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Lettre Pantagruel

Commentaire de texte : Lettre Pantagruel. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  23 Novembre 2022  •  Commentaire de texte  •  4 833 Mots (20 Pages)  •  327 Vues

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Rabelais, un humaniste du XVIème siècle. Après  avoir été moine et médecin, il transpose les réalités de son temps dans une œuvre qui retrace les aventures de géants. Pantagruel, paru en 1532, est le premier livre de cette fresque qui sert à caricaturer les travers de l’époque et à proposer un idéal de justice et d’éducation. Dans le chapitre 8, le narrateur reproduit une lettre que Gargantua envoie à son fils Pantagruel pour lui fixer une ligne de conduite alors que le jeune homme est parti étudier à Paris. Au delà d'un programme d'étude cette lettre expose tous les idéaux de l'humanisme.

Progression des idées

Observation

Explications

  1. LA LETTRE D'UN PERE ET D'UN ROI

a. Le choix d'une lettre pour exposer ce programme.

Ancrer la fiction dans une réalité actuelle.

« Maintenant... L. 1...Pour cette raison, mon fils, je te conjure d'employer ta jeunesse à bien profiter dans tes études et dans la vertu. Tu es à Paris, tu as ton précepteur Epistémon qui, ... peut bien d'éduquer. Je veux que tu apprennes les langues parfaitement. ... deviens savant dans tous les domaines de l'astronomie mais laisse-moi de côté l'astrologie divinatrice, et l'art de Lulle comme des excès et des inutilités. Du droit civil, je veux que tu saches ... Mon fils, que la paix et la grâce de notre Seigneur soient avec toi. Amen.

D'Utopie, le dix-septième jour du mois de mars.                                    

Ton père, Gargantua. »

Le texte comporte toutes les caractéristiques d'une lettre :

  • indications de date et de lieu
  • indication des identités de l'émetteur et du destinataire et signature

Le texte se présente aussi comme un discours par l'usage du présent, l'implication du locuteur et du destinataire à travers le jeu des pronoms « je » et « tu » et toutes les formes d'injonctions. Des indices de lieu sont également donnés : le père est en utopie et le fils à Paris.

On peut s'interroger sur le choix d'une lettre pour exposer ce programme. Nous pourrions en trouver deux :

  • donner plus de puissance dramatique à ce discours argumentatif en y mêlant les sentiments d'un père
  • mêler le réel et l'imaginaire. L'Utopie, nom du royaume de Gargantua est un terme générique qui désigne toute construction imaginaire d'une société parfaite. Ce royaux n'existe que dans l'idéal. Pour autant le discours de Gargantua s'inscrit dans un contexte réel, la modernité de l'époque, la situation des intellectuelles européens au milieu de la Renaissance. Cet ancrage dans le réel est amené par l'adverbe « maintenant » suivi du constat d'un épanouissement intellectuel qui a bien eu lieu dans toutes l'Europe à cette époque, ainsi que par l'indication « à Paris »..

Conjuguer l'idéal au réel c'est bien là précisément l'ambition de ce texte.

b. L'autorité d'un père et d'un roi

Un triple assujettissement : au père, au roi, aux maîtres.

« Pour cette raison, mon fils, je te conjure d'employer ta jeunesse à bien profiter dans tes études et dans la vertu. Tu es à Paris, tu as ton précepteur Epistémon et l'un par ses leçons orales et vivantes, l'autre par ses louables exemples peuvent  bien t'éduquer.  Je veux que tu apprennes les langues parfaitement. Premièrement le grec, comme le veut Quintilien. Deuxièmement le latin. Et puis l'hébreu pour les lettres saintes, et le chaldéen et l'arabe pareillement. Qu'il n'y ait aucune histoire que tu n'aies en mémoire, ce à quoi t'aidera la cosmographie de ceux qui en ont écrit. Des arts libéraux, la géométrie, l'arithmétique et la musique, je t'ai donné un avant-goût quand tu étais encore petit, âgé de cinq à six ans : poursuis le reste et deviens savant dans tous les domaines de l'astronomie mais laisse-moi de côté l'astrologie divinatrice, et l'art de Lulle comme des excès et des inutilités. Du droit civil, je veux que tu saches par cœur tous les beaux textes, et que tu puisses en parler avec philosophie. Et quant à la connaissance des faits de la nature, je veux que tu t'y adonnes avec curiosité, qu'il n'y ait ni mer, ni rivière, ni fontaine dont tu ne connaisses les poissons, tous les oiseaux de l'air, tous les arbres, arbustes et fruits des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés dans le ventre des abîmes, les pierreries de tout l'Orient et du midi. Que rien ne te soit inconnu.

