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Lecture analytique, Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre

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Par   •  21 Mars 2019  •  Commentaire de texte  •  2 429 Mots (10 Pages)  •  5 029 Vues

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Lecture analytique

Paul et Virginie – Bernardin de Saint-Pierre

Le bon naturel de ces enfants se développait de jour en jour. Un dimanche, au lever de l’aurore, leurs mères étant allées à la première messe à l’église des Pamplemousses, une négresse marronne se présenta sous les bananiers qui entouraient leur habitation. Elle était décharnée comme un squelette, et n’avait pour vêtement qu’un lambeau de serpillière autour des reins. Elle se jeta aux pieds de Virginie, qui préparait le déjeuner de la famille, et lui dit : « Ma jeune demoiselle, ayez pitié d’une pauvre esclave fugitive ; il y a un mois que j’erre dans ces montagnes demi-morte de faim, souvent poursuivie par des chasseurs et par leurs chiens. Je fuis mon maître, qui est un riche habitant de la Rivière-Noire ;  il m’a traitée comme vous le voyez. » En même temps, elle lui montra son corps sillonné de cicatrices profondes par les coups de fouet qu’elle en avait reçus. Elle ajouta : « Je voulais aller me noyer ; mais sachant que vous demeuriez ici, j’ai dit : Puisqu’il y a encore de bons Blancs dans ce pays il ne faut pas encore mourir. » Virginie, tout émue, lui répondit : « Rassurez-vous, infortunée créature ! Mangez, mangez ! » ;  et elle lui donna le déjeuner de la maison, qu’elle avait apprêté. L’esclave en peu de moments le dévora tout entier. Virginie la voyant rassasiée lui dit : « Pauvre misérable ! J’ai envie d’aller demander votre grâce à votre maître ; en vous voyant il sera touché de pitié. Voulez-vous me conduire chez lui ?  - Ange de Dieu, repartit la négresse, je vous suivrai partout où vous voudrez. » Virginie appela son frère, et le pria de l’accompagner. L’esclave marronne les conduisit par des sentiers, au milieu des bois, à travers de hautes montagnes qu’ils grimpèrent avec bien de la peine, et de larges rivières qu’ils passèrent à gué. Enfin, vers le milieu du jour, ils arrivèrent au bas d’un morne sur les bords de la Rivière-Noire. Ils aperçurent là une maison bien bâtie, des plantations considérables, et un grand nombre d’esclaves occupés à toutes sortes de travaux. Leur maître se promenait au milieu d’eux, une pipe à la bouche, et un rotin à la main. C’était un grand homme sec, olivâtre, aux yeux enfoncés, et aux sourcils noirs et joints. Virginie, tout émue, tenant Paul par le bras, s’approcha de l’habitant et le pria, pour l’amour de Dieu, de pardonner à son esclave, qui était à quelques pas de là derrière eux. D’abord l’habitant ne fit pas grand compte de ces deux enfants pauvrement vêtus ; mais quand il eut remarqué la taille élégante de Virginie, sa belle tête blonde sous une capote bleue, et qu’il eut entendu le doux son de sa voix, qui tremblait ainsi que tout son corps en lui demandant grâce, il ôta sa pipe de sa bouche, et levant son rotin vers le ciel, il jura par un affreux serment qu’il pardonnait à son esclave, non pas pour l’amour de Dieu, mais pour l’amour d’elle. Virginie aussitôt fit signe à l’esclave de s’avancer vers son maître ; puis elle s’enfuit, et Paul courut après elle.

*Introduction

Bernardin de Saint-Pierre est un romancier du 18ème siècle. Disciple et ami de Rousseau, il rêve, comme lui, d'un monde simple où le bonheur consisterait dans l'innocence. Son roman Paul et Virginie, publié en 1788, en dépit de sa perspective pessimiste et tragique, réalise cette aspiration. Paul et Virginie grandissent ensemble dans la nature, entourés de la tendresse de leurs mères, s'appréciant comme frère et sœur. Leur tendresse deviendra une idylle amoureuse. La pitié est, pour eux, un sentiment naturel. BSP le montre bien dans notre passage, dans la rencontre avec une négresse. Fervent abolitionniste, BSP esquisse ici une condamnation de l'esclavage.

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1) Le récit d'une rencontre

Dans cet extrait, une innocente jeune fille, Virginie, vient en aide à une esclave noire maltraitée. Le texte se concentre sur cette rencontre et ses conséquences.

a) Le récit d'une rencontre

Le texte évoque la rencontre avec la négresse, le récit de celle-ci et les réactions de Virginie. Le récit est ordonné, d'abord par la présence de nombreux indicateurs de temps tels « un dimanche » / « au lever de l'aurore » / »vers le milieu du jour » puis par son enchaînement : l'arrivée de l'esclave, l'accueil de Virginie, la description de la condition de l'esclave et de la plantation jusqu'à la requête de Virginie et ses effets. Les verbes au passé simple tels « lui dit » / « lui répondit » / « elle ajouta » donnent de la vivacité à ce récit.

Les lieux comme « à l'église des Pamplemousses » / « sous les bananiers » / « sur les bords de la Rivière Noire » confèrent au récit une certaine vraisemblance tout en apportant un côté exotique plaisant. Ce récit témoigne donc d'un goût pour l'exotisme.

Ce récit a aussi en vue une démonstration ou une leçon c'est à dire montrer le bon naturel des enfants, notamment de Virginie : « le bon naturel des enfants se développait de jour en jour. » D'ailleurs, la première phrase et la dernière phrase se complètent : « Virginie aussitôt fit signe à l'esclave de s'avancer vers son maître ; puis elle s'enfuit, et Paul courut après elle. »

La négresse parle avec éloquence, comme une femme du monde. BSP n'a pas cherché le pittoresque dans le langage : « ma jeune demoiselle ... » Par son discours, la négresse cherche à impressionner les enfants avec « ayez pitié », « leurs mères » étant absentes, parties « à la messe », sans pour autant les effrayer puisqu'elle « se présenta ».

b) La pitié de Virginie

Se dessine ici le portrait magnifié de notre héroïne. D'abord, Virginie est jeune, « jeune demoiselle » ou « ces enfants ». Virginie vit simplement, « préparait le déjeuner de la famille » / « pauvrement vêtus ». Elle apparaît gentille, innocente, ayant bon cœur puisqu'elle n'hésite pas à se dévouer et à agir pour les + faibles : «j'ai envie d'aller quémander votre grâce à votre maître ».  Elle est même généreuse puisqu'elle offre le repas qu'elle préparait : « et elle lui donna le déjeuner de la maison qu'elle avait apprêté. » L'insistance est mise sur son émotion, elle est émue, ce qui est répété deux fois : « Virginie, toute émue, lui répondit ... » / « Virginie … toute émue, tenant Paul par le bras ... ». Le CC de temps « de jour en jour » et les nombreuses phrases exclamatives dans son discours accentuent son caractère émotionnel. Virginie parle à l'esclave avec respect, elle la vouvoie : « rassurez-vous ... ». Elle voit en elle un être humain, « infortunée créature ». Virginie voit la similitude entre chaque être humain et la diversité de leur destin. C'est une jeune fille pure élevée loin du vice et qui a des vertus chrétiennes : « pour l'amour de Dieu ». Même l'association des couleurs pour la décrire est harmonieuse : « sa belle tête blonde sous une capote bleue ».

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