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Alain vigiles de l'esprit, voir ou penser les hypothèses en rationaliste cartésien.

Commentaire de texte : Alain vigiles de l'esprit, voir ou penser les hypothèses en rationaliste cartésien.. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  5 Novembre 2022  •  Commentaire de texte  •  2 620 Mots (11 Pages)  •  411 Vues

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Expliquez le texte suivant :

      «  Il faut toujours remonter de l’apparence à la chose ; il n’y a point au monde de lunette ni d’observatoire d'où l’on voit autre chose que des apparences. La perception droite, ou, si l’on veut, la science, consiste à se faire une idée exacte de la chose, d’après laquelle idée on pourra expliquer toutes les apparences. Par exemple, on peut penser le soleil à deux cents pas en l’air ; on expliquera ainsi qu’il passe au-dessus des arbres et de la colline ; mais on n’expliquera pas bien que les ombres soient toutes parallèles ; on expliquera encore moins que le soleil se couche au-delà des objets les plus lointains ; on n’expliquera nullement comment deux visées vers le centre du soleil, aux deux extrémités d’une base de cent mètres, soient comme parallèles. Et, en suivant cette idée, on en arrive peu à peu à reculer le soleil, d’abord au-delà de la lune, et ensuite bien loin au-delà de la lune, d’où l’on conclura que le soleil est fort gros. Je ne vois point que le soleil est bien plus gros que la terre ; mais je pense qu’il est ainsi. Il n’y a point d’instrument qui me fera voir cette pensée comme vraie.

      Cette remarque assez simple mettrait sans doute un peu d’ordre dans ces discussions que l’on peut lire partout sur la valeur des hypothèses scientifique. Car ceux qui se sont instruits trop vite, et qui n’ont jamais réfléchi sur des exemples simples, voudraient qu’on leur montre la vérité comme on voit la lune grossie dans une lunette. »

     Alain, Vigiles de l’esprit (1942) : texte extrait d’un propos intitulé obscurités de l’expérience(  24/02/1922).

 La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

                                                         

                                       Voir, percevoir et observer sont des termes de la famille du constat simple et évident, de l’ordre du fait qui est un fait, comme il se dit souvent et qui, tous, ensemble, présents dans ce texte nous rappellent que les hommes attendent souvent dans un réalisme ou en empirisme naïf, « qu’on leur montre la lune dans une lunette astronomique », et qu’on leur dise, ceci est la vérité. Voilà ce que l’auteur, ici aimerait réduire à l’absurde en  accentuant progressivement la négation, degrés par degrés, « ne pas » ligne5 ; « encore moins » ligne 6, « nullement » ligne 7 ; apagogique travail sur un même exemple d’où doit ressortir la confirmation de l’assertion initiale, à savoir que la pensée existe d’emblée comme rupture avec les apparences immédiates de la perception naïve ou spontanée ; et donc que la « perception droite » qui est à l’œuvre dans les « hypothèses scientifiques » vérifiées, n’est vérifiée que lorsqu’on pense et non lorsqu’on voit. Alain pense, ici, de plus qu’il faut réfléchir d’abord sur des exemples simples, plutôt que sur de la trop rapide instruction. Il semble donc, qu’après avoir, réfuté un empirisme réducteur de la pensée, l’auteur s’en prenne, à la pensée complexe des sciences non cartésiennes, et surtout à l’épistémologie non cartésienne de Bachelard qui reprocherait à Alain de  prendre des exemples qui sont de l’ordre de l ‘ « âme professorale »,  et non de l’ordre de l’« âme en mal d’abstraire », selon la terminologie de l’introduction de La formation de l’esprit scientifique . Alors, jusqu’où devons nous penser que la raison apprenne à se former et comment former la raison ? N’est-ce pas, d’ailleurs la réintroduction d’un autre sens de l’expérience, comme formation de soi-même ou culture ? Ici, ne faut –il pas se demander si le fait que dans l’usage des instruments, il y ait quelque chose d’irréductible à la perception dans l’expérimentation scientifique et qui s’appelle le passage par l’histoire, la technique et le travail du laboratoire, et non la sensation du voir sur une tabula rasa pérenne ne doit –il pas poser problème à cette didactique là qui voudrait tout reconstruire le savoir s’éprouvant en son autonomie Kanto-cartésienne, même dans un socius  de la conversation jouée considérée sub specie aeternitatis ? Ne faut-il pas avec Bachelard, Marx et Hegel aussi défendre le dynamisme de l’arrachement abstrait, plutôt que la ré-appropriation naturalisante et psychologisante, toujours au fond pérenne et radicale, en ses surdéteminations?