Puis soigneusement revisite les livres des médecins grecs, arabes et latins, sans mépriser les talmudiques et cabalistes. Et par de fréquentes anatomies acquière-toi une parfaite connaissance de cet autre monde qu'est l'homme. Et quelques heures par jour commence à visiter les saintes lettres. Premièrement en grec, le Nouveau Testament et les Épîtres des Apôtres, et puis en hébreu l'Ancien Testament. En somme, que je voie un abîme de science : car avant de devenir un homme et d'être grand, il te faudra sortir de cette tranquillité et du repos de l'étude et apprendre la chevalerie et les armes pour défendre ma maison et secourir nos amis dans toutes leurs affaires contre les assauts des malfaisants. Et quand tu t'apercevras que tu disposes de tout le savoir que tu peux acquérir là-bas, reviens vers moi, afin que je te voie une dernière fois et que je te donne ma bénédiction avant de mourir. [] Ton père »

Cette lettre exprime de manière nette la volonté d'un père dont l'autorité ne saurait être remise en question :

- verbes de volonté et d'obligation : « je te conjure » l. 7; « je veux que » (l15); il te faudra.

- plusieurs propositions conjonctives au subjonctif « que tu apprennes les langues », « que tu formes ton style », « qu’il n’y ait d’histoire… »

- impératifs : « continue » (l 22), « sache » (l22), « relis » (l30)

- futur injonctif : « ce à quoi t'aidera ». Il lui demande expressément de lire ces livres.

Ce père est aussi un roi et c'est à ce titre qu'il s'adresse à son fils en tant que sujet : « Il te faudra [...] défendre ma maison. ». L'adolescent est ainsi triplement assujetti : au père, au roi, à ses maîtres.

c. Un père aimant et prévenant

Il prend soin de son fils

Il s'impose un sacrifice affectif

Il est lui—même un éducateur intellectuel

[...]

Ce père est toutefois un père aimant et attentif au bien être de son fils., en témoignent les modalisateurs positifs comme « bien profiter », « bien t'éduquer » de plus le jeune homme est confié à un homme en qui le père a toute confiance; le temps des études est considéré par le père comme une période privilégiée d'épanouissement : « cette tranquillité et le repos de l'étude. » l. 24-25 et l'on peut penser qu'un père plus égoïste eût gardé son fils près de lui pour le faire participer le pus tôt possible à la défense de la Maison, c'est à dire des intérêt de la famille et de la dynastie. Le père s'impose aussi un sacrifice affectif et cela apparaît sobrement dans les dernière lignes : « reviens vers moi, afin que je te voie une dernière fois et que je te donne ma bénédiction avant de mourir. » Au seizième siècle la vie humaine est brève et Gargantua prend vraiment le risque de ne plus revoir son fils; les termes « que je te voie une dernière fois » ne sont pas dictés par la raison mais seulement par l'amour, lien indissoluble réaffirmé dans l'usage du possessif « ton père ».

Ce père est d'ailleurs lui aussi un éducateur intellectuel puisqu'il a donné un « avant goût » des arts libéraux – nous dirions aujourd'hui des sciences exactes – et cela suggère non seulement que Gargantua s'est occupé du jeune enfant au lieu de le confier à des domestiques mais encore que l'étude pour lui doit être associée au plaisir, au « goût ». Enfin les adjectifs dans « quand tu étais encore petit » l. 13 et « devenir un homme et être grand » l. 24 sont sans doute encore chargé de sentiments : un homme qui a toujours adoré son enfant mais l'éloigne de lui pour justement lui permettre de grandir. Eduquer ne signifie-t-il pas à travers la racine ex-ducere : conduire vers l'ailleurs et donc laisser partir...

