Lecture analytique : Elsa au miroir, Louis Aragon. N°3
Commentaire de texte : Lecture analytique : Elsa au miroir, Louis Aragon. N°3. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Lauriiiine • 12 Avril 2018 • Commentaire de texte • 2 251 Mots (10 Pages) • 20 143 Vues
Lecture analytique : Elsa au miroir, Louis Aragon. N°3
Intro : Un des très nombreux poèmes consacrés à Elsa, rencontrée en 1928, et qu’il ne cesse de chanter depuis.
- ce thème se joint à un autre, apparemment contradictoire, celui de la guerre.
- thème né des circonstances : à partir de 1942, Aragon, comme les communistes, entre dans la Résistance.
- La Diane française, écrit à cette époque, porte le reflet de cet engagement.
- problématique :
* comment, grâce à la description de la femme aimée et de son quotidien, le poète évoque-t-il la réalité de la guerre et sa souffrance ?
* comment, à travers l’évocation de la femme aimée et de leur quotidien, le poète fait-il resurgir des souvenirs douloureux liés à la guerre ?
* comment, malgré l’apparente contradiction de l’amour et de la violence, la participation d’Aragon à la Résistance s’appuie-t-elle sur son amour pour Elsa ? Dans une première partie nous allons voir que ce poème est un poème d'amour, puis nous terminerons sur un poème de résistance.
Plan :
I- un poème d’amour
1-Un poème lyrique
Le poète s’exprime à la 1ère personne : le « Je » est mis en valeur au vers 3 par la majuscule « Je croyais voir ». Le pronom est repris au vers 7 « j’aurais dit », repris au vers 11 « j’aurais dit », et au vers 27 « sans que je les aies dits ». La 1ère personne est aussi marquée par l’utilisation de l’adjectif possessif « ma » au vers 20 « ma mémoire ».
Comme dans tout poème lyrique (qui vient du mot lyre), Aragon a particulièrement travaillé le rythme de son poème et la musicalité ce qui renforce le lien entre poésie et musique.
Le poème est construit sur 2 rimes « i » : tragédie, incendie, dit, maudit, jeudi et « oir » : miroir, voir, moire, mémoire, soir, asseoir, ce qui renforce l’unité du poème en reliant les 2 parties du poème quatrains et distiques d’une part et d’autre part en créant des réseaux lexicaux la rime en « i » est un son strident et réunit les mots qui évoquent de la guerre, la rime en « oir » est plus long et évoque un temps plus long et le lien entre miroir et mémoire.
Par ailleurs le rythme est entêtant car le poème repose sur une répétition de vers : vers 1 « c’était au beau milieu de notre tragédie », 5, 8, 17 et 21 ; puis vers 2 « et pendant un long jour assise à son miroir », vers 6 , 23, avec une variante au vers 10 avec la suppression de la conjonction de coordination « et », ainsi qu’au vers 13 ; puis au vers 3 « elle peignait des cheveux d’or je croyais voir », repris avec une variante « j’aurais dit » aux vers 7 et 11 ; enfin le vers 12 « qu’elle martyrisait à plaisir sa mémoire » repris au vers 16 avec la suppression du « que ». Ces répétitions de vers donnent un rythme cadencé au poème et le rapprochent un peu de la forme du pantoum utilisée par Baudelaire dans les Fleurs du mal.
Le poète exprime ses sentiments : on le voit grâce à l’utilisation récurrente du verbe dire : vers 7, 11, 15, 27, 30. Il prend la parole, est celui qui dit.
Les sentiments évoqués dans le poème le sont de manière implicite à travers les différentes images d’Elsa et du miroir ainsi qu’à travers le vocabulaire choisi comme les mots « tragédie » et « plaisir ».
2-La beauté d’Elsa
L’image d’Elsa domine les 20ers vers, qui sont des alexandrins groupés en strophes de 5 vers (quintils), dont les vers sont sans cesse répétés. Les mots-refrains « assise à son miroir », « ses cheveux d’or », « peigner », dressent l’image classique de la beauté fascinante d’Elsa. Tableau traditionnel de la femme à la toilette, thème de la chevelure merveilleuse des fées, de la Lorelei, [explication : Le rocher schisteux Lorelei se situe dans la Vallée romantique du Rhin (à environ 25 km de Rudesheim et à environ 35 km de Coblence) s'élève à 132m au-dessus du fleuve. A ses pieds, le fleuve se resserre et se creuse jusqu'à une profondeur de 22m. Jusqu'au 19ème siècle le passage était très risqué pour les bateaux, en raison des écueils et des tourbillons. Ce rocher est aussi connu pour avoir un bon écho, que l'on interprétait dans le temps comme la voix d'une belle sirène "la Lorelei".
La légende dit, que la belle Lorelei charmait les marins par son chant magique, et ceux-ci fascinés par ce chant oubliaient les dangereux tourbillons et récifs. Leur bateau alors livré à lui-même se brisait et sombrait dans le fleuve. ] ou dans les poèmes de Baudelaire.
Le poète est émerveillé par la présence d’Elsa, il est d’ailleurs isolé de ce tableau, il est celui qui regarde.
Elsa est évoquée par des images secondaires de beauté : le miroir, qui renvoie un reflet narcissique (cf Blanche Neige), la beauté des gestes harmonieux à travers l’évocation de la « harpe », la beauté du tissu « moire », tissu chatoyant et soyeux, les « reflets » qui suggère la richesse des couleurs.
La comparaison avec la harpe apporte aussi un complément auditif au tableau visuel que nous livre le poète.
L’imparfait contribue à l’atmosphère du merveilleux, car il créé un monde à part comme suspendu et qui marque une durée longue.
3-Le caractère énigmatique de la jeune femme
Pourtant cette image idéale est liée à la souffrance et à la solitude. Le 1er vers est répété 5 x, et le groupe nominal essentiel « notre tragédie » une 6ème x ensuite. Il s’impose à la rime, d’autant plus que celles-ci sont peu nombreuses et sans cesse répétées. Tout le tableau est fait d’antithèses « patientes, calmer/ incendie », « jouer un air de harpe/ sans y croire », « ranimer l’incendie », « les fleurs/ de l’incendie »…Que fait Elsa ? C’est elle qui introduit la cruauté du monde extérieur dans le tableau intimiste rêvé par le poète. Entre eux le silence règne. Elle a fait intervenir la mort dans le miroir, le bonheur du couple est impossible « notre tragédie ».
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