Dissertation - Julien Sorel est-il un personnage complètement indigne d'honneur ?
Dissertation : Dissertation - Julien Sorel est-il un personnage complètement indigne d'honneur ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Alex Dill • 29 Avril 2021 • Dissertation • 2 615 Mots (11 Pages) • 5 036 Vues
Français - Madame Laurent Alexandre Dillemann 1ère4
Dissertation - Le personnage de Julien Sorel
Sujet :
Le critique Charles Bigot écrivait le 10 novembre 1876 dans « Le Courrier Littéraire » : «Il n’y a pas au fond de pire gredin que ce Julien Sorel, et jamais couteau de la guillotine n’a tranché de tête moins digne de respect.» La lecture que fait le critique du personnage de Julien Sorel vous semble-t-elle juste ?
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Suite à la chute de Napoléon Bonaparte, à la bataille de Waterloo, le régime de la Restauration encouragea la société française à retrouver ses anciennes mœurs. Menées par une minorité élitiste et exclusive, les classes sociales tentèrent de reprendre leurs codes d’avant la Révolution française. Pourtant, tout au long du roman Le Rouge et le Noir, célèbre oeuvre de Stendhal (écrivain romantique du XIXème siècle), le protagoniste Julien Sorel, issu d’une famille rurale modeste, parvient à gravir les échelons de cette société en transgressant les codes par l’audace, la flatterie, la séduction, jusqu’au meurtre, et sera anobli sous le nom “De La Vernaye”; cependant, il sera rapidement arrêté, jugé et même guillotiné. Charles Bigot, critique français du XIXème, écrit le 10 novembre 1876 dans “Le Courrier Littéraire” “[qu’il] n’y a pas au fond de pire gredin que ce Julien Sorel, et [que] jamais couteau de la guillotine n’a tranché de tête moins digne de respect”, critiquant ainsi l’audace de Sorel.
Julien est-il réellement une personne totalement indigne d’honneur ? Dans un premier temps, nous nous proposons d’analyser le caractère indigne du protagoniste, puis de questionner ses éventuelles valeurs morales. Enfin, nous nous pencherons sur l’évolution du personnage de Julien Sorel tout au long du roman, faisant de lui l’archétype du héros romantique par excellence.
Pour commencer, nous pouvons désigner Julien Sorel comme ayant un caractère indigne d’honneur. Il est présenté lors de certains passages du roman comme étant malhonnête et manipulateur ; ce comportement pourrait le rendre totalement antipathique. En effet, son approche habile et discrète lui permet de mieux s'intégrer aux classes de la haute société, notamment chez les Rênal et au manoir des La Mole. Julien, qui ressent au fond une grande admiration pour l’empereur Napoléon , et de la nostalgie de régime. En effet, il éprouve de la “[tristesse]” (chapitre IV, livre I) lorsqu’il fait tomber son livre préféré dans un ruisseau : Le Mémorial de Saint-Hélène. Or, la majorité des nobles de la Restauration tenaient à effacer les traces de l’Empire, et méprisaient ce que représentait Napoléon : l’émancipation et l’ascension sociale des classes paysannes et bourgeoises. Par exemple, dans le chapitre IX du livre I, il a peur que sa "réputation [tombe], anéantie en un moment” si M. de Rênal découvrait le portrait de Napoléon, et convainc Mme de Rênal de l’aider à le cacher. Julien agit donc de manière sournoise afin d’échapper à la fureur de son employeur, et il dissimule ses sentiments authentiques quand il supplie Mme de Rênal de lui venir en aide. En outre, Julien Sorel utilise la tromperie, que ce soit avec son apparente “vocation pour le saint ministère des autels” (chapitre XII), ou bien encore en “[faisant] la cour à” (chapitre XXIV, livre II) Mme de Fervaques afin de rendre Mathilde de La Mole jalouse. En effet, Sorel prétend aimer celle-ci en lui envoyant des lettres rédigées par le prince Korasoff, son professeur en séduction. Il est malhonnête envers les deux personnages, faisant semblant d’ignorer la première (Mathilde) et prétendant aimer la seconde (Mme de Fervaques). Ainsi, cette l’hypocrisie odieuse de cette conduite, à tous les regards (n’oublions pas sa vocation ecclésiastique) souligne les mensonges et les manœuvres de Julien Sorel.