Nous voyons ainsi apparaître tous les aspects du projet éducatif : transformer l'enfant en intellectuel, en prince, mais aussi en homme achevé selon les principes humanistes. Étudions d'abord l'acquisition du savoir.

II. UNE EDUCATION HUMANISTE ET ENCYCLOPEDIQUE

a. Un programme de géant

Un hymne au savoir de la Renaissance

Un savoir universel

Une ambition démesurée

« Maintenant toutes les disciplines sont restituées, les langues instaurées, le grec sans lequel il est honteux qu'une personne se dise savante, l'hébreu, le chaldéen, le latin. Des impressions fort élégantes et correctes sont utilisées partout, qui ont été été inventées à mon époque par inspiration divine, comme inversement l'artillerie l'a été par suggestion du diable. Tout le monde est plein de gens savants, de précepteurs très doctes, de librairies très amples, tant et si bien que je crois que ni à l'époque de Platon, de Cicéron ou de Papinien, il n'y avait de telle commodité d'étude qu'il s'en rencontre aujourd'hui. » [...]                         

« Pour cette raison, mon fils, je te conjure d'employer ta jeunesse à bien profiter dans tes études et dans la vertu. Tu es à Paris, tu as ton précepteur Epistémon et l'un par ses leçons orales et vivantes, l'autre par ses louables exemples peuvent bien t'éduquer. Je veux que tu apprennes les langues parfaitement. Premièrement le grec, comme le veut Quintilien. Deuxièmement le latin. Et puis l'hébreu pour les lettres saintes, et le chaldéen et l'arabe pareillement. Qu'il n'y ait aucune histoire que tu n'aies en mémoire, ce à quoi t'aidera la cosmographie de ceux qui en ont écrit. Des arts libéraux, la géométrie, l'arithmétique et la musique, je t'ai donné un avant-goût quand tu étais encore petit, âgé de cinq à six ans : poursuis le reste et deviens savant dans tous les domaines de l'astronomie mais laisse-moi de côté l'astrologie divinatrice, et l'art de Lulle comme des excès et des inutilités. Du droit civil, je veux que tu saches par cœur tous les beaux textes, et que tu puisses en parler avec philosophie. Et quant à la connaissance des faits de la nature, je veux que tu t'y adonnes avec curiosité, qu'il n'y ait ni mer, ni rivière, ni fontaine dont tu ne connaisses les poissons, tous les oiseaux de l'air, tous les arbres, arbustes et fruits des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés dans le ventre des abîmes, les pierreries de tout l'Orient et du midi. Que rien ne te soit inconnu. »

« Puis soigneusement revisite les livres des médecins grecs, arabes et latins, sans mépriser les talmudiques et cabalistes. Et par de fréquentes anatomies acquière-toi une parfaite connaissance de cet autre monde qu'est l'homme.  Et quelques heures par jour commence à visiter les saintes lettres. Premièrement en grec, le Nouveau Testament et les Épîtres des Apôtres, et puis en hébreu l'Ancien Testament. En somme, que je voie un abîme de science... »

« qu'il n'y ait ni mer, ni rivière, ni fontaine dont tu ne connaisses les poissons, tous les oiseaux de l'air, tous les arbres, arbustes et fruits des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés dans le ventre des abîmes, les pierreries de tout l'Orient et du midi. Que rien ne te soit inconnu. »

Étymologiquement Pantagruel signifie celui qui a soif de tout et Epistémon signifie Science, c'est bien une inextinguible soif de science qui anime ces géants de la Renaissance.

