Soldat peaceful

Soldat peaceful

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Pendant un instant, je me crois mort. Tout est silencieux, irréel. Un orage muet d’obus fait rage autour de moi. Devant mes yeux, nous sommes fauchés par le feu, désintégrés, anéantis. Je vois de hommes crier, mais je n’entends rien. C’est comme si je n’étais pas là, comme si cette horreur ne pouvait m’atteindre.

Ils reculent vers moi, à présent. Je ne vois pas Charlie parmi eux. Le lieutenant m’attrape et me relève. Il me crie quelque chose, puis il me fait faire demi-tour, me pousse vers nos tranchées. J’essaie de courir avec les autres, de ne pas me laisser distancer. Mais j’ai des jambes de plomb, qui ne veulent pas courir. Le lieutenant reste avec moi, me presse d’avancer, nous presse tous C’est un brave homme. Il est juste là, à côté de moi, quand il est touché. Il tombe à genoux et meurt en me regardant. Je vois la lumière s’éteindre dans ses yeux. Il s’écroule, la tête en avant. Je ne sais pas comment j’arrive à rentrer à la tranchée après ça, mais j’y arrive. Je me retrouve recroquevillé dans un coin de l’abri, un abri à moitié vide. Charlie n’est pas là. Il n’est pas revenu.

Enfin, je recommence à entendre, même si je perçois surtout le bourdonnement que j’ai dans la tête. Pete a des nouvelles de Charlie. Il dit qu’il est sûr de l’avoir vu revenir des tranchée allemandes, en boitant, et en s’appuyant sur son fusil comme sur une canne, mais qu’il allait bien. Cela me donne un fragile espoir, mais cet espoir s’amenuise au fur et à mesure que les heures passent. Etendu là, je revois toutes ces horreurs en détail. Je revois le regard hébété du lieutenant qui tombe à genoux en essayant de me dire quelque chose. Je revois un millier de hurlement. Pour chasser ces visions, je me raconte toute sortes d’histoires rassurantes à propos de Charlie : il s’est peut-être abrité dans un cratère d’obus, il attend que les nuages masquent la lune pour en sortir, puis ramper jusqu’à la tranchée. Il s’est perdu, a atterri un peu plus loin sur le front, dans un régiment, il attend le matin pour venir nous retrouver – cela se produit souvent les pensées qui se bousculent dans ma tête m’empêche de me reposer. Il n’y a pas d’obus pour les interrompre.

Dehors, le monde est retombé dans le silence. Les deux armées gisent, épuisées, dans leur tranchées, saignées à mort.

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