La Tresse, Laetittia Colombani
Commentaire de texte : La Tresse, Laetittia Colombani. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Angèle Ponty • 14 Octobre 2020 • Commentaire de texte • 2 565 Mots (11 Pages) • 6 410 Vues
I- Commentaire
Ce texte est un extrait de La Tresse, un roman polyphonique du mouvement réaliste paru en 2017 et contemporain à son époque. L’auteure, Laetittia Colombani, met en scène trois femmes en proie à un destin cruel. L’une d’elles se nomme Smita, appartenant aux Intouchables, aux Dalits, un groupe d’individus jugé hors des castes indiens. Une espèce à part, condamnée comme trop impure pour se mêler aux autres. Cependant, Smita refuse que sa fille suive le même chemin sinueux de paria qu’elle. Pour offrir un avenir meilleur à Lalita, elle va prendre une décision : la faire entrer à l’école du village. Comment ce roman montre que la lutte pour l’égalité est toujours d’actualité ? Nous étudierons en premier lieu les changements que pourraient engendrer la scolarisation de Lalita dans la société indienne, puis, nous analyserons les armes auxquelles Smita a recours pour combattre l’injustice.
En Inde, beaucoup vivent dans des conditions inhumaines. Smita est une victime parmi tant d’autres des inégalités abjectes qui régissent son pays. Le fait est que les Intouchables sont dans l’incapacité de changer leur condition face à ceux qui les accablent. Ils doivent alors accepter leur infériorité et adopter les signes de distinction qu’on leur impose, «marcher pied-nus», «les yeux baissés, le visage dissimulé», vivant dans la crainte d’être « lapidé pour le seul fait d’avoir porté des sandales », ou autrement dit, d’avoir décidé de vivre comme un être humain. L’hyperbole « elle doit être invisible » illustre bien l’exclusion sociale que subissent ces derniers, «Pas regarder, pas toucher ». Ce procédé rhétorique appuie l’idée qu’ils ne possèdent aucun statut, sauf celui d’être insignifiants aux yeux de tous. Ce sont les rebuts de la société. De ce fait, ils subissent leur mise à l’écart, puis commencent à accepter d’être dénigrés illégitimement. Par le point de vue omniscient du narrateur, le lecteur détient une connaissance complète sur le contexte du récit et la situation de l’héroïne, afin d’être en totale immersion et d’avoir une meilleure compréhension de la problématique de l’œuvre. Ici, nous pouvons être conscients des inégalités qui déterminent la société indienne du 21ème siècle, et également des tourments de Smita.
Tous les matins, les femmes Dalits, dont fait partie Smita, se lèvent avec des haut-le-cœur en pensant au calvaire qu’elles vont devoir endurer. En effet, elles sont contraintes de ramasser les excréments des autres à mains nues. Pour ces femmes, envisager une destinée autre n’est pas concevable. Pourtant, il est inimaginable pour Smita que sa fille subisse la même existence misérable qu’elle. En effet, en tant que mère, elle désire que Lalita jouisse d’un avenir autre que celui d’une Intouchable. L’emploi du futur simple « sa fille ira à l’école », « elle ne lui montrera pas les gestes des videurs de toilettes », « elle ne verra pas sa fille vomir dans le fossé » traduit la certitude de Smita qu’elle réussira à extraire sa fille de cette sentence qui s’abat sur toutes les femmes Intouchables. La métaphore « un cercle dont personne ne peut sortir » appuie cette idée de fatalité, condamnant tous ceux qui ont le malheur de naître Intouchable.
La jeune femme va donc essayer de déroger aux règles en faisant entrer sa fille à l’école du village. Par ce biais, Lalita ne sera plus invisible mais pourra côtoyer des enfants jugés supérieurs à elle. En somme, ce processus est une entaille au système social indien. Derrière la scolarité de Lalita, un enjeu de taille pour tous les Intouchables est dissimulé. Cela marquera le début d’un changement de leur condition en tant que réprouvés. Par l’acceptation d’une des leurs dans un environnement qui leur avait toujours été interdit, les Intouchables regagneront l’espoir qu’un jour, ils pourront enfin être acceptés à leur juste valeur, en tant qu’êtres humains égaux aux autres, et non comme une espèce à part que le regard de leurs semblables traverse. De plus, la scolarisation de Lalita donnera à tous ces parents désolés d’être dans l’incapacité d’offrir à leur enfant l’accès à l’éducation, un exemple que ce n’est en fait pas impossible. Si quelqu’un a réussi, c’est que ce n’est pas insurmontable. Dans le cas où la tentative de Smita se solde par une réussite, ce serait une victoire gagnée par les Intouchables dans cette grande guerre qu’est celle de la lutte pour l’égalité.
Dans cette optique d’équité, Smita jette toutes ses forces dans la bataille. Sa force de caractère et son refus d’abdiquer sont ses plus grands atouts. Ils se traduisent dans un premier temps par cette idée d’introduire sa fille dans l’école du village. Ce projet très ambitieux, beaucoup y ont sûrement déjà pensé. Pourtant, Smita est la seule qui a le courage d’aller jusqu’au bout. Dans la phrase « Lalita doit aller à l’école », on ressent, par sa décision, qu’un autre avenir pour sa fille n’est aucunement envisageable. L’emploi du verbe devoir illustre parfaitement nos propos. Smita est aussi extrêmement optimiste. En effet, jamais la pensée que Lalita se ferait peut-être maltraitée ou discriminée a traversé son esprit. La jeune femme voit déjà sa fille savoir lire et écrire, grâce à l’enseignement précieux du Brahmane. De plus, une de ses armes les plus avantageuses réside en son mari, Nagarajan. Elle a eu la chance, et c’est bien triste de qualifier cela comme d’une chance, de se marier avec « un homme bon » et non « irascible et violent » comme l’était son père. Avec Nagarajan à ses côtés, qui la prend en considération et qui la qualifie comme son égale, elle peut librement lui faire part de ses ambitions pour leur fille sans avoir la crainte de se faire violenter pour cela. De ce fait, elle va essayer convaincre son époux de rallier sa cause et de l’aider dans ses projets. Pourtant, Nagarajan, plus réaliste, reste sceptique. Selon lui, l’accès à l’éducation ne pourra soustraire Lalita de leur condition d’Intouchable. Même instruite, son rang social l’a marquée, et cette trace est indélébile, «personne ici ne lui donnera du travail». Néanmoins, Smita ne se laissera abattre par ce premier refus et ne cédera pas. L’accumulation «elle en a reparlé le lendemain, le jour d’après, et les suivants » traduit sa détermination. Ce procédé montre que cette dernière refuse l’échec de sa démarche et n’abandonnera jamais. De plus, la personnification « sa volonté est puissante » renforce l’idée que Smita use de sa détermination comme d’une arme.
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