale générale, un jugement d’ordre moral ou un principe de conduite. Elle est une réflexion morale puisqu’elle s’attache à définir des mœurs  , les comportements des hommes en société.
  • Pour convaincre le lecteur, le fabuliste utilise un raisonnement déductif, posant d’abord la thèse, une réflexion morale, qu’il va défendre, puis justifiant cette thèse par un exemple argumentatif, celui d’un récit fictif. Le récit animalier  vient appuyer (étayer) cette thèse. Cet exemple argumentatif  est donc bien un apologue, c’est-à-dire un récit fictif qui propose implicitement une réflexion morale ou philosophique.

     b) Un exemple argumentatif pour persuader le lecteur, celui d’un récit animalier:

  • Un cadre spatio-temporel champêtre : Il y a en effet un récit. Le cadre spatio-temporel de ce récit  est champêtre (bucolique): c’est un paysage poétique pastoral (de « pasteur », c’est-à-dire « berger », donc de la campagne). Le décor est réduit au minimum.  En effet, dans la fable, les deux animaux protagonistes sont d’abord présentés dans un milieu naturel, « dans le courant d’une onde pure», v. 4, plus suggéré que décrit par des détails pittoresques et à la fin de la fable, il est seulement fait mention des « forêts » où le Loup entraîne l’Agneau et qui pourraient figurer les coulisses où, loin du regard des spectateurs et par souci des bienséances, s’accomplissent les actions sanglantes dans les tragédies classiques: ce décor est un décor de théâtre, il n’est là qu’au service de la démonstration, dune vérité universelle. Cela est confirmé par l’absence d’indications temporelles: la vérité implicite qui se cache derrière le récit est vérifiable quelque soit l’époque, elle est atemporelle.
  • Deux personnages antithétiques:
  • Ce récit est un récit animalier. Ces personnages au nombre de deux sont des animaux: il s’agit du Loup et de l’Agneau. Ils n’ont pas de nom propre. Ils  sont désignés  par un nom commun déterminé par l’article défini « le » et dont la lettre initiale est une majuscule, tout confère à la généralisation, ce sont des archétypes : ils sont les représentants de leur espèce.  Cela donne à la fable une valeur universelle.
  • Le portrait de chacun des deux protagonistes est rappelé par des traits peu nombreux mais qui vont à l’essentiel toujours dans le souci de généraliser: pas de portrait détaillé encore une fois:
  • Le Loup est  qualifié de « bête cruelle » (v.18) par le fabuliste. Il est conduit par ses pulsions bestiales, celle de « la faim »,(v.6), il est « à jeun ». (v.5), une faim  qui « l’attire » au bord du ruisseau parce qu’il sait que les animaux assoiffés viennent s’abreuver régulièrement et qu’il a toutes les chances d’y trouver une proie: c’est un prédateur(v.6).C ‘est un animal sauvage et sanguinaire: il est le symbole de la force, du pouvoir tout puissant . Il a également des pulsions de violence comme le montre le champ lexical de la haine:il est « plein de rage »(v.8), en « colère » (v. 11), il a une attitude hargneuse. De plus, la position physique du loup qui domine l’agneau situé « plus de vingt pas  au-dessous »(v. 15)   traduit sa supériorité physique : il est le plus fort, le plus puissant
  • L’Agneau, lui, au contraire a une âme innocente, celle d’un nourrisson qui « tette encore» sa mère (v.19)  , il est très jeune, lui qui « n’étai(t) pas né » l’année précédente et il vit en compagnie des hommes, au milieu des « chiens » et des « bergers » (v.25): c’est un animal domestique, doux et inoffensif . Il représente l’opprimé, la victime. Il connote  l’innocence.
  • Des personnages anthropomorphes : Le Loup et l’agneau sont des personnages anthropomorphes: en effet, ils parlent comme des êtres humains, le langage est l’un  des traits qui caractérisent l’Homme. Ce sont leurs paroles qui  déterminent leur personnalité humaine et l’on retrouve la même opposition des deux caractères.