Notre extrait commence par un hymne au savoir de la Renaissance; commençant par « maintenant » et finissant par « aujourd'hui » ce paragraphe célèbre la modernité. Cette célébration du présent est tout d'abord fondée sur une vision cyclique de l'histoire, comme un retour à un brillant passé. Les repère intellectuels se situent en effet dans l'antiquité tant pour les langues (le grec, hébreu, chaldéen, ancienne langue de la Mésopotamie, le latin) que pour les penseurs : Platon philosophe grec, Cicéron penseur et homme d'Etat romain, Papinien juriste romain. L'adjectif « restituées » souligne le fait que la période du Moyen-âge qui sépare la Renaissance de l'Antiquité fut celle de la décadence tandis qu' « instaurées » signifie fixé, assuré, terme à rapprocher de « correctes » l. 3, Gargantua rappelle ainsi implicitement la perte des connaissances et des manuscrits au Moyen-âge et les nombreuses erreurs de traduction des moines copistes qui connaissaient mal le grec. A la culture du Moyen-âge confinée et  pleines d'erreurs il oppose la culture libre et juste de la Renaissance, ainsi la multiplication des adjectifs indéfinis « tous » (« toutes les disciplines» , « tout le monde » - reliée à « partout » souligne que l'imprimerie a rendu le savoir universel et accessible à tous, or c'est précisément cette diffusion qui empêche les erreurs comme le suggère l'énumération  « de gens savants, de précepteurs très doctes, de librairies très amples » c'est à dire bibliothèques très bien fournies : tout cela est le fruit de l'imprimerie. Dans cette phrase le rythme ternaire, les hyperboles et l'accumulation suggèrent l'enthousiasme. A la fin Gargantua compare même l'Antiquité à la Renaissance et insiste sur la supériorité de cette dernière pour l'accès au savoir. Ainsi après une longue décadence la civilisation serait revenu à son point culminant et reprendrait son essor.

Le programme que Gargantua impose à son fils est à la mesure de cette immense rayonnement de toutes les sciences. C'est un savoir universel qui concerne toutes les matières: les langues anciennes et notamment le grec, une langue moderne, l'arabe, langue scientifique comme le grec, la cosmographie, c'est à dire la géographie, la géologie, les arts libéraux c'est à dire les sciences exactes – géométrie, arithmétique et musique, cette dernière étant depuis Pythagore considérée comme relevant d'une logique mathématique -, l'astronomie, puis le droit, puis la philosophie, puis tout ce que nous appellerions Sciences de la vie et de la terre, « La connaissance des faits de nature », puis la médecine, puis les textes religieux et enfin l'art de la guerre ! La démesure ce ce programme apparaît à travers divers procédés

  • le champ lexical de la science et même de l'érudition à l'intérieur duquel nous percevons une gradation : « savant » l. 13, « par cœur » l. 14, « parfaite connaissance » l. 21 , « abîme de science » l. 24. On forme tout de suite un savant !
  • La répétition de parfait : « parfaitement », « parfaite connaissance. »
  • les accumulations de savoirs
  • les anaphores : séquences commençant par la conjonction Et, phrases négatives au subjonctif « Qu'il n'y ait », « Que rien ne te soit »
  • la répétition de l'adjectif indéfini tous : tous les, toutes les ou de la conjonction ni
  • Les gradations descendantes : mer, rivière, fontaine, arbres arbustes et fruits l.
  • le vaste chiasme des lignes 17 19 qui part de immensité de la mer et de l'altitude des « oiseaux de l'air » pour descendre vers la petitesse au ras du sol « les herbes et les fruits » puis après un passage dans les abîmes de la terre s'élancer à nouveau vers l'immensité « de tout l'Orient et du midi ». Remarquons que dans ce mouvement les éléments eau, air, terre et même feu si les abîmes de la terre étaient des volcans, sont réunis.

A la différence des études d'aujourd'hui qui favorisent une maîtrise de l'accès au savoir autant que le savoir en-lui même (par exemple, savoir faire une recherche documentaire) l'étudiant décrit ici doit porter en lui tout son savoir et y avoir accès de manière immédiate : tout connaître « par cœur ». C'est évidemment impossible. Rabelais ne décrit donc pas ici un étudiant, ni même un savant mais un géant qui avalerait tout ce que l'on sait du monde connu et attaquerait ensuite l'inconnu, « les métaux cachés dans le ventre des abîmes ». La métaphore « abîme de science » l. 24, exprime l'aspect presque fantastique de ce parcours.

b. Un parcours organisé

L'ordre logique

La pédagogie de l'Antiquité

De l'abstrait vers le concret

Un gain très progressif de l'autonomie.

« Pour cette raison.... » l. 7

Premièrement le grec, comme le veut Quintilien, Deuxièmement le latin. Et puis l'hébreu pour les lettres saintes, et le chaldéen et l'arabe pareillement.

