La place du droit de l'UE dans le droit français
Commentaire de texte : La place du droit de l'UE dans le droit français. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Ines Moutrille • 27 Février 2021 • Commentaire de texte • 2 550 Mots (11 Pages) • 790 Vues
Dissertation (Droit public) : « La place du droit de l'Union européenne dans le droit français »
« La République participe à l'Union européenne constituée d’États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité de l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 Décembre 2007 », telles sont les dispositions de l'article 88-1 de la Constitution, qui inscrit ainsi la France à la participation à l'Union européenne.
L'Union européenne a été crée en 1957 par le traité de Rome. Plus précisément, le traité de Rome a institué la Communauté économique européenne (CEE). A ce moment là, il n'y avait que 6 états membres : la France, l'Allemagne, la Belgique, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas. Par la suite, la Communauté économique européenne est devenue l'Union européenne, qui contient aujourd'hui 27 États Membres depuis le Brexit. L'objectif initial de l'Union européenne était de créer une solidarité économique entre les États membres, avec la mise en place, entre autres, d'un espace de libre échange. Cependant, d'autres ambitions que la création de cet espace de libre échange existent également. Parmi elles, se trouve un système juridique propre qui s'intègre aux systèmes de ses États membres. En effet, des règles de droit y sont édictées : c'est le droit de l'Union européenne, un droit qui résulte des traités de l'Union européenne et du droit conçu dans le cadre de ses institutions. Il s'agit de sources de droit qui concernent tout ses États membres, dont fait partie la France.
Ainsi, il existe une coexistence entre le droit français et le droit communautaire, dans la mesure où le droit communautaire a pour principe l'effet direct de son droit, qui implique que tout ressortissant de l'Union européenne peut invoquer des règles de droit communautaire devant les juridictions nationales. Un autre principe du droit de l'Union européenne est sa primauté, qui voudrait que le juge écarte une règle de droit national si elle est contraire à une règle communautaire. Cependant, les juges français ont de leur côté du mal à reconnaître ce principe de primauté, puisque pour eux, ce principe s'analysait comme une perte de souveraineté au profit de l'Union européenne. Ce conflit permanent entre les différentes normes rend la place du droit de l'Union européenne incertaine, et c'est pourquoi s'impose la question suivante : « Le droit de l'Union européenne a-t-il réellement une place primordiale au sein du droit français ? »
S'il est vrai qu'en principe, le droit de l'Union européenne jouit d'une place primordiale au sein du droit français (I), il est également indéniable que cette place se voit souvent relayée au second plan au regard de la réalité des faits (II).
I. Une place primordiale pour le droit de l'Union européenne au sein du droit français
L'objectif principal des ordres supranationaux est l'uniformisation des solutions entre les États. Et pour atteindre cet objectif, la supériorité du droit supranational sur le droit interne n'est pas qu'une option. C'est pourquoi la supériorité des engagements internationaux sur les lois internes est un principe relativement admis par les juridictions françaises (A), et que les juges nationaux collaborent même au profit d'un droit supranational (B).
A. Une admission du principe de supériorité des engagements internationaux sur les lois françaises par les juges internes
Comme dit précédemment, pour fonctionner, un ordre supranational nécessite une primauté sur l'ordre interne qu'il tend à régir, sans quoi il ne pourrait tenir ses engagements, faute de pouvoir. Ainsi, selon cette logique, pour fonctionner, un ordre supranational tel que l'Union européenne devrait jouir d'une primauté sur les lois françaises afin de pouvoir y réaliser ses objectifs.
Sans surprise, les juridictions internationales font toutes valoir la primauté du droit supranational sur les lois internes. Dans le cas de l'Union européenne, c'est l'arrêt Costa contre Enel rendu la par la Cour de justice de l'Union européenne en 1962 qui pose les bases de la primauté du droit communautaire sur les législations nationales. Du côté des juridictions françaises, le processus n'a pas été aussi simple. Au niveau légal pourtant, les textes sont sans appel. L’article 55 de la présente Constitution dispose que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ». De même, l'alinéa 14 du Préambule de la Constitution de 1946 exige de la part de la République française un respect du droit international. En revanche, dans la pratique, les juges français ont eu énormément de mal à admettre cette primauté du droit communautaire. Ce fut le cas notamment lors d'un arrêt du 1er Mars 1968 rendu par le Conseil d'Etat, où la juridiction suprême de l'ordre administratif avait refusée la prééminence du droit international sur une loi nationale opposée. Il y avait là une véritable hostilité face à la primauté du droit supranational.
Il a fallu attendre quelques années pour que les juridictions suprêmes françaises reconnaissent toutes les deux la primauté des engagements nationaux sur les lois françaises. La première fut la Cour de cassation, en 1975 avec son arrêt Jacques Vabre, où un article de loi avait été écarté au profit d'un article d'un traité. Cet arrêt rompt définitivement avec la doctrine Matter, selon laquelle la loi française prime sur les engagements internationaux. Puis, ce fut le tour du Conseil d’État de suivre la même position et d'admettre la primauté du droit supranational sur les lois françaises, dans l'arrêt Nicolo, rendu en 1989.
Ainsi, tout comme les juridictions internationales, les juridictions françaises ont reconnu le principe de primauté du droit international sur l'ordre interne, ce qui confère au droit de l'Union européenne une place primordiale dans le droit français. Et pour assurer cette hiérarchie, les juges français collaborent au nom du droit supranational, et par conséquent, au nom du droit de l'Union européenne.
B. Une collaboration des juges français au profit du droit de l'Union européenne
Maintenant que les juges français ont admis la supériorité du droit international sur le droit interne, ce qui, logiquement, fait qu'une loi méconnaissant un engagement international ne devrait subsister, il faut veiller à ce que la conformité entre le droit interne et le droit supranational soit respecté. C'est là le rôle du contrôle de conventionnalité, un contrôle qui s'avère nécessaire pour assurer la primauté des engagements internationaux sur les lois du pays.
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