Phèdre est-elle coupable?
Dissertation : Phèdre est-elle coupable?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar sandno • 13 Février 2018 • Dissertation • 2 396 Mots (10 Pages) • 11 406 Vues
« Phèdre », écrit par Jean Racine en 1677, constitue une de ses tragédies les plus célèbres du XVII siècle. C’est une pièce de théâtre tirée de la mythologie grecque. Elle est réalisée en cinq actes et présentée sous la forme d’un dialogue en alexandrins.
Cette œuvre met en scène l’amour incestueux d’une reine Phèdre pour son beau-fils, Hippolyte.
En l’absence du Roi d’Athènes Thésée, sa femme Phèdre éprouve un amour interdit pour Hippolyte. Croyant son époux mort, et sur les conseils d’Oenone, sa nourrisse, Phèdre se laisse guider par sa passion et dévoile son amour pour Hippolyte. Il la repousse vivement, lui-même épris d’Aricie. Ses aveux déclenchent la tragédie et entraînent Hippolyte à une mort certaine.
Face au déroulement de la pièce, comment peut-on interpréter le comportement de Phèdre ? Pouvons-nous affirmer sa culpabilité ?
Dans un premier temps, nous allons montrer les éléments déterminants de sa culpabilité. Puis, en second lieu, nous relèverons les points important pouvant symboliser son innocence.
A travers l’analyse du comportement de Phèdre, nous pouvons observer sa culpabilité.
Ses aveux ont entraîné une accumulation d’évènements à l’origine du drame. En effet, ses confidences à Oénone sur sa passion pour Hippolyte ont influencé le comportement de sa nourrisse. Dans l’acte I scène3, dès le début, Phèdre révèle sa souffrance physique (V154) « Je ne me soutiens plus ; ma force m’abandonne : Mes yeux sont éblouis du jour que je revoi ; Et mes genoux tremblants se dérobent sous moi ». Ce n’est qu’à partir du V 286 qu’elle nomme le mal qui l’anime « J’adorais Hippolyte ». A travers ce monologue, on observe l’intensité de cette passion illégitime qui afflige Phèdre. Sa tirade auprès Oénone montre l’ampleur de sa souffrance V275 « Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ; Je sentis tout mon corps et transir et brûler ». Elle s’enferme dans son amour et se place en marge de la loi. Racine utilise le champ lexical de la douleur : « mal, rougis, pâlis, transir, brûler, feux redoutables, sang, tourments ». Dans ce sens, elle est coupable d’avoir évoqué sa passion à sa confidente. Ce premier aveu est une confession. Le second fait à Hippolyte, correspond plus une déclaration passionnée. En effet, il se fait de façon progressive tout au long de sa tirade : au début, elle le vouvoie V 586 « Je vous viens pour mon fils expliquer mes alarmes ». Malgré son amour, elle garde une certaine distance qui progressivement va se réduire. Dès V 617, elle fait sa première allusion en disant : « Qu’un soin bien différent me trouble et me dévore ! ». Phèdre poursuit en le comparant à son père dès V 628 : «Toujours devant mes yeux je crois voir mon époux : Je le vois, je lui parle ; et mon cœur… je m’égare, Seigneur ; ma folle ardeur malgré moi se déclare ». Au fur et à mesure, elle précise ses pensées. Ce passage marque une rupture et dans le V 674, elle lui avoue ouvertement sa passion « J’aime. Ne pense pas qu’au moment que je t’aime, Innocente à mes yeux, je m’approuve moi-même, Ni que du fol amour qui trouble ma raison». A ce moment, le tutoiement marque l’abandon de la distance. Pendant cet aveu spontané, elle est dominée par la passion et n’a plus aucune retenu.
