Sensualité et agentivité de la femme
Dissertation : Sensualité et agentivité de la femme. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar nastea2 • 27 Août 2019 • Dissertation • 2 656 Mots (11 Pages) • 653 Vues
Rares sont les femmes qui peuvent exprimer leurs désirs et leurs désirs sexuels dans une relation amoureuse ou dans la littérature. En effet, depuis les années 1990, de plus en plus d'auteures prennent les devants littéraires et abordent des thèmes considérés comme tabous : la sexualité féminine en est un exemple. Alors que les œuvres littéraires étaient jusqu'à cette date généralement le fruit de l’homme, les rôles s'inversent et les femmes font une entrée massive sur la scène littéraire. La sexualité devient un sujet central des écrits du 21e siècle pour plusieurs écrivaines comme Élise Salaün. Cette dernière se fait remarquer dans son essai Oser Éros (2010), où la sexualité – corps, plaisir, désir – est abordée[1]. Le travail de ces femmes pour faire avancer les idéaux concernant la sexualité féminine est salué par plusieurs. Dans le récit Aurélien, Clara, Mademoiselle et le Lieutenant anglais (1995) d’Anne Hébert[2] et le roman La déesse des mouches à feu (2013) de Geneviève Pettersen[3], une sexualité féminine est représentée. En effet, les personnages féminins ont un rapport au corps empreint de curiosité et une agentivité sexuelle forte.
Rapport au corps : de la curiosité à la consommation
Le personnage féminin dans Aurélien, Clara, Mademoiselle et le Lieutenant anglais d’Anne Hébert, Clara, et dans La déesse des mouches à feu de Geneviève Pettersen, Catherine, toutes deux laissent entrevoir leurs désirs sexuels. Ce qui procure le plaisir sur le plan corporel aux personnages féminins, dans les deux œuvres à l’étude, varie selon l’auteure. Hébert affirme que les plaisirs ressentis par Clara peuvent aussi provenir de la nature : « …tout contre son oreille, et l’ensorceler à nouveau, Clara en était venue à confondre le propre battement de sa vie avec la pulsation de la rivière. Et voici qu’elle s’étonne de sa confusion et de son tumulte intérieurs, reflétés en tourbillons dans la rivière en crue[4]. » (p. 65) Dans cet extrait, qui se situe après sa première rencontre avec le Lieutenant, Clara vient à interpréter son environnement en imaginant que ce qu’elle ressent est un plaisir donné par son Lieutenant. En fait, par cet extrait, on peut comprendre que ce que l’environnement de Clara lui fait vivre, soit les « pulsations » et les « tourbillons », sont en fait des émotions qu'elle « reflété » (comme dans le miroir de l’âme humaine) vivre avec le Lieutenant.
Contrairement à Hébert, Pettersen révèle que les plaisirs sexuels sont ceux qu’un partenaire donne lors d’un acte : « Pascal m’a mangé, pis je pense que je suis venue. J’n’étais jamais venue avant. Même pas quand je me touchais dans ma chambre, le soir, en m’imaginant que je baisais avec un croisement de Pascal, de Keven pis de Detlev[5]. » (p. 83) La crudité des mots de cet extrait insiste sur la provenance unique (« J’n’étais jamais venue avant ») de la satisfaction sexuelle. En effet, le champ lexical du « sexe » est exploité comme si c’était un acte sauvage sans sentiment ressenti : « mangé », « venu », « venue » « touchait » et « baisais ». Il ne semble pas y avoir de passion ni d'amour dans cet acte cru et vide d’émotion. En fait, pour Catherine, la seule chose qui procure de la jouissance sexuelle est de faire l’amour tout simplement.
Anne Hébert et Geneviève Pettersen se ressemblent sur le plan du rapport au corps franc, car les deux autrices mettent de l’avant des femmes curieuses sexuellement qui se donnent à un partenaire pour différentes raisons et de différentes manières afin de montrer l’intérêt sexuel qui touche les jeunes femmes. En fait, le rapport au corps est empreint d’une curiosité pour découvrir son propre corps de jeune fille, mais aussi celui de son partenaire.
Chez Anne Hébert, ce rapport de corps franc s’observe alors que Clara découvre les plaisirs que son corps peut lui apporter sur le plan sexuel :
« Les mains de Clara s’alanguissent sur son ouvrage, retombent côté à côté sur ses genoux, comme deux petites bêtes tuées. […] Elle pense très fort, comme si elle écrivait soigneusement dans un cahier d’écolier. […] Je crois que je suis tombé en amour avec le Lieutenant anglais[6]. » (p. 65)
Grâce à la comparaison, il est possible de déceler les propos nuancés et riches alors qu’on lit l’extrait au deuxième degré. Le groupe de mots qui contient ces mots comme « mains », « s’alanguissent », « coté à côté sur ses genoux », « pense très fort », « soigneusement », lorsqu’ils sont lus avec une certaine distance, permettent d’entrevoir la curiosité qu’à Clara face à la découverte de son corps.
Geneviève Pettersen accentue le rapport au corps franc du personnage féminin principal, Catherine, alors que celle-ci découvre ce qu’elle aime ressentir durant un rapport intime : « Pendant qu’elle me parlait, elle avait commencé à me flatter le dos. Je trouve ça le fun. J’ai toujours aimé ça, me faire flatter[7]. » (p. 114) Par cette citation, où nombreux mots débutent avec la même lettre soit le « f », l’allitération permet de faire ressortir ce que Catherine apprécie comme préliminaire avant un acte plus rapproché. De plus, chez Pettersen, les actions sont énumérées d’une manière crue et explicite : « flatter », « fun » et « toujours aimé ». Contrairement à Hebert, Pettersen ne laisse pas de place à une interprétation nuancée où il faut lire entre les lignes afin de comprendre son propos.
En bref, Hébert et Pettersen mettent de l’avant deux jeunes adolescentes qui savent la provenance de leurs plaisirs sexuels et qui ont un rapport au corps franc.
L’agentivité sexuelle : de la curiosité à l’affirmation
Les personnages féminins mis en scène dans Hébert et Pettersen savent reconnaître leur appétit sexuel et les fantasmes qui les animent. Il s’agit d’agentivité, l’acte de prendre les devants en exerçant réellement un pouvoir décisionnel lors d’un rapport intime[8], dans la mesure où ces deux femmes prennent les devants dans leurs relations sexuelles en se respectant et en affirmant leurs désirs.
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