En plus de faire preuve de malhonnêteté, Julien Sorel agit parfois de manière immorale. D’une part, nous constatons la violence imprévisible de ses réactions lors de rencontres avec d’autres personnages, complètement indigne d’honneur. En effet, dans le chapitre IX du premier livre, Mme Derville, amie de Louise de Rênal, remarque que Julien “est bien violent”, et “[l’effraie]”. Cette confidence montre que le comportement imprévisible et brusque de Julien esquinte sa réputation aux yeux de certaines personnes de son entourage. Cette conduite peut être observée, par exemple, dans la scène de la vieille épée, lorsque Julien se munit de l’arme, prêt à tuer Mathilde, qui vient de le traiter de “premier venu'' (chapitre XVII), ce qu’il ressent comme une atteinte à son honneur. Cette scène violente et choquante révèle la fureur soudaine et instinctive de Julien, nous indiquant qu’il pourrait commettre un meurtre s’il n'avait pas réussi à récupérer son “sang-froid”. Les lecteurs sont confrontés de nouveau à sa violence lorsque ce dernier tire deux fois (faute d’avoir râté le premier coup) sur Mme de Rênal dans l’église (chapitre XXXV) après avoir appris qu’elle a envoyé une lettre qui le ruinera aux yeux du Marquis de La Mole. En dépit de ses sentiments pour Louise, Julien a tenté de l’assassiner en vain. Nous pourrions considérer que Julien a une nature dangereuse, et donc odieuse. D’autre part, Julien n’a pas hésité à tromper ses deux employeurs, même après avoir été poursuivi au fusil par M. de Rênal. Il emploie plusieurs stratagèmes pour séduire la femme de M. de Rênal et la fille du Marquis : harcèlement, persistance et jalousie. Circonstance aggravante, il considère ses audacieuses réussites presque comme un divertissement. En effet, au début du roman, Julien ne se croyait pas véritablement amoureux de Mme de Rênal, et compare plutôt sa conquête “aux victoires de Napoléon” (chapitre XI, livre I). Ses jeux irresponsables, conduisant à des conflits de famille, sont odieux, et son immoralité foncière indigne d’honneur pourrait être démontrée. Et pourtant, Julien révèlera que sa personnalité est bien plus nuancée au cours du roman.
Même si Julien Sorel est dépeint à plusieurs moments dans le roman comme antipathique, il présente toutefois des valeurs morales, qui contrebalancent son côté infâme. D’une part, c’est un personnage sensible et passionné, qui entretient des liens forts avec ses propres amis. Ainsi, son amitié avec Fouqué est inébranlable, malgré leurs rares rencontres. Au début du roman, Fouqué propose à Julien de devenir son associé dans une entreprise de coupe de bois; même après l’exécution de Julien, Fouqué conservera certains de ses documents, et portera son deuil, ce qui montre l’attachement et l’intérêt qu’il éprouve pour son ami. Un autre exemple est son lien avec Pirard : Julien lui vient en aide lorsque ce dernier apprend que l’abbé va présenter sa démission. En effet, Sorel propose de mettre 600 F à sa disposition, et se met à verser des “larmes”, ce qui souligne son affection pour Pirard. En outre, Julien fait preuve de générosité, et montre de l’empathie; sa forte loyauté et sa générosité sont très positives aux yeux du lecteur. Par la suite, la sensibilité de Julien est très bien décrite tout au cours de sa relation avec Mme de Rênal. Il explique lui-même que “pour la première fois de sa vie, [il a été] entraîné par le pouvoir de la beauté” (chapitre VI, livre I) de cette dernière. L’admiration de Julien pour la joliesse de Louise souligne ainsi son humanité et sa sensibilité. Il revient aussi la voir avant son voyage pour Paris, et éprouve visiblement de l’affection et un attachement très fort. L’ardeur de Julien se révèle surtout de façon éclatante lors de son procès. En effet, dans une longue délibération, il défend les classes de paysans, en les décrivant comme étant “nés dans un ordre inférieur”, et “opprimés par la pauvreté” (chapitre XLI, livre II). Au lieu de défendre son cas, Julien révèle un héroïsme inattendu et charismatique en se résignant à son inévitable exécution, et ainsi conserve son honneur face au jury. De plus, il va saisir cette opportunité pour dénoncer les inégalités sociales de l’époque, à travers une critique percutante des classes supérieures. Nous pourrions qualifier la passion de discours comme une tentative honorable de rédemption suite à ses différents crimes, qui suscite le respect de son public, et ainsi celui du lecteur. Alors, faisant preuve d’une authentique valeur morale, Julien Sorel se révèle ainsi le vrai héros du roman.
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