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Capitale de la douleur, Paul Éluard

Commentaire d'oeuvre : Capitale de la douleur, Paul Éluard. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  6 Avril 2022  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 862 Mots (8 Pages)  •  713 Vues

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Capitale de la douleur, Paul Éluard

(édition Gallimard, collection poésie)

  1. Présentation de l’œuvre

Eugène Émile Paul Grindel, né le 14 décembre 1895 et mort le 18 novembre 1952, est un poète français, plus connu sous son nom de plume : Paul Éluard, patronyme qu’il emprunte à sa grand-mère maternelle.

        La vie de ce poète se fonde notamment sur deux piliers essentiels : l’amour, et l’art, qui sont en lui intimement liés. En 1912, alors qu’il n’a que 17 ans, le jeune Eugène est victime d’une grave crise hémoptysique (un des symptômes de la tuberculose), il est alors envoyé au sanatorium de Clavadel, en Suisse, afin de changer d’air et de se reposer. Il y est hospitalisé jusqu’en 1914, avant d’être réquisitionné en tant qu’infirmier lors de la Première Guerre mondiale. C’est dans ce sanatorium que Paul Éluard voit se façonner le premier pilier de sa vie : l’amour. Il y rencontre Helena Diakonova, qu’il surnomme « Gala », une jeune Russe d’à peine un an son aînée, dont il s’éprend et qui l’inspirera suffisamment pour lui insuffler ses premiers vers de poésie amoureuse. Il l’épouse le 21 février 1917, alors qu’il n’est majeur que depuis deux mois seulement. Ensemble, ils ont une fille, Cécile, qui naît le 10 mai 1918.

        La fin de la guerre est proclamée en novembre 1918, c’est alors que structure plus clairement son deuxième pilier : l’art, et notamment l’art de la poésie. Son amour profond pour sa femme se joint à une remise en question du monde et vient s’inscrire dans le mouvement du Dada (« qui se caractérise par une remise en cause de toutes les conventions et contraintes idéologiques, esthétiques et politiques »). C’est ensuite dans le surréalisme, dont il est un des signataires du Manifeste d’André Breton, que Paul Éluard fera évoluer son art, toujours suivi par sa muse et épouse, Gala.

        Mais un bouleversement survient en 1921. Après avoir vu une exposition du peintre surréaliste Max Ernst, le couple décide de se rendre à Cologne, en Allemagne, afin de le rencontrer. Gala pose pour l’artiste, et devient rapidement son amante. Un triangle amoureux s’établit alors, et Max Ernst vient s’installer dans la maison du couple, pour ne pas dire s’immiscer entre eux, l’année suivante. Très vite, cette relation triangulaire devient compliquée, éloigne peu à peu le couple, et affecte Paul Éluard, qui vit mal cette situation.

C’est dans ce contexte, de ce premier amour profond qui débute en 1914 avec cette jeune Russe, à cette expérience amoureuse aussi libre que complexe à partir de 1921, que le poète écrit – vraisemblablement entre 1914 et 1926 – son recueil : Capitale de la douleur. L’ouvrage est ainsi empreint de tendresse nostalgique, et de la douleur, bien sûr, de voir cette femme qu’il aime tant – et non malheureusement qui l’aime tant – se dérober à son amour.

Les poèmes ne sont pas inscrit de manière spécialement chronologique dans le recueil, constitué de quatre sections : Répétitions, Mourir de ne pas mourir, Les Petits justes et Nouveaux poèmes.

        Dans ce recueil nous pouvons, dès le titre, percevoir le jeu de langage subtil de Paul Éluard. « Capitale » peut avoir le sens géographique qu’on lui accorde le plus souvent, mais peut aussi redoutablement rappeler la « peine capitale » ou, de façon plus habile encore, faire entendre qu’Éluard écrit sa douleur en « lettres capitales ».

        Ce titre, si adroit et ingénieux, n’était pourtant pas le premier choix du poète. À l’origine, le recueil était intitulé L’Art d’être malheureux, avant que Paul Éluard ne trouve le titre que nous lui connaissons aujourd’hui, Capitale de la douleur – qui soyons honnêtes, est tout de même bien plus élégant et bien plus percutant que le premier –.

        

  1. Présentation du poème : « L’amoureuse »

(p. 56 de l’édition mentionnée)

« Elle est debout sur mes paupières 
Et ses cheveux sont dans les miens, 
Elle a la forme de mes mains, 
Elle a la couleur de mes yeux, 
Elle s'engloutit dans mon ombre 
Comme une pierre sur le ciel.

Elle a toujours les yeux ouverts 
Et ne me laisse pas dormir. 
Ses rêves en pleine lumière 
Font s'évaporer les soleils, 
Me font rire, pleurer et rire, 
Parler sans avoir rien à dire »

        Ce poème, quatrième de la section Mourir de ne pas mourir est, comme tous les poèmes de cette section, au cœur même de la « brisure du lien amoureux » entre Paul Éluard et sa femme Gala. Il est écrit en octosyllabes et composé de deux strophes de cinq vers, qui symbolisent la rupture.

« L’amoureuse » est en réalité un poème sur l’obsession d’un homme qui ne sait plus s’empêcher de songer à sa muse. Le premier vers, « Elle est debout sur mes paupières », suggère que le poète est poursuivi par l’image de Gala, même lorsque ses paupières sont closes. C’est une vision obsédante de cette femme qu’il a aimée, et nous pouvons observer un paradoxe entre sa vaine tentative de la retenir encore au fond de lui-même, alors qu’elle n’est plus là, et la douleur que cela engendre de ne plus l’avoir uniquement que dans son esprit.

        « […] ses cheveux sont dans les miens, / Elle a la forme de mes mains, / Elle a la couleur de mes yeux, / Elle s’engloutit dans mon ombre / Comme une pierre sur le ciel », ces vers de la première strophe soulignent à la fois l’imagination, la rêverie, comme si Gala avait littéralement ses cheveux dans ceux du poète, la forme de ses mains et la couleur de ses yeux, mais aussi la véritable fusion qui existait entre les deux êtres. Ainsi, les cheveux de Paul Éluard auraient été faits pour se tresser à ceux de Gala, ses mains pour s’accorder au corps de son épouse, et ses yeux pour ne regarder qu’Elle ; ou encore, plus simplement : auparavant, ils ne formaient qu’une seule entité.

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