Dissertation Jean Luc Lagarce

Dissertation Jean Luc Lagarce

 Au théâtre, toute action est d’abord parole. Au milieu du XXe siècle, le théâtre de l’absurde vient ainsi interroger les failles du langage. À la fin du XXe siècle, dans un contexte très différent, Lagarce interroge lui aussi les pouvoirs et les limites de la parole au sein de la famille dans Juste la fin du monde, une pièce de théâtre écrite par Jean-Luc Lagarce à Berlin en 1990. L’argument est précisé dès le « Prologue » : Louis revient à la maison familiale pour « dire, seulement dire, sa mort prochaine et irrémédiable ». Dans sa préface Jean-Pierre Sarrazac présente la pièce comme « un drame qui n‘advient pas, qui restera l’affaire intime d’un seul, en butte à l’impossibilité de se faire entendre ou à celle de s’exprimer [...] ». Il est alors pertinent de se demander si, par l’incapacité des personnages à s’exprimer, on peut effectivement dire que le drame n’advient pas dans cette pièce.

Nous verrons donc dans un premier temps que Louis, taisant (volontairement ou non) son secret, empêche en effet le drame d’advenir, avant de nous pencher sur la somme de ces drames individuelles qui trouvent leurs expressions dans une crise familiale et traduisant, en se superposant, l’incapacité des êtres à communiquer leurs souffrances, le drame de la parole.

Certes, la parole apparaît comme l’enjeu principal de la pièce dans la mesure où l’aveu de Louis constitue le moteur de l’action théâtrale bien que l’objet de son aveu puisse être considéré comme dramatique (tragique, grave, voire violent) et donne donc un aspect relativement dramatique à la pièce à l’image de la citation suivante : « - Plus tard, l’année d’après - j’allais mourir à mon tour – j’ai plus de 34 ans maintenant et c’est à cet âge que je mourrai ». En effet, nous pouvons dire que Juste la fin du monde est une tragédie véritable car il y a bien un drame, la pièce est marquée par la Mort. Un personnage meurt vraiment même si cela se passe après, cette mort guide et domine toute la pièce. On remarque aussi que c’est un drame collectif par l’unité dans la famille. Au retour de louis dans le foyer familial, la mère et Suzanne sont contentes et sa belle-sœur Catherine est heureuse de le rencontrer enfin. Elles essayent de bien l’accueillir. La pièce de Jean Luc Lagarce tient de la tragédie antique et classique. Elle combine différentes caractéristiques de ces deux genres théâtraux. Le messager de la tragédie antique est incarné par louis, messager de sa mort. L’unité de lieu, de temps et d’action qui sont présentes dans la pièce font référence à la tragédie classique. Également, on peut dire que Juste la fin du monde est une pièce dramatique justement parce que le drame n’advient pas. L’annonce de la mort de Louis à sa famille n’est pas faite donc le suspense est maintenu jusqu’à la fin. De plus le langage échoue à être clair durant toute la pièce malgré la volonté des personnages d’être précis. Cela se manifeste par de nombreuses répétitions, corrections, etc. dans sa préface, Jean Pierre Sarrazac dit que la pièce est comme « un drame qui n’advient pas [...] ». Effectivement, le drame n’advient pas car toute la pièce est marquée par le non-dit. On remarque que même lorsque louis essaye de parler à Catherine, celle-ci le coupe et refuse que louis lui parle. C’est ainsi que l’on peut conclure que cette pièce n’est pas tant une tragédie sur l’individu ou les relations entre individus que sur le langage. Il n’arrive rien aux personnages durant la pièce, les relations entre les individus ne sont pas tellement touchées mais c’est bien le manque de communication et l’échec du langage qui fait le drame de cette œuvre.

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