Mais ces aveux ne constituent pas les seules preuves de la culpabilité de Phèdre. En effet, sa passivité face à l’accusation Oenone vis-à-vis d’Hippolyte Acte IV scène 1 aggrave la situation et tourne au drame. En effet, le retour de Thésée n’est pas vraiment souhaité dans l’acte III scène 5, « Si je reviens si craint, et si peu désiré, Ô ciel ! De ma prison pourquoi m’as-tu tiré » V955. C’est ce retour inopiné qui va être à l’origine du basculement tragique de la pièce. Devant Thésée, c’est le silence et à ce moment, Oenone préfère mentir et accuse Hippolyte. Dans l’acte III scène 3, Phèdre laisse décider Oenone sur son comportement V911 « Fais ce que tu voudras, je m’abandonne à toi ». Le retour de Thésée déstabilise Phèdre, qui dans un premier temps, accuse Oenone de ses conseils hasardeux qu’elle regrette d’avoir suivi V 839 « J’ai suivi tes conseils, je meurs déshonorée ». Elle a honte de ses faiblesses. Elle se rend compte de ses erreurs V 849 « je sais mes perfidies ». Phèdre, perdu par ses révélations amoureuses, et avec le retour de Thésée, laisse décider Oenone de son avenir V 912 « Dans le trouble où je suis, je ne peux rien pour moi ». Elle s’abandonne à sa nourrisse par peur des sanctions V 910 « je vois ma perte écrite ». Durant toute la scène 3, Racine décrit un déroulement dramatique V 857 « Mourons : de tant d’horreurs qu’un trépas me délivre ». Pour Phèdre, seule la mort est à ses yeux la seule solution V 858 « Est-ce un malheur si grand que de cesser de vivre ? ». Dans la tirade de Phèdre à Oenone, le champ lexical est lié à la mort « Mourons, cesser de vivre, la mort, le sang, le crime » ce qui symbolise son désespoir et explique sa passivité face aux propositions de sa nourrisse. En effet, la passivité de Phèdre a incité Oenone à prendre la décision de calomnier Hippolyte. Elle croit Hippolyte capable de la dénoncer. Oenone cherche une alternative au suicide de Phèdre. Phèdre se dérobe de ses responsabilités en tant que reine et femme noble.
En dernier lieu, Phèdre est coupable de sa jalousie vis-à-vis d’Aricie. En effet, face au rejet d’Hippolyte pour son amour, Phèdre est de nouveau brisée en apprenant l’existence d’une rivale dans l’acte IV scène 6 V 1218 « j’avais une rivale ! » et V 1224 « Aricie a trouvé le chemin de son cœur ». Phèdre, encore plus anéantie, se lamente de tant de souffrances qu’elle subit V 1226 « douleur non encore éprouvée ! A quel nouveau tourment je me suis réservée ! …». Sa surprise est si grande qu’elle ne peut s’empêcher d’imager la rencontre des deux amants, leur étreinte amoureuse dans sa tirade à Oenone, à partir de V 1232 jusque V 1250. Elle souffre de jalousie, un mal nouveau pour elle comme le montre sa tirade à Oenone V 1253 « Ils s’aimeront toujours ! » et V 12557 « Non, je ne puis souffrir un bonheur qui m’outrage ». En plus de sa jalousie, Phèdre crie vengeance. Sa fureur est si grande qu’elle désire nuire à Aricie V 1259 « Il faut perdre Aricie ». Elle exprime sa honte et montre son désarroi V 1269 « Mes crimes désormais ont comblé la mesure : je respire à la fois l’inceste et l’imposture ». Dans l’acte V scène 7, Phèdre avoue bien tard la réalité, après la mort d’Hippolyte V 1620 « Il faut à votre fils rendre son innocence : Il n’était point coupable ». Aveuglée par sa jalousie, elle avoue la vérité mais après la mort d’Hippolyte. Elle accuse sa nourrisse des faits et essaie de se disculper aux yeux de Thésée. Racine utilise le champ lexical de la justice et de la punition « accuser, punie, supplice, poison, venin… » qui accentue l’effet dramatique de la scène. Cette confession retardée entraîne la mort d’Hippolyte, là où il devait retrouver sa bien-aimée Aricie. Par conséquent, la jalousie de Phèdre a entraîné la souffrance d’Aricie d’avoir perdu son bien-aimé et la mort d’un innocent.
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