Rire et Savoir / Rabelais
Dissertation : Rire et Savoir / Rabelais. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Léane DAUGERON • 2 Janvier 2022 • Dissertation • 1 946 Mots (8 Pages) • 10 256 Vues
Daugeron Léane 1G4
Dissertation Rabelais
Français
Au XVIe siècle, des auteurs comme Rabelais révolutionnent l’écriture en y ajoutant du savoir, afin d’instruire les hommes. Cette volonté d’instruire fait naître, à la même époque, le mouvement littéraire humaniste dont Rabelais et son œuvre Gargantua font partie, alliant savoir et rire pour instruire, et pourquoi pas se moquer. Mais dans Gargantua, le rire ne sert-il qu’à se moquer du savoir ?
Certes, il utilise le rire pour se moquer du savoir, mais ce rire repose également sur des formes de savoir, et permet d’accéder à d’autres formes.
L’humanisme, au XVIe siècle, a pour fonction de transmettre le savoir, mais certains auteurs cherchent à s’en moquer par le rire, notamment Rabelais, qui parodie le savoir dogmatique. C’est dans le chapitre VI de Gargantua, dans lequel le personnage éponyme naît par l’oreille gauche de sa mère que le savoir dogmatique, c’est-à-dire un savoir ou une théorie qui se base sur la religion et que personne n’a essayé de contredire est parodié. Rabelais y dit « un homme de bien, un homme de bon sens, croit toujours ce qu’on lui dit et ce qu’il trouve écrit […] Pour ma part, je ne trouve rien dans la Bible qui s’y oppose. ». Dans ce chapitre, Gargantua nait donc, et Rabelais s’adresse au lecteur, sachant qu’il ne croit probablement pas à cette étrange naissance. Alors il fait appel à la Bible, et par conséquent au savoir dogmatique, pour s’en moquer, pour faire comprendre que l’on croit n’importe quoi tant que la religion ne s’y oppose pas ou que c’est noté dans la Bible. Cela montre alors la volonté des humanistes de mieux instruire les hommes, car la religion ne devrait pas être apprise comme un savoir, mais plutôt comme un prolongement de savoirs déjà acquis. Voltaire, dans son roman Candide, ou l’optimisme se moque de cette forme de savoir au travers de son personnage Pangloss, précepteur de Candide, qui expose la théorie du meilleur monde possible à son élève qui, comme son nom l’indique, écoute innocemment sans chercher à vérifier les dires de son maître.
Aussi, le savoir scolastique, c’est-à-dire le savoir mélangeant religion et philosophie, est également un savoir moqué et critiqué par les humanistes. C’est un enseignement datant du Moyen-Age, ce qui donne alors aux auteurs humanistes une raison de s’en moquer par le rire, pour montrer leur désaccord et le ridicule de ce savoir. C’est notamment Voltaire, toujours dans son roman Candide ou l’optimisme qui critique ce savoir. En effet, dans son incipit, il critique la philosophie de Leibniz, un philosophe allemand. Rappelons que Voltaire est fermement et ouvertement opposé aux idées de celui-ci, qui fut à l’origine d’une théorie démontrant que le « monde est au mieux ». Candide parodie ce savoir grâce à un raisonnement bancal de la part du « précepteur Pangloss », lui-même parodie de Leibniz. Raisonnement bancal qui se justifie par un parallélisme de construction de phrase : « Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. […] et, les cochons étant faits pour être mangés, nous mangeons du porc toute l'année. ». C’est une figure de répétition, qui montre que son raisonnement ne tient pas la route, car on répète souvent les mêmes arguments quand on sait que l’on n’arrive pas à convaincre notre interlocuteur. Molière fait de même dans sa pièce Don Juan lorsque Sganarelle est déguisé en haut fonctionnaire et Don Juan en valet. Sganarelle essaie alors de convaincre son maître que Dieu existe, et utilisera exactement les mêmes procédés que Pangloss.
Et enfin, le savoir qui sert à dominer et qui forme l’autorité, est critiqué. Au temps des humanistes, ceux qui ont le savoir sont rares, ce sont souvent les religieux et les nobles, qui peuvent alors soumettre le peuple grâce à leurs connaissances. Umberto Eco, écrivain italien du XXe siècle, se moque et critique cette domination par le savoir dans son œuvre Le Nom de la Rose. En effet, il y écrit « Mais ce livre pourrait enseigner que se libérer de la peur du diable est sapience. Quand il rit, tandis que le vin gargouille dans sa gorge, le vilain se sent le maître, car il a renversé les apports de domination […] ». Ici, le mot « sapience » veut dire la sagesse, et le « vilain » est une personne du peuple, opposée des nobles. Nous voyons alors que tant que le petit peuple ne sera pas instruit, ne lira pas de livre, ne sera pas alphabétisé, alors il pourra être dominé, mais quand il pourra réfléchir, quand il lira et verra les mensonges qu’on lui raconte, alors il pourra se révolter. C’est ce dont ont peur les nobles à l’époque des humanistes. Voltaire jouera également dessus dans son incipit de Candide ou l’Optimisme dans lequel Candide écoute son précepteur sans rien dire ni même poser de questions, il est dominé par l’immense savoir de Pangloss, son maître.
Ainsi, nous voyons que divers auteurs cherchent à critiquer différents types de savoirs par le rire et la moquerie, pour montrer le ridicule de ces savoirs. Cependant, ce rire peut aussi reposer sur certaines formes de savoir.
En effet, le rire permet de montrer des problèmes sociétaux sans attiser la haine, mais il s’appuie également sur plusieurs formes de savoir. Tout d’abord, le savoir s’exprimer. Dans Gargantua, Rabelais fait s’appuyer le savoir de l’oralité sur la perpétuelle vulgarité du discours, ce qui créé un comique de mot. Nous le remarquerons dans son prologue de l’auteur, dans lequel il interpelle le lecteur par l’expression « Buveurs très illustres », juste avant de nous parler de Alcibiade, un philosophe grec, opposant alors l’alcool et la philosophie, la vulgarité et l’oralité. Fénelon, écrivain français, dans sa pièce de théâtre Dialogue des Morts, fait rire son personnage Héraclite sur les fous et la mort. Rappelons qu’Heraclite est un philosophe, ce qui fait donc s’appuyer le rire sur la philosophie.
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