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ETUDE DE LA LETTRE A MENECEE - EPICURE

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Par   •  15 Juin 2016  •  Commentaire de texte  •  4 819 Mots (20 Pages)  •  8 867 Vues

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ÉTUDE DE LA LETTRE À MÉNÉCÉE – EPICURE

La lettre est adressée à Ménécée, un disciple d’Epicure. Mais dés la première phrase, le ton est universel puisque les premiers mots d’Epicure concernent autant « les jeunes » que « les vieux ». Par delà l’individu singulier, c’est l’humanité toute entière que visent les propos d’Epicure. La lettre est un des modes de discours que dans l’Antiquité le philosophe utilisait pour orienter le débutant vers le mode de vie préconisé. Elle constitue, comme cela est explicitement dit dans la lettre à Hérodote une sorte de résumé de la théorie qui s’adresse à la fois à un public pressé, qui ne peut pas entrer dans le détail de la doctrine exposé dans les traités et qui par la lettre dispose des dogmes fondamentaux ; et à un public avancé qui doit toujours se remémorer ces principes. La lettre est donc chez Epicure directement liée à des préoccupations pédagogiques, car sa philosophie est essentiellement pratique d’un mode de vie, comme souvent dans l’Antiquité où les « exercices de méditation et de mémorisation n’étaient pas des opérations purement intellectuelles, mais visaient à transformer les enseignements philosophiques en un habitus éthique (de habeo qui signifie avoir : habitude qui se transforme en être, en nature)  et à provoquer une transformation intérieure » (I. Hadot, Epicure et l’enseignement philosophique hellénistique et romain). Il y a ainsi une dimension exhortative de la Lettre à Ménécée : le lecteur se sent impliqué, le discours est plus vivant, convaincant.

1. Quand faut-il philosopher ? Y a-t-il un âge plus favorable qu’un autre à la philosophie ? voir aussi explication pp.109 à 111

Le problème abordé aux premières lignes de La lettre à Ménécée est celui de savoir quand il faut philosopher, s’il y a, dans l'existence, un âge propice à la philosophie.

Ce problème a déjà été traité par Platon, notamment dans le Gorgias. Dans ce dialogue, Socrate s’oppose au sophiste Calliclès. Pour ce dernier, la philosophie n'est bonne que pour les jeunes esprits. Elle doit ensuite être abandonnée au profit d'activités plus utiles et dignes de l'homme mûr (la politique, le service de l'état). Pour Socrate au contraire, la philosophie est une discipline à laquelle il n'est possible de se livrer qu'après une longue et lente initiation dont elle est le couronnement. Il faut par l'étude des autres sciences (les mathématiques, par exemple) se préparer à la philosophie qui n'apporte le bonheur qu'après une longue pratique. Seul l'homme mûr peut donc jouir pleinement de la philosophie.

Épicure s’oppose à la fois à Calliclès et à Socrate. D’après lui, il faut toujours philosopher « car jamais il n’est trop tôt ou trop tard pour travailler à la santé de l’âme ». Ici, Epicure associe donc la philosophie à une thérapie de l’esprit, un remède de l’âme, présupposant donc que nous serions  spirituellement malades. En effet, tous les hommes recherchent le bonheur, et pourtant bien peu se disent heureux. C’est cette état spirituel que le quadruple remède d’Epicure prétend guérir. La phrase suivante associe philosophie et bonheur. La philosophie n'est pas un simple moyen distinct du bonheur qui permettrait de l'atteindre, elle est en elle-même source de bonheur.

C'est pourquoi il faut philosopher à tout âge, c'est par un exercice continu de la philosophie que l'on jouit du bonheur. Le bonheur n'est pas seulement le fruit de la connaissance, mais ce qui accompagne sans cesse la recherche de la connaissance (cf. Sentences vaticanes N° 27, p. 116)

Il n'y a donc pas un temps pour philosopher et un temps pour être heureux, mais au contraire les deux sont inséparables. La philosophie rend immédiatement heureux car elle possède en elle-même le bonheur qu'elle poursuit. La joie qu'elle nous procure est celle du passage de la maladie à la santé. Chaque méditation accroît et entretient notre sagesse donc notre bonheur. C’est en cela qu’elle est une thérapeutique, un remède source de guérison qu’il ne faut pas tarder à appliquer.

Le vieillard doit philosopher pour cultiver par la mémoire le bonheur acquis au cours de son existence (réminiscence affective –pour une critique voir Dante p.110). Le jeune homme doit philosopher pour accroître et affermir son aptitude à être heureux et pour ne pas craindre l'avenir.

NB : Il s'agit de deux bonheurs distincts et de qualité différente (cf. Sentences vaticanes N° 17)

Le but de la philosophie n'est pas la science pure, mais le bonheur individuel de l'homme avant celui de la collectivité, contrairement à ce que pense, par exemple, Platon. La société doit être la moins organisée possible, chaque individu est un atome de bonheur, la société ne doit pas écraser l'individu.

Epicure en tire une conclusion : il est nécessaire de réfléchir sur les causes du bonheur qui est la finalité de toute action humaine. Philosopher, c'est rechercher en toutes circonstances les causes du bonheur qui est le seul bien valable en ce monde, le Souverain Bien (à définir) qui donne sens à notre existence.

Ensuite Epicure émet des remarques d’ordre pédagogiques qui montrent (comme l’adresse de cette lettre à son disciple Ménécée – voir intro) que sa philosophie est avant tout pratique. Elle vise la transformation de l’individu par une méditation, c’est-à-dire un exercice de l’esprit. La méditation est mémorisation et assimilation des dogmes fondamentaux et des règles de vie de l’école, afin de les « avoir sous la main » pour se conduire en philosophe dans toutes les circonstances de la vie. Ici il s’agit des principes présentés comme nécessaires pour bien vivre et qui correspondent à ce qu’on appelle le quadruple remède (tétrapharmakos). On entrevoit ce qui constitue notre mal : la crainte (des dieux, de la mort) et l’ignorance (de ce que sont les dieux, la mort, les désirs, la douleur, le bonheur).

Le premier de ces principes consiste à ne pas craindre les dieux (2° et 3°§), le deuxième à ne pas craindre la mort (3°et 4°§), le troisième à limiter nos désirs et à endurer la douleur (5°§, §127 à 130), le quatrième à savoir que l’on peut atteindre le bonheur (5°§, § 130 à 132).

2. Premier remède pour être heureux : ne pas craindre les dieux (2° et 3°§, 123-124)

voir aussi explication pp.106 à 109

Epicure en appelle à la prénotion commune (cf. déf. p.141 et explication p.107) d’un être divin comme immortel et bienheureux. Dans cette perspective les dieux fournissent le modèle du bonheur. Il faut tenter de les imiter. C’est l’évidence de la connaissance des dieux (par intuition) qui garantit leur existence. On peut comparer cette preuve avec celle que donnera des siècles plus tard Descartes (à développer).

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