           

         1/ L’Agneau :

  •  Ainsi, à travers ses paroles, on comprend que l’agneau  est sincère et naïf : Il est  crédule (il croit tout ce qu’on lui dit), et par excès de simplicité, se laisse facilement tromper.  Le jeune âge de l’agneau explique sa naïveté et son inexpérience. Il prend au sérieux les reproches du loup et les discute avec bonne foi et naïveté : il ne sait pas que, dans une société partiale où les hommes  ne respectent pas  tous des principes d’équité (principe  d’égalité et de justice fondé sur l’ impartialité), c’est la violence qui prévaut (qui l’emporte) sur la justice et la raison. Il a la naïveté de croire que l’intelligence prime sur la force
  • C’est un être de bonne foi et de douceur qui s’exprime sur un ton respectueux, avec politesse, conscient des rapports hiérarchiques.  En effet,  il s’adresse au Loup avec l’humilité du sujet face à son Monarque : les titres de respect que l’on donnait aux rois et qu’il donne au Loup le montrent : «Sire», «Votre Majesté»(v.10).
  • Il est courageux: il avance chacun de ses arguments de façon très calme, sans laisser paraître de peur
  • Il est déterminé, et a le sens de la justice, il veut simplement défendre son droit à s’abreuver, un droit inaliénable, irréfutable
  • Il est intelligent: il raisonne logiquement sans se laisser guider par de quelconques émotions: il a une attitude socratique (fondé sur la Raison et le sens de la responsabilité. Socrate est un grand philosophe de l’Antiquité). C’est ce qui fait sa force.
  • Il s’exprime avec modération et de manière raisonnable:  L’agneau est le portrait de l’honnête homme du XVIIè siècle, c’est-à-dire de l’homme vertueux: il a une attitude simple,noble et courageuse, il est bien éduqué puisqu’il connaît en effet l’art du discours, celui du raisonnement, son éloquence le montre, son discours est mesuré, fondé sur le principe classique de la raison et de la rhétorique.

             2/ Le Loup :

  • A l’opposé, le discours du loup  est plein d’affirmations sans fondement : sa parole n’a aucun prix.
  • Ses paroles sont pleines de mépris, de dédain envers l’agneau qu’il tutoie: v. 7, 9, 18…. Il n’a donc aucune considération pour les autres, c’est un despote, il est autoritaire et juge d’emblée l’agneau inférieur.
  • Parfois il joint l’hypocrisie à la violence par le besoin naturel qu’ont presque tous les malfaiteurs de couvrir leur actes (peut-être à leurs propres yeux) d’un semblant de prétexte .
  • Il s’exprime avec brusquerie et avec rudesse, avec agressivité(vers 7,18,19,26): il a un ton péremptoire. .
  • La Fontaine représente, sous la figure du loup, un monarque , un tyran puisque l’Agneau s’adresse à lui en lui donnant un titre royal.
  • Il dépeint les bas instincts de l’homme sous les traits du loup. Le Loup se comporte en prédateur, soumis à ses instincts, à sa «faim» , à ses pulsions agressives et cruelles: son discours est plein de menaces «Tu seras châtié »

   

  • Une intrigue simple :
  • Une situation initiale : l’agneau se désaltère ;
  • Une première péripétie : arrivée du loup ;
  • Une deuxième péripétie : discussion du loup et de l’agneau: un duel verbal ;
  • Un dénouement : le loup dévore l’agneau .

On est frappé par la simplicité du schéma narratif

c) Une fable innovante et plaisante.

Ce récit est plein de vivacité, et d’une simplicité qui lui donne ce caractère agréable.

  • La sobriété et l’élégance font le génie de l’écriture de La Fontaine: aucun détail inutile, tout le nécessaire et rien que le nécessaire ;La simplicité va de pair avec le naturel : aucune phrase déclamatoire, au lyrisme excessif; pas de grands mots; chaque personnage dit ce qu’il doit dire et le dit de la manière la plus naturelle ;
  • La netteté et la clarté plaît: les idées s’enchaînent logiquement et rigoureusement .
  • Le charme est également créé par la versification. Il s’agit d’une fable de 29 vers où alternent une grande variété de type de vers:
  • un quadrisyllabe
  • des heptasyllabes qui traduisent la rage du loup
  • des octosyllabes
  • des décasyllabes
  • des alexandrins quand les personnages raisonnent.
  • et toutes les possibilité de disposition des rimes (plates, embrassées, croisées). Ce style varié et dynamique est caractéristique de La Fontaine qui travaille pour une poésie naturelle et il accompagne une histoire vivante

II/ Le procès inéquitable de l’Agneau: une moralité qui n’est pas morale :

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