                  Mais, nous avons oublié de souligner, d’entrée la provocante contradiction d’où part l’auteur. D’abord, « il faut remonter des apparences aux choses » et immédiatement « il n’y a point d’observatoire d’où on voit autre chose que des apparences » qui dit donc rigoureusement le contraire puis qu’ on ne fait que remonter des apparences aux apparences. Dans ce travail philosophique sur la connaissance, il y a en même temps la naissance grecque et son ambition de sortir de la caverne et de s’élever à la « chose en soi » que serait l’idée de la chose, à savoir par exemple sa composition en élément, ou en en atome ; voire, au contraire, en nombre ou en chiffre, si on suit un Pythagore ou en signes si on suit une sorte de Berkeley ; on voit donc bien que ces « choses » sont en philosophie (ou spéculation )encore des idées ; d’où l’acquis de la modernité que Alain met en débat, à savoir qu’on ne saurait voir et expérimenter que des apparences lorsqu’on s’en tient à l’observation en lunette, alors qu’il s’agit de mettre en valeur le travail interprétant ou au moins d’entendement et de compréhension de la raison ou du moins plus généralement de la pensée. Mais, alors cette généralité, prise dans un vocabulaire simple ( clair et distinct ) exprime-t-elle autre chose qu’une immédiate identité apparente entre la perception et la connaissance intelligente ?

            En effet le deuxième moment du texte conçoit, en même temps, « la perception droite » et le travail de la « science » qui repose une « idée exacte ». Il y a là une juxtaposition qui relève presque grammaticalement du glissement de sens où l’histoire est éludée. L’auteur parle de perception droite comme on parle d’opinion droite dans le Théétète de Platon puis de science comme on en parle depuis Galilée, enfin d’Idée comme on en parle et chez Platon et chez Kant ou l’idéalisme allemand, mais accompagné du mot « exact » comme on en parle dans le positivisme de comte et de Cournot et s’il le faut, du ministère de la parole politiquement  correcte dans les pays anglo-saxon ! A la juxtaposition signifiante rhétoriquement de l’auteur, nous voulons souligner  ses ellipses, en y opposant une juxtaposition historique qui n’est pas celle d’une familiarité de l’auteur avec ces philosophies (seulement quoique ce soit le cas)  mais de ce que signifie de problème l’articulation de perception droite et exacte avec l’idée de science pour le débat du rationalisme et de l’empirisme ; à savoir que la logique du connaître serait en sa langue et en ses catégories, non  éternelle ou crée, mais tout de même a priori ou innée,  et donc de manière trans-historique la même. Certes, Alain conçoit que la pensée fusse-t-elle une perception ne provient ou ne commence pas toute avec l’expérience, mais qu’elle dérive aussi selon l’expression de Kant, de l’entendement, et en cela il refuse de considérer que voir est un acte premier vrai et où il n’y a plus qu’à se soumettre à l’évidence de la sensation ou à l’autorité irréfléchie et trompeuse de la première vision ; en cela il reprend les arguments rationalistes contre la sensibilité immédiate, répété par les penseurs depuis les sophistes même, Protagoras et Gorgias, jusqu’à Hume et son scepticisme à l’égard des sens, en passant par les critiques rationalistes classiques de Descartes ou Spinoza,  sur le soleil à l’horizon ou encore le mouvement de la lune et sa grandeur, opposées en apparence au culte de l’expérience chez Bacon et son novum organum ou l’introduction de la méthode expérimentale par Galilée. Mais, justement comme l’auteur ne veut pas que les exemples pédagogiques ou les expériences soient prises dans l’évidence de l’immédiateté irréfléchie, il montre comment il faudrait raisonner devant la première vision du soleil passant « à cent pas », pour construire une perception droite.

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