Analyse les mémoires d' Hadrien de Marguerite Yourcenar
Analyse sectorielle : Analyse les mémoires d' Hadrien de Marguerite Yourcenar. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar laure160980 • 3 Février 2022 • Analyse sectorielle • 2 753 Mots (12 Pages) • 1 495 Vues
Mémoires d’Hadrien, Marguerite Yourcenar (1951), explication linéaire 3 : la rencontre avec Antinoüs (début 4ème partie, ‘’Saeculum aureum’’, « On lut ce soir-là … commencèrent. »)
- Introduction.
- Contexte (auteur, époque, courant) : roman écrit de 1924 à 1951, pendant XXème siècle troublé. A contre-courant du Nouveau Roman.
- Genre/œuvre/extrait/situation dans l’œuvre : roman de genre hybride, mêle genre des mémoires apocryphes, écriture autobiographique fictive, lettre, roman historique… L’extrait offre le récit rétrospectif d’un souvenir d’Hadrien, la rencontre avec Antinoüs (il l’écrit à 60 ans, les faits se sont déroulés en 123/124 : il avait 47/48 ans, Antinoüs 14/16 ans (il est mort en 130, à l’âge de 20 ans). Cette scène de rencontre propose aussi un portrait d’Antinoüs. Le passage se situe au début de la 4ème partie du roman, consacrée à ‘’l’âge d’or’’, aux années de bonheur de la vie d’Hadrien.
- Registre : lyrisme (expression, à la 1ère personne, des sentiments, de façon musicale) onirique (rêve) et nostalgique (du grec : nostos : retour, algos : souffrance ; la souffrance éprouvée lorsque l’on se retourne vers son passé, les lieux et personnes aimés…)
- Composition : 2 paragraphes (1. Cadre poétique, apparition d’un « jeune garçon », le songe d’Hadrien (un « berger ») se mêle au portrait. 2. Premier tête à tête, premier échange, suite du portrait et ouverture sur un avenir commun.) Une rencontre magique, du premier regard à la naissance de l’amour.
- Problématique : ce qui caractérise cette scène de rencontre.
- Lecture à haute voix.
- Explication linéaire.
- Paragraphe 1 : « On lut…échos. » : le pronom indéfini « on », le verbe lire au passé simple, le GN CC de temps « ce soir-là », renvoient au contexte spatio-temporel. Cette soirée est un moment du passé fixé dans la mémoire du narrateur, unique, comme l’exprime l’adverbe de lieu « là », qui précise le nom « soir » et le désigne comme un soir unique, qui a marqué la vie du narrateur, qui s’en souvient des années plus tard (il a 60 ans lorsqu’il raconte, 47/48 ans au moment des faits : 2 temporalités cohabitent, et il faut être attentif aux pensées du narrateur de 60 ans comme à celles d’hadrien plus jeune !) Le cadre est nocturne, hors du temps normal, « poétique » … comme cette « réunion littéraire » (voir plus haut dans la page) consacrée à la lecture de poèmes de Lycophron. « On » désigne les invités de cette réunion, anonymes (voir plus haut : « sophistes, étudiants, amateurs de belles lettres ») et amateurs de littérature. Un groupe donc ‘’choisi’’ (des intellectuels), mais « indéfini » pour Hadrien, groupe dont va se détacher un être unique. Au moment où il raconte comme au moment des faits, ces gens ne comptent pas pour H., seul A. va l’attirer. Le Complément d’Objet Direct du verbe lire, « une pièce… », introduit les thèmes du mystère, de la poésie et de la Grèce, chers à H. Cette soirée était donc plaisante pour H., conforme à ses goûts. En effet, Lycophron est un poète grec du 4ème siècle av. JC, auteurs de poèmes et tragédies énigmatiques, difficiles, obscurs : les adjectifs « abstruse, folles, complexe » le soulignent. La PS relative, complément du nom « Lycophron », « que j’aime pour… », rappelle le goût raffiné et exigeant d’H. pour la poésie élevée, ses sonorités, ses « images, reflets, échos » subtilement mêlés. Le verbe aimer, conjugué au présent, réunit H. jeune à H. vieillissant, en montrant un trait constant de sa personnalité, l’amour de la poésie. Ce soir-là, H. fut donc plongé dans une atmosphère conforme à ses goûts, propice.
- « Un jeune garçon …cri d’oiseau » : cette longue phrase ouvre sur plusieurs observations. Tout d’abord, comme par magie, dans ce cadre poétique, on assiste avec cette deuxième phrase, à l’apparition d’ « un jeune garçon ». Il ‘’apparaît’’, au sens magique du terme, et se livre au regard d’H., qui, en focalisation interne, découvre des éléments qui le caractérisent, et qui révèlent son intérêt immédiat pour lui : l’indice de lieu, qualifiant le « jeune garçon », « placé à l’écart », isole le jeune-homme (opposé au pronom indéfini ‘’on’’ : il y a le groupe anonyme et lui, qui en ressort, unique. Il n’est pas comme les autres). Sa jeunesse est tout de suite signalée, avec l’adjectif « jeune », elle sera rappelée plusieurs fois dans l’extrait : « tout (adjectif indéfini renforçant le sens de l’adjectif) jeune, l’écolier »). Son « attention », le fait qu’il « écout(e) » ces « strophes difficiles », attire aussi H., qui remarque même, tant il est attiré par le jeune homme, que son attention est « à la fois distraite et pensive », ces deux adjectifs épithètes formant antithèse et donnant l’idée d’une attitude complexe, mystérieuse. Ce jeune homme est ‘’double’’, difficile à cerner. On voit ici une analogie avec la poésie de Lycophron : le jeune garçon semble le « reflet » (ce mot désignant par Hypallage le jeune homme) de cette poésie, en harmonie avec elle. H. ‘’aime’’ la poésie : il ‘’aime’’ donc aussi ce jeune homme ! Voici ce que suggère le texte. L’amour est né « immédiatement », le jeune homme est apparu au regard d’H. dans un contexte qui a déclenché l’amour. Un coup de foudre poétique !
De plus, la proposition coordonnée par « et » montre qu’ « immédiatement » la vision de ce jeune garçon déclenche un « songe » chez H., c’est-à-dire qu’H. plonge dans une représentation fantasmée du jeune homme, il l’idéalise, l’associe à des images : ceci définit la naissance de l’amour, immédiate. H. voit en ce jeune homme un « berger » : depuis l’Antiquité, le berger est associé au mythe (à la construction imaginaire) des ‘’bergers d’Arcadie’’, conté par Virgile, le poète latin du 1er siècle avant JC (70/19 av. JC), dans ses Bucoliques. En Arcadie, patrie de Pan, protecteur des bergers, on vit heureux, mais on n’échappe pas à la mort (apophétie qui annonce déjà la mort d’Antinoüs, de même que le « cri d’oiseau » qui annonce le sacrifice de l’oiseau qui précède le suicide d’A. H. vieillissant donne ici son point de vue, il connaît la suite…). Cette utopie colle parfaitement au personnage d’Antinoüs puisque l’on apprendra dans le paragraphe suivant que sa famille est originaire de la région grecque d’Arcadie, située dans le Péloponnèse. Le rêve d’H. se précise, avec la notation spatiale « au fond des bois », qui file la métaphore du berger, être naturel. De même, l’oxymore « vaguement sensible », ajouté à l’adjectif « obscur », reprend l’idée du mystère et de l’analogie entre le jeune homme et la poésie « abstruse » (=obscure) de Lycophron : pour H., Antinoüs est un être poétique.
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