En quoi cette pièce est-elle tragique ?

Sophocle, Antigone

En quoi cette pièce est-elle tragique ? 

Introduction : 

Antigone est une tragédie écrite par Sophocle en - 442. Sophocle étant l’un des trois grands auteurs tragique de l’Antiquité grecque avec Eschyle et Euripide. L’histoire de cette pièce se situe après Oedipe Roi et Oedipe à Colonne, puisque c’est de la fille de ce dernier qu’il s’agit, et qui donne son nom à la pièce. Créon est l’actuel roi de Thèbes, à la suite de l’exil d’Oedipe, dont les deux fils, Etéocle et Polynice, se sont mortellement battus. Créon annonce l’ensevelissement d’Etéocle mais pas pour Polynice, qui ne sera pas enterré. Quiconque s’opposera à ce décret paiera de sa vie. Antigone seule, sans l’aide de sa soeur Ismène, brave l’ordre et enterre son frère, ce qui est très vite découvert. Elle est donc condamnée à mort. Hémon, fils de Créon et fiancé d’Antigone s’oppose à cette condamnation, ainsi que Tirésias, qui annonce au roi la volonté des dieux que soit libérée Antigone et enterré Polynice. Créon exécute alors ces demandes, au nom de la sagesse du devin, mais il est trop tard : lorsqu’il se rend au lieu où était enfermée Antigone, celle-ci s’est pendue, et Hémon désespéré, tente de tuer son père avant de s’enfoncer son épée dans le corps. Enfin, dernier coup du sort, Eurydice, femme de Créon s’est suicidé en apprenant la mort de son fils. Créon est anéanti. 

On peut se demander en quoi cette pièce est-elle tragique. Qu’est-ce qui forme le tragique? Quel est le rôle du destin? 

Deux études pour répondre à cette question :

- la justice

- le crime, la souillure et la vengeance divine 

I – La justice

La question de la justice semble être assez présente dans l’œuvre de Sophocle. Quelles réflexions philosophiques peut susciter cette pièce ? Comment la justice s’insère comme un thème essentiel de la pièce ? « Il faut savoir que tout dans l’univers est une lutte, la justice est un conflit, et que tout le devenir est déterminé par la discorde. » (Héraclite l’obscur, Tragédie et Philosophie.)

- Le tragique, fondement même de la tragédie, a pour idée qu’il n’y a pas de réconciliation possible, ce qui est assez opposé au principe de la philosophie, cherchant à réconcilier les oppositions. Le tragique établit une discorde, et la paix n’est possible qu’en passant seulement par la mort. Deux grandes conceptions en rapport avec la justice s’opposent dans la pièce et conduisent à la mort.

- Créon incarne le pouvoir politique. Il est la représentation de la loi et la fait appliquer sans tenir compte de l’avis du peuple ou des situations particulières. Aristote disait « C’est la loi qui est la vie ». Selon les principes de la cité, il faut qu’il y ait une unité politique qui passe par l’obéissance de certains hommes à d’autres. Créon considère donc la loi comme fondatrice et pilier de la cité.

- Antigone représente donc un danger indirect pour Créon. Elle ne peut directement toucher le pouvoir de Créon ou la cité, mais elle défend une idéologie qui s’oppose radicalement aux convictions de Créon, raison pour laquelle celui-ci en était dérangé. Antigone n’agit pas personnellement. Ses actions sont guidées par l’absolu. Elle ne croit uniquement qu’en la loi des dieux. Selon elle, les lois humaines font donc pâle figure devant le jugement divin. **

- Il y a donc une opposition entre la légalité et la légitimité. La légalité désignant des lois conçues et inscrites dans un règlement précis, et la légitimité étant plus transcendante, il s’agit de tendre vers ce qu’on considère plus ou moins comme bien ou mal, et éviter toute forme de violence ou d’injustice. Ainsi, Antigone présente ainsi sa conception de la justice, en voulant terminer les rites funéraires de son frère, qu’elle considère comme en droit d’être enterré comme l’autre frère.

- Antigone est présentée comme la femme prête à se sacrifier au nom de l’absolu, elle est donc présentée comme courageuse et admirable. On peut également parler de sacrifice pour Créon qui sacrifie son fils en condamnant sa fiancée, pour rester fidèle aux règles de la cité. Il vise également l’absolu dans ce sacrifice. On voit donc la grande force incarnée par les deux personnages pour défendre deux conceptions qui s’opposent dans cette tragédie.

- On peut tout de même voir qu’Antigone est plus tragique que Créon. Elle détruit toute forme de conscience et d’existence possible pour rester fidèle au jugement de l’absolu.

Dans la parole, il y a toujours une tentative d’accéder à une réconciliation avec l’autre opinion. Antigone va s’enfermer dans son silence, le tragique est intériorisé et est donc plus fort. Le messager dans la pièce dit même : « Un trop grand silence me paraît aussi lourd de menaces qu’une explosion de cris ». Tandis que Créon, lui, ne s’arrête pas de parler.

II - Le crime, la souillure et la vengeance divine 

- Le crime, la souillure et la vengeance divine : trois thèmes de cette pièce. On peut s’interroger : comment la tragédie répare t-elle cette souillure? Ou le tragique réside t-il dans la pièce? On sait qu’Antigone est la fille de Jocaste et d’Oedipe, le fils parricide qui a couché avec sa mère. Ce destin horrible est conséquence des fautes de Laïos, qui n’a pas écouté les oracles, lui annonçant qu’il ne devait pas avoir d’enfant. 

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