« Je veux que tu apprennes les langues parfaitement. Premièrement le grec, comme le veut Quintilien. Deuxièmement le latin. Et puis l'hébreu pour les lettres saintes, et le chaldéen et l'arabe pareillement. [...] Des arts libéraux, la géométrie, l'arithmétique et la musique, je t'ai donné un avant-goût [] Du droit civil, je veux que tu saches par cœur tous les beaux textes,[...] Puis soigneusement revisite les livres des médecins grecs, arabes et latins, sans mépriser les talmudiques et cabalistes. Et par de fréquentes anatomies acquière-toi une parfaite connaissance de cet autre monde qu'est l'homme. »

- tu as ton précepteur Epistémon l.8

- deviens savant l.14

- que tu saches par cœur l. 15

- avec curiosité, l. 17

- revisite l. 20

- acquière-toi l. 21

- mettes en application l.26

- en discutant publiquement avec tous et contre tous les gens de savoir l. 27

- Et quand tu t'apercevras que tu disposes de tout le savoir l.35

Ce parcours est pourtant organisé.

Les connecteurs logiques comme « Pour cette raison »,  « Premièrement », « deuxièmement » décrivent une série d'étapes ordonnées. Le choix des matières est toujours justifié : «  le grec sans lequel il est honteux qu'une personne se dise savante » l. 2; « Le grec comme le veut Quintilien »; « l'hébreu pour les lettres saintes ».

L'éducation de Pantagruel s'inscrit parfaitement dans la pensée humaniste nourrie des lettres antiques. Rabelais suit un schéma classique hérité des pédagogues romains commençant par la maîtrise du langage : le Trivium : grammaire, Langue, rhétorique. Gargantua tire argument d'autorité des préceptes de Quintilien, celèbre professeur d'art oratoire romain.Vient ensuite le quadivium, tout ce qui relève des sciences : géométrie, arithmétique, musique , astronomie. L'ensemble forme les arts libéraux, c'est à dire les apprentissage qui ne visent que la recherche de la vérité, par opposition aux arts serviles ou mécanique : sciences de l'ingénieur. L'astronomie, le droit, la connaissance de la nature et la médecine viennent ensuite.

Ce parcours va donc de l'abstrait vers le concret. Il est également réglé selon une logique d'autonomie progressive : strictement encadré par Epistémon Pantagruel se libère peu à peu,, développe sa curiosité, puis acquière par lui-même ke savoir lors des dissections et enfin s'avance seul sur la place publique pour discuter et affronter ses pairs; enfin, il sera capable de juger par lui-même de l'état de ses connaissances et de prende seul l'initiative de revenir. On est donc bien loin de l'enseignement d'aujourd'hui qui vise à développer le plus vite possible l'autonomie.

Les directives de Gargantua n'ont donc rien de révolutionnaire et on pourrait même s'étonner de l'absence de langues vivantes, de technologie, à une époque où se développaient l'engrenage, l'arbre à came, les premiers métiers à tisser....

Où sont donc les éléments novateurs ?

c. Les éléments réellement novateurs : l'ouverture au monde et aux autres

Les prémisses d'une science moderne

La médecine

L'ouverture au monde

L'examen direct des textes religieux

   « mais laisse-moi de côté l'astrologie divinatrice, et l'art de Lulle comme des excès et des inutilités. »

« L'hébreu pour les lettres saintes » l.1

« Du droit civil, je veux que tu saches par cœur tous les beaux textes, et que tu puisses en parler avec philosophie. l. 15-16 »

« Et par de fréquentes anatomies acquière-toi une parfaite connaissance de cet autre monde qu'est l'homme. » l. 20-21

« Et quant à la connaissance des faits de la nature, je veux que tu t'y adonnes avec curiosité, qu'il n'y ait ni mer, ni rivière, ni fontaine dont tu ne connaisses les poissons, tous les oiseaux de l'air, tous les arbres,[...] tout l'Orient et du midi. » l. 16-19.

