Incipit, Souvenirs pieux, Marguerite Yourcenar
Commentaire de texte : Incipit, Souvenirs pieux, Marguerite Yourcenar. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Aurélia E • 5 Avril 2022 • Commentaire de texte • 2 254 Mots (10 Pages) • 2 105 Vues
Extrait allant de : « L’être que j’appelle moi » à « tout contenu humain »
◦ INTRODUCTION :
Marguerite Yourcenar naît en 1903 d’un père français et d’une mère belge qui meurt quelques jours après l’accouchement. Élevée par son père, elle reçoit une éducation exigeante et humaniste lui donnant le goût au nomadisme. En 1980, elle est la 1ère femme élue à l’Académie française. Le récit autobiographique Souvenirs pieux est paru en 1974, elle revient sur ses propres traces et reconstitue l’itinéraire de sa vie. Adoptant ainsi, le point de vue d'un historien pour mieux analyser le « je » narré, elle aborde le problème de la fiction pour combler les trous de mémoire. Plus que d’une autobiographie, il s’agit alors de la reconstruction historique de son propre roman familial, des « histoires » de sa famille maternelle. Souvenirs pieux débute sur la naissance de Marguerite. Le passage étudié est la 1ère page de la trilogie autobiographique Le labyrinthe du monde. Nous nous demanderons donc en quoi ce début autobiographique est à la fois déroutant et original. On peut distinguer 3 mouvements dans ce texte. Tout d'abord, l’identification d’un être de la ligne 1 à la ligne 8. Ensuite, elle évoque la difficulté d’identification de la ligne 9 à la ligne 19. Enfin, elle décrit le travail autobiographique de la ligne 19 jusqu’à la fin de l’extrait.
◦ ANALYSE (détaillée) :
I. Une volonté de réalisme → ligne 1 à 8
a. Dédoublement → ligne 1 à 4
▪ Dès la première phrase, elle met en valeur la mise à distance, le dédoublement propre à l’écriture d’une autobiographie
• ligne 1 : « l’être que j’appelle moi », ici, le « je » s’intéresse au « moi »
• Ce dédoublement est favorisé par l’éloignement temporel entre l’action passé et son présent.
▪ Marguerite par le jeu des temps insiste sur le fait qu’il y a deux moments :
• la naissance → temps au passé : « vint »(l.1) « naissait »(l.2) « avaient été […] établis »(l.3-4)
• le temps de l’écriture → le présent : « l’être que j’appelle moi » (l.1)
=> Elle entreprend son autobiographie à 70 ans et cela montre les efforts de mémoire qu’elle doit faire.
▪ Il y a donc un dédoublement entre l’adulte et l’enfant qui est très loin dans son souvenir.
▪ Elle met également en avant le réalisme, l’objectivité de son récit :
• indications temporelles précises : « un certain lundi 8 juin 1903, vers les huit heures du matin, à Bruxelles » (l.2-3)
• indications spatiales précises : « à Bruxelles » « à Liège » « dans le Hainaut »
• elle précise l’origine géographique de ses parents : « d’un Français […] ville famille du Nord » « d’un Belge […] établis à Liège, puis fixés dans le Hainaut »
b. Détachement affectif → ligne 5 à 8
▪ L’article défini « la » dans « la maison »(l.4-5) marque un détachement affectif avec son souvenir.
▪ L’utilisation du démonstration « cet événement » lui permet de se détacher de l’histoire, d’avoir un point de vue externe.
▪ « puisque toute naissance en est un » le présent de vérité générale présente sa naissance comme une expérience commune, banale, sans intérêt.
▪ Dans l’expression « le père et la mère »(l.6) il n’y a aucune émotion, rien d’affectif => elle les désindividualise.
▪ Elle s’appuie sur le réalisme afin d’avoir une vision objective de sa vie ;
• lieux précis : « au numéro 193 de l’avenue Louise »(l.7), « une quinzaine d’années »(l.8)
• informations vérifiables : « dévorée par un building »(l.8)
▪ Cet incipit soulève le problème de la naissance dans l’autobiographie : événement dont on ne peut pas se souvenir.
II. Une difficulté d’identification → ligne 9 à 19 « sans douter de tout »
a. Du privé au général→ ligne 9 à 13 « nous déterminent tous »
▪ « Ayant ainsi consigné ces quelques faits qui ne signifient rien par eux-mêmes »(l.9) elle fait le lien avec le premier paragraphe tout en marquant une nouvelle fois le détachement avec sa naissance.
▪ L’utilisation de la 1ère personne du pluriel «chacun de nous»(l.10) «notre propre histoire»(l.11) «nous déterminent tous » (l.13) marque la volonté d’une autobiographie générale qui parle à tous, elle s’inscrit dans un collectif.
▪ « je m’arrête, prise de vertige »(l.11-12) prise de conscience de l’adulte qui réalise que la vie est complexe :
=> passant du passé au présent ; du personnel au collectif ; ...
▪ « l’inextricable enchevêtrement […] qui nous déterminent tous »(l.13) :
• elle évoque un croisement entre « notre propre histoire » et « l’histoire tout court »
• elle expose ici une vision déterministe* de l’homme qui est tributaire des incidents, des circonstances, de l’histoire.
*doctrine philosophique selon
...