Texte bac n°2 bilan : « Femmes, soyez soumises à vos maris », VOLTAIRE.
Fiche de lecture : Texte bac n°2 bilan : « Femmes, soyez soumises à vos maris », VOLTAIRE.. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Mathieu Messafer • 14 Octobre 2017 • Fiche de lecture • 2 232 Mots (9 Pages) • 3 707 Vues
Texte bac n°2 bilan : « Femmes, soyez soumises à vos maris », VOLTAIRE.
Introduction :
Voltaire, philosophe des Lumières, s’est trouvé sur tous les fronts de la contestation (intolérance religieuse, torture, guerre, esclavage). Tant dans ses contes philosophiques comme Candide (argumentation indirecte) que dans ses essais comme son Traité sur la Tolérance (argumentation directe), il ne cesse de faire de la littérature une arme au service de la diffusion de ses idées éclairées. Dans l’extrait de « Femmes, soyez soumises à vos maris » que nous allons étudier, il aborde la question de l’inégalité des femmes vis-à-vis des hommes et de la dépendance des femmes à l’égard de leurs maris. L’extrait proposé rapporte le dialogue entre un abbé et une femme de l’aristocratie, la Maréchale de Grancey, en colère contre une phrase qu’elle a lue dans les Epîtres de Saint- Paul : « Femmes, soyez soumises à vos maris ». Elle expose sa propre vision de la femme et blâme les hommes qui bénéficient d’une prétendue supériorité. Dans un langage vif et libéré, elle n’hésite pas à choquer et à user des registres polémique et satirique pour mieux persuader son interlocuteur et le lecteur.
Une femme de caractère, au langage vif et libéré
- Une parole vive :
- Rafale de questions qui ne laissent pas le temps à l’abbé de réagir (l.15 à 20).
- De nombreuses exclamations et interjections qui traduisent son indignation à l’égard de la condition réservée aux femmes (« Mais voilà une plaisante raison pour que j’aie un maître. Quoi ! parce qu’un homme a le menton…. » l.25-27)
- Emploi d’un langage très imagé qui fait surgir de véritables tableaux dans l’esprit de l’interlocuteur.
1/ Dans la description des hommes : elle évoque un « menton couvert d’un vilain poil rude », qu’il faut « tondre de fort près » : elle focalise sur un détail physique, qu’elle caricature (voir les deux adjectifs négatifs « vilain » et « rude »). Elle a l’art de croquer les gens.
2/ Dans la description de la princesse allemande : la multiplication des verbes d’actions et l’emploi des pluriels laisse imaginer un mouvement incessant, une activité intense.
- Elle insère dans ses arguments des conversations imaginaires (par exemple : « Sans qu’on vienne me dire encore : Obéissez », à la ligne 20).
- Une parole libérée :
La Maréchale dit tout ce qu’elle pense, sans se soucier des convenances et du savoir- vivre. Elle apparaît comme une femme de caractère.
- Elle n’hésite pas à évoquer les réalités crues de la vie, sans chercher à les embellir. Elle parle ainsi de la grossesse comme d’une « maladie de neuf mois qui est quelquefois mortelle », elle évoque aussi l’accouchement (« mettre au jour avec de très grandes douleurs un enfant ») puis elle termine en parlant des règles (« des incommodités très désagréables »). Elle présente de plus les particularités physiologiques des femmes comme des inconvénients (voir les champs lexicaux de la maladie et de la souffrance). Cette évocation du corps de la femme et de ses réalités physiologiques (même à travers des périphrases) est particulièrement osé pour l’époque, surtout face à un homme d’église !