         « Tu es à Paris, tu as ton précepteur Epistémon et l'un par ses leçons orales et vivantes, l'autre par ses louables exemples peuvent bien t'éduquer. »

« Et je veux que rapidement tu mettes en application ce dont tu as profité, ce que tu ne pourras mieux faire qu'en discutant publiquement avec tous et contre tous les gens de savoir en fréquentant les gens lettrés, qui sont tant à Paris qu'ailleurs. » l. 24-27

Premièrement le grec [...] et l'arabe pareillement.

revisite les livres des médecins grecs, arabes et latins, sans mépriser les talmudiques et cabalistes.

De fréquentes anatomies... visiter les saintes lettres.. en grec...en hébreu

La modernité se manifeste d'abord par l'abandon de l'astrologie que le savant du moyen-âge Raymond Lulle considérait comme science. Le savoir moderne selon Gargantua doit être vérifié (cf. l. 1 « les langues instaurées ») et surtout utile à la formation complète de l'homme, ainsi l'hebreu sert à lire la Bible, le droit est relié à la philosophie qui lui donne tout son sens, les dissections (anatomie) servent à mieux comprendre l'homme dans sa globalité. L'humanisme cherche une cohérence entre tous les domaines du savoir.

Cette cohérence va de pair avec une grande ouverture sur le monde : la « cosmographie » l. 12 c'est à dire la géographie plus la géologie, la zoologie, la botanique. Cette connaissance de la nature ne vise pas à s'en rendre possesseur par la technique, comme le feront les inventeurs de la machine à vapeur, à fortiori à la transformer mais seulement à en comprendre les phénomènes.

L'ouverture au monde c'est aussi l'ouverture à autrui. A cet égard,le rôle de la ville est essentiel; le terreau intellectuel et les rencontres vivifiantes qu'elle favorise compensent l'aspect livresque de la formation, à tel point que Paris, à travers un chiasme, est mis au même rang que Epistémon dans le pouvoir d'éduquer : Paris offre les « louables exemples » (sans doute d'universitaires accomplis) et Epistémon les « leçons orales et vivantes ». La grand ville procure l'occasion de « discuter publiquement avec tous les gens de savoir ». On est bien loin des couvents d'antan où la vie intellectuelle était confinée.

L'ouverture d'esprit passe aussi par la rencontre d'autres cultures : la culture arabe, mais aussi la culture juive des médecins et théologiens des universités d'Espagne. Souvenons-nous qu'à l'époque les musulmans étaient chassés d'Espagne et les juifs convertis de force ou enfermés dans des ghettos...

Enfin, la « curiosité » d'esprit l. 17 s'exerce de la même manière dans la découverte du corps humain que dans celle des textes religieux. Dans les deux cas l'accès à la connaissance procède d'une observation directe, expurgée de préjugés et d'interdits.

L'Humanisme n'est donc pas simplement de l'érudition, ni une admiration servile du passé antique mais une renaissance de la culture et de la philosophie antique au service du présent, au service des hommes, dans le but de faire un homme parfait et dans un idéal d'harmonie. Cette idée d'harmonie est présente tout au long du texte.

III. L'IDEAL D'HARMONIE DE LA RENAISSANCE

a. Harmonie entre le chevalier et le savant

Un idéal social et moral qui unifie le chevalier du moyen-âge et le prince-savant de la Renaissance

« En somme, que je voie un abîme de science : car avant de devenir un homme et d'être grand, il te faudra sortir de cette tranquillité et du repos de l'étude et apprendre la chevalerie et les armes pour défendre ma maison et secourir nos amis dans toutes leurs affaires contre les assauts des malfaisants. » l. 23-26

« Sois serviable envers tous tes prochains, et aime-les comme toi-même. » l. 33-34

Faire des dissections, fréquenter les savants juifs : jamais un seigneur du moyen-âge n'aurait fait cela pour autant Pantagruel est toujours un chevalier.

• L’homme du 16ème siècle est tourné vers les autres (= solidarité). C’est l’esprit humaniste. Solidarité entre les hommes. L’auteur parle d’une assistance envers les amis : « secourir nos amis dans toutes leurs difficultés ».
• Rôle du chevalier : « défendre ma maison »


La liaison entre les deux mondes est possible à travers l'idée d'entraide et de fraternité : idéal social et moral. Pantagruel sera ainsi un
prince juste autant qu'un homme parfait.

b. Harmonie entre science et puissance à travers un idéal religieux

« Des impressions fort élégantes et correctes sont utilisées partout, qui ont été été inventées à mon époque par inspiration divine, comme inversement l'artillerie l'a été par suggestion du diable. » l. 2-5.

