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Commentaire "la vie" de Claude Bernard

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Par   •  14 Mars 2018  •  Commentaire de texte  •  2 206 Mots (9 Pages)  •  1 126 Vues

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        La vie a longtemps désigné un principe ou une entité, voire une réalité insaisissable et énigmatique censée animer tous les êtres vivants et même le monde organisé dans son ensemble. Mais la science moderne et expérimentale à ses débuts s’est voulue, notamment avec Descartes, mécaniste ; autant dire qu’elle ne pouvait qu’exclure les forces occultes, c’est  à dire toutes les pseudo-réalités inaccessibles à l’observation. Pourtant les sciences du vivant se sont constituées en marge du mécanisme : en d’autres termes, elles n’ont pas pu camper sur les positions de Descartes et ont maintenu, à travers le concept clé de fonction, la notion de finalité interne pour décrire les êtres vivants et en expliquer le comportement. Claude Bernard, l’auteur du texte présenté ici, est justement l’un des fondateurs de la physiologie moderne. Mais sa vision est toute particulière dans la mesure où elle n’appartient pas précisément à l’une des deux conceptions établies sur la notion du vivant. En effet sa particularité est de refuser à la fois la conception vitaliste, qui considère l’organisme comme un lieu de forces vitales indéterminées, mais également une conception qui le réduit seulement à des éléments déterminés de façon mécanique par des propriétés physico-chimiques. Extrait de son Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, ce texte est représentatif de cette position originale, rigoureuse d’un point de vue scientifique, car fidèle à une conception où les lois physiques et chimiques sont capitales, mais consciente de l’importance de la notion de création pour la biologie. Dès lors quelle est en effet la particularité de la biologie au sein des sciences ? Si c’est le concept de vie comme création qui la distingue, comment penser ce dernier tout en faisant place à une rigueur scientifique ?

Le texte se décompose en trois parties. Tout d’abord l’auteur commence par énoncer sa thèse dès les premières lignes du texte: la vie consiste à créer. Il tente ensuite de définir l’organisme, véritable machine vivante qui se caractérise par sa capacité à se développer d’après une idée définie. Enfin Claude Bernard va tendre vers une définition presque vitaliste en considérant l’idée créatrice comme la matrice de tout être vivant.

        Le texte débute par une thèse qui répond à une question implicite, celle qui cherche à déterminer ce qui distingue la « science biologique » des autres sciences. Cette question suppose une réponse à deux aspects : la biologie est une science et en cela doit être définie par un certain nombre de propriétés communes à toutes les sciences, mais, en tant que science particulière, elle doit se « distingue(r) » par des traits qui ne relèvent pas des autres sciences. Cette précision est importante car si la phrase de C. Bernard ne précise pas de quoi la science se distingue, elle fait pourtant une référence implicite aux sciences en général. L’auteur propose donc une certaine définition de la biologie, mais cette dernière ne porte pas sur une méthode qui serait propre à celle-ci, mais plutôt sur l’objet de la biologie. Il s’agit ici de la vie considérée comme création, expression que nous analyserons par la suite. La définition de Bernard implique donc une certaine conception de la science. Si ce qui permet de distinguer la biologie des autres sciences c’est son objet, qui lui est spécifique et non sa méthode, c’est parce que ce qui définit une science particulière est, justement, son objet d’étude. La méthode, qui pour Bernard doit être expérimentale, semble ainsi être ce qui définit la science en général, l’objet d’investigation étant ce qui définit la science en particulier.

L’objet d’investigation de la biologie est donc la vie comme création. La physique par exemple a pour objet le mouvement des corps, les mathématiques, les ensembles d’éléments abstraits, etc. Cette conception qui fait de la vie l’objet de recherche de la biologie est donc traditionnelle. Pourtant, ce n’est pas la vie elle-même que met ici en avant Bernard mais la vie comme création comme le souligne l’affirmation s’apparentant à une prise de partie : « la vie, c’est la création ».  C’est donc moins l’objet « vie » qui importe qu’une certaine conception de la vie, qui la considère sous l’angle de la notion de création. Or, en cela, son point de vue est original. En quoi considérer la vie comme création est une position spécifique ? C’est ce que la suite du texte tente de démontrer, comme en témoigne l’expression de liaison « en effet » dans la phrase qui suit.

Après avoir énoncé cette thèse, Claude Bernard introduit une nouvelle définition qui concerne cette fois-ci l’organisme considéré comme « créé ». Ce dernier « fonctionne nécessairement en vertu des propriétés physico-chimiques de ses éléments constituants ». Une analyse des termes de cette phrase semble nécessaire. Les verbes « fonctionner » et « constituer » sont ici très importants et seront même repris vers la fin du texte. En effet, l’être créé est un organisme dans la mesure où il fonctionne, c'est-à-dire dans la mesure où ses éléments sont en relation en vertu d’un tout. Chaque élément est dit « constituant » non pas seulement au sens où il est une partie quantitative d’un tout mais au sens où il participe au tout dans une relation étroite avec les autres organismes. Or, ce qui permet aux « éléments constituants » de fonctionner, donc de participer à la vie de l’organisme, ce sont des « propriétés physico-chimiques ». Une propriété est ce qui définit un élément par rapport à d’autres, ce qui lui donne sa spécificité. Cette thèse semble à première vue placer l’auteur dans un courant de pensée spécifique qui conçoit l’organisme comme un ensemble réductible à des propriétés concrètes. Claude Bernard ne fait en effet pas de place à une âme immatérielle au sein du corps vivant créé. Il semble se placer ici d’un point de vue matérialiste, voire mécaniste.

L’adverbe « nécessairement » est également important car il souligne que ces propriétés physico-chimiques ne peuvent pas être, c'est-à-dire qu’elles déterminent la vie de l’organisme intégralement et que, sans elles, l’organisme créé n’est plus organisme, et devient non-vivant. Les propriétés physico-chimiques définissent un élément au sein de l’organisme. Cet élément participe de l’organisme entier au sens où il conditionne (« en vertu de »). La biologie s’occupe donc de déterminer quelles sont les propriétés des organismes vivants. Nous voyons ici comment Bernard arrive à faire dériver l’idée de propriété de celle de création : l’organisme créé est organisé. Ses éléments sont organisés en vertu de propriétés spécifiques. Si la biologie s’intéresse à la vie comme création, elle doit ainsi s’occuper de définir les propriétés des éléments de l’organisme vivant. Cette première définition de « l’organisme créé » relève en tout cas d’un certain positivisme, c'est-à-dire d’une attitude qui refuse à prêter une valeur à des énoncés qui n’ont pas encore été vérifiés par la science.  

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