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Cendrars - « La Prose du Transsibérien et de la Petite Jeanne de France » (1943)

Commentaire de texte : Cendrars - « La Prose du Transsibérien et de la Petite Jeanne de France » (1943). Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  15 Juin 2016  •  Commentaire de texte  •  1 847 Mots (8 Pages)  •  3 290 Vues

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Blaise Cendrars auteur du XX ème siècle, est un poète, romancier mais aussi un grand voyageur. Parmi les nombreux pays visités, on retiendra ici son voyage en Russie à bord du Transsibérien. C'est ce voyage en Russie que l'auteur va décrire dans « La Prose du Transsibérien et de la Petite Jeanne de France ». Blaise Cendrars publia ce poème à compte d'auteur en 1943 et l'inclut dans son recueil Du Monde entier.

« La Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France » n'a de prose que le titre puisque c'est un poème écrit en versets. Cendrars justifie ce titre dans une lettre envoyée à un ami « Pour le mot « Prose », je l'ai choisi dans le sens bas-latin de « prosa », « dictu » . Poème me semblait trop prétentieux, trop fermé. Prose est plus ouvert, populaire. »

Ce poème est une description, une narration poétique de son voyage, relatée de manière assez précise. Il ponctue ce récit de toponymes, et de faits historiques comme le « Kremlin » et la révolution russe. Cette description peut rappeler un journal de bord poétique, pour conserver une trace de ce voyage. Cependant, malgré la vraisemblance de ce récit, l'auteur y mêle une part de fantasme assumé.

L'analyse portera plus précisément sur l'extrait page 50, depuis « Du fond de mon cœur » jusqu'à « s'amusent à faire l'amour ».

On peut remarquer que la forme de cet extrait marque une rupture avec le reste du poème. Ce passage est en effet composé de quatrains. Les deux derniers vers de la strophe précédente, « et la seule flamme de l'univers / est une pauvre pensée » sont importants pour le passage à analyser, puisqu'ils semblent annoncer un passage introspectif grâce notamment au verbes « penser », renforcé par les points de suspension qui marquent un glissement vers un passage introspectif.

On peut donc se demander en quoi le poète par le biais de l'introspection, rend il ce passage autonome et crée une véritable rupture par rapport au poème ?

Les deux premières strophes composent le premier mouvement, qui serait une introduction à ce passage, les deux strophes suivantes forment le deuxième mouvement et serait le cœur de l'extrait, sa tension, la cinquième strophe serait un détachement avec cet extrait et la dernière serait une rupture avec l'extrait et un retour au reste du poème.

Le premier vers « Du fond de mon cœur des larmes me viennent » ouvre le poème et annonce un extrait plutôt mélancolique, voire élégiaque grâce à l'association des termes « cœur » et « larmes ». Cela se poursuit au vers suivant avec le terme « Amour », mis en exergue grâce aux virgules et sacralisé par la majuscule qui fait allusion à l'amour divin. Mais cette idée mélancolique est détruite par le terme « maîtresse » qui serait le penchant plus trivial de l'amour. Dès les deux premiers vers, le poète annonce la principale opposition qui va être la tension de cet extrait. On peut également noter la présence du verbe « penser » au deuxième vers qui vient renforcer l'idée d'introspection et d'atemporalité et qui rappelle les deux derniers vers de la strophe précédente.

Le poète renverse ensuite les codes de l'amour traditionnel où on tombe amoureux d'une jeune femme sensuelle. Le poète trouve ici une maitresse qu'il réduit à une enfant grâce à la négation restrictive « ne...que ». Le poète amplifie encore cette dichotomie en confrontant deux termes en apparence antinomiques « immaculée » et « bordel ». « Immaculée » c'est l'immaculée conception, la pureté de Marie, sa virginité mystérieuse, le bordel c'est l'amour charnel, la trivialité la plus basse.

Ce derniers vers fait également écho au premier « Du fond de mon cœur […] au fond d'un bordel ». Cela ferme la première strophe qui présente la scène que le poète va décrire et ses paradoxes.

La premier vers de la strophe suivante « Ce n’est qu’une enfant » s'ouvre avec le démonstratif « ce » qui dépossède la jeune fille de son identité propre. « Ce » est en effet employé pour désigner un objet, il est neutre. Cette idée de réduction est renforcée par la locution restrictive « ne que »qui réduit encore une fois la prostituée. Le terme « enfant » peut également être ambigu puisqu'il s'emploie aussi bien au féminin au masculin. Le vers suivant « Elle ne sourit pas et ne pleure jamais » apporte une idée de gravité, que l'on associeraient pas à une enfant. Le poète se distancie donc de l'image traditionnelle de l'enfant. On retrouve ensuite la locution « au fond de mon cœur », qui rappelle le « fond de mon cœur/le fond d'un bordel » et qui présente ici le seul espace d'évasion du poète mais qui est une fois de plus au fond, dans les profondeurs. Cet espace d'évasion semble donc illusoire. La strophe se conclut par « un doux lys d'argent, la fleur du poète », la jeune fille n'est donc qu'un objet, objet du poète.

Ce premier mouvement introduit donc un passage introspectif et en présente les enjeux. Le poète renverse également les lieux communs de la rencontre en opposant le lexique de la poésie romantique où l'amour est sacralisé, et des termes beaucoup plus triviaux.

Dans le deuxième mouvement, le poète décrit une scène plus joyeuse, ce qui contraste avec la jeune prostituée, le poète va également agir, contrairement au premier mouvement.

Le premier vers de ce mouvement n'est ni négatif ni restrictif mais le poète décrit la jeune fille comme inactive puisqu'elle est « douce » et « muette ». Le « long tressaillement » souligne cette idée d'inactivité, en effet, un tressaillement est une brusque secousse du corps, intuitive.

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