Voltaire, Traité sur la Tolérance, prière à Dieu, chapitre XXIII
Commentaire de texte : Voltaire, Traité sur la Tolérance, prière à Dieu, chapitre XXIII. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Djamila Zouba • 10 Février 2017 • Commentaire de texte • 1 829 Mots (8 Pages) • 1 960 Vues
Prière à Dieu
Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps : s’il est permis à de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers, d’oser te demander quelque chose, à toi qui a tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supporte ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; qu’il soit égal de t’adorer dans un jargon formé d’une ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont l’habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d’un petit tas de boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis d’un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu’ils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni envier, ni de quoi s’enorgueillir.
Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l’industrie paisible ! Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu'à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant.
Voltaire, Traité sur la tolérance, Chapitre XXIII
• L’introduction :
Le « Traité sur la tolérance » a été écrit à propos de l'affaire Calas. C’est l’affaire d’un jeune homme, Marc Antoine Calas, qui a été retrouvé pendu chez lui, et on a accusé son père, Jean Calas, un protestant, d'avoir assassiné son fils, pour l'empêcher de devenir catholique. Jean Calas a été condamné au supplice de la roue (écartelé et Voltaire a décidé de reprendre toute l'enquête car il était convaincu qu'il était innocent). Au bout de 3 ans d'enquête, d'effort, on a réhabilité Jean Calas. Donc Voltaire a voulu dénoncer les fanatismes religieux, pour plaider la cause des protestants et de toutes les autres religions.
A l'occasion de la mort de Jean Calas, François Marie Arouet dit Voltaire, grand philosophe de XVIIIème siècle, auteur, entre autres, de contes philosophiques, publie le Traité sur la tolérance en 1763. La « Prière à Dieu », est le chapitre XXIII de cette œuvre , il ouvre une réflexion sur la religion et les fanatismes. Dans notre extrait, Voltaire remet essentiellement en cause les différentes formes d'intolérance religieuse à travers la forme d'une prière ; cette prière, apparemment adressée à Dieu est, en réalité, un appel pathétique aux hommes, un appel à la tolérance et à la fraternité.
[Problématique] quel statut littéraire donné à cette prière du déiste voltaire à la fin du traité ?
Dans un premier, nous allons voir que cet extrait à la forme d’une prière de demande adressée à Dieu, dans un second temps, nous allons voir que cette prière est enfaite adressée aux hommes, et enfin nous allons voir comment Voltaire met en avant sa vision déiste dans ce chapitre .
• Analyse
I- La forme d’une prière
La prière est un acte codifié ou non, collectif ou individuel, par lequel une requête est adressée à Dieu
Le titre d’abord, puis la forme adoptée font que le texte se présente comme une prière adressée à Dieu. L’adresse de la prière à Dieu « c'est à toi, Dieu ».
Dieu est interpelé à la deuxième personne du singulier « à toi » ; « tu » ; « devant toi » ; « t’aimer » ; « tu sais ».
Voltaire insiste sur les qualités de Dieu pour nous montrer l’infériorité des hommes par rapport à Dieu. Dieu est caractérisé par son universalité : « Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps » (Ligne 1), sa générosité absolue : « à toi qui a tout donné » (Ligne 3), sa puissance et son éternité : « dont les décrets sont immuables comme éternels » (Lignes 4 et 5), sa bonté : « ta bonté
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