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Elsa au Miroir, Louis Aragon

Commentaire de texte : Elsa au Miroir, Louis Aragon. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  28 Décembre 2021  •  Commentaire de texte  •  2 453 Mots (10 Pages)  •  1 359 Vues

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Commentaire de texte : Commentaire d’Elsa au Miroir, de Louis Aragon

Louis Aragon est un écrivain, poète, journaliste, marié à Elsa Triolet. Il a écrit de nombreux romans comme Les cloches de Bâle, Les beaux quartiers, ainsi que plusieurs essais et recueils de poésie. II a fait partie du mouvement surréaliste dont il a ensuite été écarté, suite à des divergences d’opinions politiques avec André Breton. En tant que membre du Parti communiste français, il a été un grand acteur de la Résistance avec sa femme pendant la seconde guerre mondiale. C’est d’ailleurs à sa femme Elsa et à la seconde mondiale que Aragon fait référence dans le poème, paru en 1945, Elsa au Miroir. Composé en quatre quintiles et cinq distiques, ce poème décrit une femme -Elsa - qui se coiffe devant son miroir. Ce mot miroir apparait en dehors du titre, de façon récurrente, dans le poème : il est y répété six fois et on peut se demander s’il ne joue pas un rôle fondamental dans l’histoire des deux personnages. Il évoque de fait une femme à sa toilette, un moment familier et personnel dans la vie d’un couple. Mais il semblerait paradoxal qu’en 1945, alors qu’il est un membre de la Résistance française, Aragon limite son propos à un seul moment d’intimité. En réalité, si le miroir représente de prime abord la femme aimée dans son intimité (I), ce n’est pas sa seule fonction : il est aussi une représentation de la guerre (II.)

I - Représenter la femme aimée dans son intimité :

Comme l’indique le titre du poème, « Elsa au miroir », la femme aimée est représentée en train de se peigner, devant son miroir. On l’imagine assise devant sa coiffeuse. L’alexandrin : « Pendant tout ce long jour assise à son miroir », fait mention de cette posture assise. La répétition de ce vers dans le poème semble étirer dans le temps l’action de la coiffure et en faire un acte cyclique. Ainsi, le poème apparaît d’abord au lecteur comme la peinture d’un moment intime, celui de la toilette de la femme. Il peut être rapproché de ce qu’on appelle les « scènes de genre » en peinture. La scène de genre est une peinture qui capte un instant du quotidien. De nombreuses scènes de genre représentent une femme faisant sa toilette, ou se peignant devant un miroir, comme ici : « Elle peignait ses cheveux d’or » (vers 3). On peut penser par exemple au tableau « Femme devant un miroir » d’Edgar Degas

Cependant, le poème, contrairement au tableau, introduit celui qui regarde la scène. Il s’agit du poète, présent à travers le pronom « je » : « Je croyais voir » (vers 3), « j’aurais dit » (vers 11), « sans que je les aie dits » (vers 27). Dès le début du poème, on devine qu’il s’agit d’un couple. L’homme et la femme sont liés à travers le déterminant possessif « notre » : « notre tragédie » (vers 1). Non seulement ils vivent en même temps les événements terribles de la guerre, que désigne ici le terme « tragédie », mais aussi, il semble y avoir comme un lien télépathique entre eux. La femme ne parle pas, le verbe « dire » apparaît toujours dans des phrases négatives quand la femme est sujet : « Sans dire ce qu’une autre à sa place aurait dit », « peigner sans rien dire ». Pourtant, le poète semble deviner ses pensées : « J’aurais dit/ Qu’elle martyrisait à plaisir sa mémoire ». Le verbe « dire » est mis en valeur, en fin de vers, au sein de l’enjambement. C’est la parole du poète qui résonne, tentant de deviner les pensées de la femme. Cette dernière est au centre du poème mais apparaît donc mystérieuse. Le poète, qui la connaît, interprète ses gestes et devine ses pensées. Les mots soulignés en bleu ont une orthographe erronée Texte donné avec le sujet 3 La femme est au centre de la scène car elle se regarde dans un miroir et le poète la regarde se regarder. Il y a donc un jeu de réflexion, de regards croisés, qui convergent vers la femme. Alors que le poète, regardant la femme, devine ses pensées, il projette sur ses gestes son propre imaginaire, qui peut renvoyer aux événements extérieurs, en l’occurrence à la guerre qui fait rage au moment où le poème a été écrit. Aux vers 3 et 4 : « Je croyais voir/ Ses patientes mains calmer un incendie », on constate qu’on plonge dans l’imagination du poète. Ce dernier, à force de regarder la chevelure que sa femme peigne, y voit bientôt des flammes. Cet imaginaire relie la scène intime à la violence extérieure.

La femme est donc au centre de la scène décrite car au centre du jeu de regard, mais aussi, sa chevelure sollicite l’imagination, comme le suggère le groupe verbal « je croyais voir ». Le contre-rejet permet un enchaînement rapide entre la scène vue de la coiffure et la scène fantasmée de l’incendie, confondant réalité et évocation. C’est plus particulièrement sur la chevelure de la femme que l’attention est portée : c’est la chevelure qui est peignée, la chevelure qui est regardée avec fascination par le poète et qui lui évoque des images plurielles. Cette chevelure est qualifiée par des termes mélioratifs : « cheveux d’or », « moire ». D’autre part, la longueur hyperbolique du jour peut renvoyer à la longueur de la chevelure que la femme peigne pendant des heures : « Et pendant un long jour assise à son miroir ». Cette longue chevelure fait naître des images musicales et poétiques, faisant de la femme une muse, qui invoque les souvenirs avec sa chevelure comme on pourrait les chanter en s’accompagnant d’un instrument de musique. La chevelure est d’ailleurs rapprochée métaphoriquement de la harpe au vers 9, les cheveux de la femme étant comme les cordes d’une harpe. La description de la chevelure semble elle-même musicale, du fait du jeu sonore. On remarque par exemple, une allitération en « f » dans le groupe nominal « les fleurs sans fin de l’incendie ». La chevelure évoque, pour le poète, un deuxième champ lexical, celui du feu. On peut relever les termes « un incendie », « feux », « flammes ». Ces images, créées par association d’idées à partir de la blondeur des cheveux, prennent un sens particulier dans un contexte de guerre. La chevelure évoque alors quelque chose de dangereux, de violent, renvoie à la destruction. Ainsi, par le biais de l’imaginaire du poète, la chevelure se fait elle-même miroir de la guerre qui gronde dehors. Elle fait le lien entre l’intimité amoureuse du couple, l’instant doux et suspendu de la coiffure, et la violence inhumaine à l’extérieur.

II - Représenter la guerre

Aragon recourt en premier lieu à un champ lexical qui évoque le contexte et les ravages que la guerre provoque. Ainsi les flammes et l’incendie, mentionnés aux vers 14, 28 et 30 renvoient aux bombardements, aux explosions et aux dommages matériels qu’un conflit armé génère toujours. Au-delà des destructions matérielles que la guerre peut causer, la mort et la souffrance sont aussi présents dans le poème : ainsi Elsa voyait « mourir dans son miroir, un à un les acteurs de notre tragédie » (vers 24 et 25). On a d’ailleurs le sentiment, par ce dernier vers, que la fatalité, un des éléments essentiels de la tragédie, est bien présente et conduit les protagonistes du poème à la catastrophe. De la même façon, lorsqu’Aragon parle au vers 14 de « ranimer sans fin les fleurs de l’incendie », ceci renvoie aux couronnes de fleurs mortuaires que l’on dépose sur les tombes.

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