Le Malade Imaginaire explication linéaire 1 (Acte I- Scène5)
Commentaire de texte : Le Malade Imaginaire explication linéaire 1 (Acte I- Scène5). Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Ravenou • 12 Novembre 2022 • Commentaire de texte • 1 379 Mots (6 Pages) • 475 Vues
Le Malade Imaginaire explication linéaire 1 (Acte I- Scène5)
Célèbre dramaturge classique du XVIIème siècle, Molière est connu pour ses comédies de mœurs qui dénoncent les vices et les travers humains. Le Malade Imaginaire, une comédie-ballet en 3 actes, écrit en 1673 met en scène Argan, un noble hypocondriaque et tyrannique qu’exploitent des médecins charlatans et qui veut forcer sa fille, Angélique à épouser un médecin. Dans l’acte I scène 5, Argan annonce son projet de mariage pour Angélique ce qui est à l’origine d’une dispute entre lui, le maitre et sa servante Toinette.
Lecture
Nous nous demanderons en quoi cette scène est comique et révélatrice du caractère des personnages. Nous pouvons observer deux mouvements dans cet extrait. Tout d’abord, des lignes 1 à 7, nous assistons à un affrontement verbal d’égal à égal puis de la ligne 8 à la fin à une dispute verbale et physique aux allures de farce.
Le passage s’ouvre sur un échange verbal particulièrement vif au cours duquel Argan expose sa conception sur les relations père/fille et maitre/ servante. Son point de vue est conservateur et inégalitaire souligné par des phrases injonctives « je lui commande absolument», « je dis » qui montre sa relation d’autorité. Cette relation d’autorité est renforcée par l’adverbe « absolument » marquant que toute discussion est impossible. Par la suite, Toinette s’affranchit de la hiérarchie maitre/servante. Pour cela, elle utilise le parallélisme « Et moi, je lui défends absolument » en construisant une phrase avec une structure semblable à celle d’Argan et reprend l’adverbe « absolument ». Dans cette même phrase, le lexique est modifié par un antonyme : « commande » remplacé par « défend ». Il s’agit d’une antithèse montrant explicitement son opposition créant alors un effet comique. En utilisant ces procédés, Toinette se met sur le même plan que son maître et ne se montre pas inférieure. Son attitude est courageuse pour endosser le rôle de porte-parole d’Angélique. Le mariage arrangé de celle-ci devient alors un enjeu de pouvoir entre Argan et Toinette. Ils se disputent devant la personne concernée et parlent d’elle comme si elle n’était pas là. Leur réplique «Je lui commande », « je lui défends » en citant Angélique par l’intermédiaire du pronom « lui » l’invisibilise. Aux lignes 4 et 5, on observe deux phrases interrogatives d’Argan n’attendant aucune réponse : « Où est-ce donc que nous sommes… ». Ce sont des questions rhétoriques prouvant son indignation car il n’arrive pas à prendre le dessus sur Toinette. Il panique alors et perd ses moyens créant un comique de situation. Dans sa réplique, il l’insulte de « coquine » et emploie le terme « servante » pour la remettre à sa place et la ramener à son statut inférieur. Des lignes 6 à 7, Toinette reprend de nouveau les mots de son maître et les lui renvoie. On a ici, une servante audacieuse qui lui dit en face qu’il perd la raison (« quand un maître ne songe pas à ce qu’il fait »). On observe également un chiasme avec les mots servante et maître qui sont inversés : non seulement elle a de l’audace mais elle utilise aussi des figures de styles.
Devant l’insolence évidente de Toinette, Argan veut en découdre : s’ensuit une dispute verbale et physique aux allures de farce. La farce est un genre théâtral court qui met en scène des personnages grotesques et stéréotypés. On relève les motifs typiques de ce genre théâtral avec les didascalies « courant » « se sauve » qui reviennent à plusieurs reprises et qui ont comme point commun le déplacement, l’agitation. On avait jusque-là une scène plutôt statique qui devient plus animée. Le bâton fait référence à une scène de bastonnade, un comique de gestes classique de la farce, mais qui au final échoue. Le bâton plus la chaise sont ici des accessoires qui servent à accentuer, renforcer le comique. Le comique de mots farcesque est aussi présent avec une série de périphrases injurieuses d’Argan : « coquine » « insolente » touchant au caractère des femmes, « chienne » rabaissant Toinette à un rang d’animal et « pendarde » signifiant qu’elle est digne de mourir puis de pourrir avec le mot « carogne ». Ces stichomythies accélèrent le rythme et donnent à la scène une dynamique plus rapide. On remarque que les injures vont crescendo mettant en avant une gradation d’une grande violence verbale. Durant cette dispute Toinette marque une opposition catégorique face à son maître. En effet, elle utilise le champ lexical judiciaire avec les mots « devoir » « dois » « droit ». A la ligne 14, avec son discours moralisateur, elle oppose la folie d’Argan à son bon sens de servante : « Je m’intéresse, comme je dois, à ne point vous laisser faire de folie ». De même, ses répliques contiennent de fortes négations comme « non » « ne jamais » « ne point » indiquant qu’elle le redresse. Dans l’appellation « Votre Thomas Diafoirus », l’utilisation du déterminent possessif accusateur « votre» marque la séparation entre deux camps et également qu’il s‘agit seulement de l’intérêt personnel d’Argan qui prévaut et non celui d’Angélique. Par la suite, Toinette se pose en autorité concurrente et endosse le rôle de la mère avec la réplique « elle m’obéira plutôt qu’à vous ». Argan face à son impuissance, se souvient de la présence d’Angélique et appelle sa fille grâce à l’apostrophe « Angélique ». Cette apostrophe a pour but de l’amadouer et cherche à l’apitoyer en jouant son rôle préféré celui du malade mais elle reste solidaire de sa servante et esquive en lui rappelant qu’il est malade (« Eh ! Mon père, ne vous faîtes point malade »). Pour cela, elle emploie l’impératif montrant qu’elle a pris du courage grâce à Toinette. Aux lignes 23- 24, le parallélisme et le chiasme sont de nouveau présents (« Si tu ne me l’arrêtes (…) si elle vous obéit »). Argan menace en ayant recours à un discours paternaliste et Toinette reprend sa structure de phrase et l’inverse. Elle se saisit ainsi de la place des parents et provoque une inversion des rôles et du statut social. Grâce à la parole, elle prend le pouvoir. La dernière réplique d’Argan appuyée par la didascalie prouve la victoire de Toinette car il ressent une fatigue physique « se jette sur sa chaise » mais aussi un épuisement moral exprimé avec l’adjectif « las » et l’hyperbole « mourir ». Il ne s’agit que d’une victoire temporaire car le sort d’Angélique n’est pas réglé.
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