« Mais parce que selon le sage Salomon la sagesse n'entre jamais dans les âmes mauvaises, et science sans conscience n'est que ruine de l'âme, il te faudra servir, aimer et craindre Dieu, et en Lui mettre toutes tes pensées et tout ton espoir, et par foi formée de charité être joint à Lui, si fort que jamais le péché ne t'en sépare. [...] ne gaspille pas les grâces que Dieu t'a données.[...] reviens vers moi, afin que je te voie une dernière fois et que je te donne ma bénédiction avant de mourir. Mon fils, que la paix et la grâce de notre Seigneur soient avec toi. Amen. »

L'idéal du christianisme parcourt tous les texte.
• L’homme est au service de Dieu : « servir, aimer et craindre Dieu »
• Champ lexical de la religion : la foi, l’âme, la charité, le pêché
• Connaissance des textes sacrés : nouveaux et anciens testaments
• L’idéal religieux est en harmonie avec un idéal moral
• Inculquer des règles morales : « sois serviables pour tout tes proches » = solidarité
• Refus des futilités, respect des autres, l’amour du prochain, respect des maîtres.

 L'aphorisme « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme » peut ainsi être rapproché de l'antithèse « inspiration divine/suggestion du diable » du premier paragraphe. L'artillerie c'est la science sans conscience qui n'a pas été inspirée par dieu et détruit la part spirituelle de l'homme, comme aujourd'hui la bombe atomique.

c. Harmonie entre l'homme et le monde

La dignité humaine a une valeur absolue

Pas de rupture entre le matériel et le spirituel

D'infinies possibilités de développement.

Et par de fréquentes anatomies acquière-toi une parfaite connaissance de cet autre monde qu'est l'homme. Et quelques heures par jour commence à visiter les saintes lettres. Premièrement en grec, le Nouveau Testament et les Épîtres des Apôtres, et puis en hébreu l'Ancien Testament.

« tous les métaux cachés dans le ventre des abîmes »l. 19/ « que je voie en toi un abîme de science » l. 24

« Cet autre monde qu'est l'homme » :

« abîme de science »

Le moteur des deux métaphores est l'idée d'immensité : les possibilités de développement humain sont immense, comparables à l'univers. L'être humain est spirituellement ce que l'univers est physiquement.

Remarquons le parallélisme des deux phrases « Et par de fréquentes anatomies...l'homme », « Et quelques heures par jour commence à visiter les saintes lettres. ». Ce parallélisme établit une similitude entre le physique – le corps de l'homme, même dans ses organes -, et le spirituel. : il n'y aurait pas de rupture entre le corps et l'esprit, entre l'étude de l'homme et celle des textes sacrés. La métaphore « cet autre monde qu'est l'homme » suggère que l'être humain a autant de valeur que le reste de la création, que la dignité humaine a valeur d'absolu.

Elle évoque aussi une correspondance entre l'homme et le monde. A cet égard nous pourrions rapprocher deux métaphores : « tous les métaux cachés dans le ventre des abîmes » l. 19 de l'injonction « que je voie en toi un abîme de science » l. 24. Ces deux métaphores se répondent en un jeu de miroirs, la terre étant assimilée à une femme enceinte de métaux, tandis que l'humain est assimilé à l' abîme : il n'y aurait donc pas de rupture entre la matière et l'esprit. « Abîme de science » signifie aussi que les possibilités intellectuelle de l'être humain sont aussi immenses, aussi profondes qu'un abîme, on rejoint là l'idée contenue dans « cet autre monde qu'est l'Homme ». Enfin, le mot abîme évoque le mystère : mystère de l'origine de l'homme – de quel ventre, de quel abîme provient l'humanité -, mais Rabelais l'humaniste aborde ce mystère avec confiance , passion, et une dévorante envie de  savoir

Idées phares :

...

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