- Elle peut se montrer très irrespectueuse face à un homme d’église. Elle se moque ainsi de Saint Paul avec des termes qui connotent tout le mépris : « j’ai jeté son livre », elle le déclare « très impoli », suggère qu’il est « très difficile à vivre » (elle en fait donc le blâme). Elle ajoute avec ironie : « je lui aurais fait voir du pays ». Grande liberté de ton d’une femme qui n’hésite pas à se moquer d’un texte religieux. Et à remettre en cause les paroles d’un saint qu’elle rabaisse au rang d’un « homme très difficile à vivre » (l.9)
- Ce langage est à l’image de sa vie. La maréchale est une femme libre. Elle fait allusion à ses amants, certes par périphrase, mais n’oublions pas qu’elle parle à un abbé : « Nous nous promîmes d’être fidèles : je n’ai pas trop tenu ma parole, ni lui la sienne » (lignes 14-15). On remarque au passage qu’elle accepte les infidélités de son mari. La seule règle de conduite qui lui semble valable est donc la liberté : elle refuse toute servitude, toute dépendance, comme le montre la question rhétorique de la ligne 15 et l’emploi du terme « esclaves », très fort pour qualifier le sort des femmes (elle veut provoquer l’indignation).
Une femme des Lumières qui cherche à convaincre
La Maréchale apparaît dans ce texte comme un porte-parole de Voltaire. Elle remet en cause les idées reçues sur la prétendue infériorité de la femme, idée largement soutenue par l’Eglise, et tente de convaincre son interlocuteur en avançant plusieurs types d’arguments.
- Elle adopte un raisonnement de type inductif.
☞ Dans tout le texte, elle adopte un mouvement qui va alternativement du JE (elle s’appuie sur sa propre expérience) à des termes qui désignent l’ensemble des femmes (« nous » l.22, 23, 35, « les nôtres » l.28).
Exemple pour les lignes 9 à 24 .
Elle part d’un exemple précis : la femme de saint Paul (« Etait-il marié ? »).
Puis elle se met en situation et formule une hypothèse, comme le montre le conditionnel : « Si j’avais été la femme d’un pareil homme » (ligne 11).
Puis elle raisonne par comparaison avec sa propre expérience : « quand j’épousai M. de Grancey » (+ relever les marques de la première personne).
Enfin, elle généralise ce premier mouvement par le biais d’expressions globalisantes/ génériques : « nous », « la nature » (ligne 22), « pour une femme de qualité » (ligne 19).
Elle utilise ce même mouvement pendulaire entre le « je » et la généralisation dans toute la suite de l’extrait.
Cela lui permet d’être plus convaincante, car elle s’appuie sur son expérience, qui lui sert à analyser la condition féminine dans son ensemble.
- Elle reprend méthodiquement les thèses en faveur de l’infériorité des femmes pour en montrer les limites, voire leur absurdité.
Premier argument qu’elle conteste : les femmes doivent dépendre de leurs maris (voir le champ lexical de la servitude : « soumises », « esclaves »,…).
- La maréchale rappelle d’abord les inconvénients d’être femme, en les renforçant par l’emploi des champs lexicaux de la souffrance et de la maladie. Si elles devaient en plus « Obéir », ce serait un inconvénient supplémentaire et intolérable.
- Elle utilise ensuite un argument se référant à la nature : la différence entre les deux sexes ne repose pas sur une hiérarchie naturelle, mais sur une complémentarité. Elle dit explicitement que la femme est aussi nécessaire à l’homme que l’homme est nécessaire à la femme. Les mots qu’elle emploie insistent sur cette idée de complémentarité : « nécessaire », « union », mais aussi les pronoms réfléchis réciproques (« les uns aux autres »). C’est une manière pour elle de montrer que l’égalité entre les hommes et les femmes est naturelle. L’inégalité supposée relèverait donc de l’acquis.
Deuxième argument qu’elle conteste : les hommes sont supérieurs aux femmes.
- Elle commence par reprendre la phrase de Molière, mais sans la contextualiser (dans l’Ecole des Femmes, c’est Arnolphe qui prononce cette phrase ; or il est constamment ridiculisé par Molière à cause de ses idées rétrogrades sur l’éducation des filles). Cela lui permet en tout cas de montrer sa culture et de préparer son offensive suivante en faveur de l’intelligence des femmes.
- Elle tourne cette idée de la supériorité masculine en ridicule (registre satirique), en disant qu’elle ne leur vient que de leur force physique : lignes 25-29 (« J’ai bien peur que ce soit là l’origine de leur supériorité » = ironie)
Troisième argument qu’elle conteste : les hommes sont plus intelligents que les femmes, donc davantage capables de gouverner.
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